vendredi 31 octobre 2008

Beethoven piano concerto - Kissin / Davis / LSO - part V

Dernier post d'une série de cinq articles dédiés au nouvel album paru chez EMI classics le 19.09.2008


Klavierkonzert Nr. 5 in Es-Dur
opus 73, 'Empereur'

On l'évoquait en passant dans mon séminaire du mercredi, le cinquième concerto de Ludwig van Beethoven est une sorte de collage, on dirait qu'il a dû bidouiller pour faire tenir tous les éléments ensemble. Beethoven était génial, nul doute, mais parfois il a quand même fait pas mal de magouilles, dans nombre de ses pièces.
Voyons donc ce que nos deux compères Evgeny Igorievich Kissin et Sir Colin Davis feront de ce grand patchwork.

Je suis aux anges, ravie de vous annoncer que Kissin a lâché la pédale: on a la joie de retrouver les frissons que nous procurent son articulation très soignée, perlée. Avancer, retenir, des accents subits, des retards inattendus, on retrouve ici pas mal d'analogies avec sa façon de jouer le premier concerto, et, d'une certaine manière, on peut dire qu'on referme ainsi la boucle, on clos le cycle.
Un jeu extrêmement maniéré, propre à Kissin, un LSO rond, puissant, dirigé par la baguette très décidée de Davis, pour un premier mouvement qui foisonne d'idées, d'allusions et de couleurs. C'est une explosion de sonorités, ce sont milles contrastes, suprenants souvent, agréables toujours. C'est par exemple un choeur lyrique de bois qui chante au-dessus d'un piano staccato, c'est le passage en octaves quasi furioso auquel succèdent des phrases rêveuses, que les altos ramènent au maestoso de l'introduction.
Niveau harmonie, le premier thème est on ne peut plus basique, tonique dominante bis zum "geht nicht mehr", souligné par les timbales. Je dois être un peu primaire, mais je trouve quelque chose de très plaisant dans cette succession I-V-I (comme on la trouve d'ailleurs de manière flagrante dans le thème principal du quatrième mouvement de la cinquième de Beethoven). C'est pompeux, limite un peu marche militaire, mais du moment que les musiciens jouent le jeu, on peut faire pas mal avec ce thème. Beethoven déjà le décline à tous les états d'âmes, le LSO et Kissin ensuite le parent encore de toute une palette de couleurs.
Je disais plus haut que j'étais curieuse de comment cet enregistrement allait traiter le caractère un peu disparate du concerto. J'ai la réponse: en jouant justement avec les ruptures, en les accentuant plutôt que de les lisser. Vient ensuite la difficulté de trouver malgré tout une logique, un moyen de conduire le mouvement de manière cohérente. Il faut montrer le feu d'artifice de pensées musicales de l'oeuvre tout en gardant clairement à l'esprit qu'elle proviennent d'un seul tableau sonore. Il faut trouver le moyen de tirer un grand fil entre la première et la dernière note du mouvement, une sorte d'arc de cercle géant. Davis propose une version très satisfaisante, inventant toujours une solution pour justifier le changement - même très brusque - de caractère. On a au final un Beethoven très 'Beethoven': spontané, loin des conventions, têtu, décidé, qui n'attache pas la moindre importance aux codes. Il faisait déjà cela dans sa première symphonie: commencer un mouvement de Do Majeur sur un accord de do septième, faut le faire! Et Beethoven ose. Paf. J'aime ce Beethoven révolutionnaire et conséquent avec lui-même.
Si le second mouvement du cinquième concerto n'est pas, à mes yeux, aussi sublime que celui du concerto précédent, il est certainement l'un des plus beaux que Beethoven ait composé. Les cordes du LSO dévoilent un choral comme une prière fervente. Simples, mais d'autant plus profondes, elles trouvent la juste balance entre les pupitres. Puis, comme la caméra fait une mise au point sur une personne de l'assemblée après la vue d'ensemble, le piano soudain, émerge et s'accorde étrangement bien à la sonorité tamisée des cordes. Les phrases s'étirent, elles semblent pouvoir durer éternellement. Et puis cette progression harmonique en trilles qui ne paraît jamais vouloir s'arrêter. Et qui - coup de génie - ne mène nulle part. Simplement le choral initial, dolce, sans prétention. Kissin use parfois d'un rubato très léger, en prenant garde de ne pas en faire trop, soigne ses attaques à l'extrême. Il en résulte une très belle cohésion sonore entre et avec les différentes sections de l'orchestre, une unité du son, un peu velouté et toujours très rond.
On enschaîne avec le dernier mouvement, le pianiste annonce le thème, avant que tout explose, orchestre et piano. C'est la joie qui jaillit, cette joie indomptable d'une victoire. Ce sont les traits cristallins de Evgeny Kissin, les pizzicati, les grandes phrases généreuses, la largesse du son. Et jamais trop de pédale. Très rythmé, comme toujours bien soutenu par les basses du LSO. La joie des musiciens de jouer ce mouvement est palpable, il font preuve d'une belle créativité, on dirait qu'on va les voir sourire à l'invention spontanée du hautbois solo, on sent le dialogue entre le pianiste et les différents pupitres. Une grande partie de plaisir. Tout semble spontané, et lorsqu'on relâche la tension, on rit déjà sous cape en imaginant le sursaut du public au forte subito.
Kissin et Davis nous offrent un Empereur dans lequel chaque musicien s'engage pleinement et qui n'est finalement pas tellement dirigé par Davis qu'il ne le serait par une joie commune de jouer ensemble. C'est à nouveau une vision très personnelle du concerto, et une très belle vision.
Là aussi, je dis merci. Pour ce concerto et pour les quatre autres.

jeudi 30 octobre 2008

Lulu (Wedekind)

Autor: Frank Wedekind
Originaltitel: Lulu
Erste Auflage: 1913
Übersetzung: -


Klappentext:

Die Dramen Erdgeist und Die Büchse der Pandora waren zu Wedekinds Lebzeiten von Theaterskandalen und Zensurmaßnahmen begleitet. Von Wedekind später unter dem Titel Lulu vereint, gilt die Doppeltragödie heute als sein Hauptwerk.


Meine Meinung:*****
Natürlich, ich liebe den Fin de Siècle, seine Kunst (Klimt), seine Literatur (die Manns), seine Musik (Mahler), alles, alles. Gewiss. Aber dieses Theaterstück ist nun wirklich ein Meisterwerk dieser Epoche.
So ziemlich alle Themen der Jahrhundertwende finden wir in Wedekinds Stück. Das Gefühl der unmittelbar annähernden Götterdämmerung (Ich fürchte jeden Tag, die Welt könnte untergehen meint Schwarz zu Lulu), der Jugendwahn, die Scheinheiligkeit der Gesellschaft, die Femme fatale, das Aussterben der wahren Gefühle.
DIE GESCHWITZ (allein). Ich will mich neben die Tür setzen. Ich will alles mit ansehen und nicht mit der Wimper zucken. (Sie setzt sich auf den Strohsessel neben die Tür.) – Die Menschen kennen sich nicht – sie wissen nicht, wie sie sind. Nur wer selber kein Mensch ist, der kennt sie. Jedes Wort, das sie sagen, ist unwahr, erlogen. Das wissen sie nicht, denn sie sind heute so und morgen so, je nachdem ob sie gegessen, getrunken und geliebt haben oder nicht. Nur der Körper bleibt auf ewige Zeit, was er ist, und nur die Kinder haben Vernunft. Die Grossen sind wie die Tiere; keines weiß, was es tut. Wenn sie am glücklichsten sind, dann jammern sie, dann stöhnen sie und im tiefsten Elend freuen sie sich jedes winzigen Happens. Es ist sonderbar, wie der Hunger den Menschen die Kraft zum Unglück nimmt. Wenn sie sich aber gesättigt haben, dann machen sie sich die Welt zur Folterkammer, dann werfen sie ihr Leben für die Befriedigung einer Laune weg. – Ob es wohl einmal Menschen gegeben hat, die durch Liebe glücklich geworden sind? Was ist denn ihr Glück anders, als dass sie sie besser schlafen und alles vergessen können? – Herr Gott, ich danke dir, dass du mich nicht gestraft hast wie diese. – Ich bin nicht Mensch; Mein Leib hat nichts Gemeines mit Menschenleibern. Habe ich eine Menschenseele? Zerquälte Menschen tragen ein kleines enges Herz in sich; ich aber weiß, dass es nicht mein Verdienst ist, wenn ich alles hingebe, alles opfre…

Mit diesem Zitat denke ich, sieht man ganz klar die Fin de Siècle Psychose, das zweifeln an der wahren Liebe, an seiner eigenen Seele, an der Menschheit. Der Mensch hat sich ad absurdum degeneriert, jetzt kommt das Ende.

Fazit: ein großartiges Theaterstück, das einem beim umblättern der letzten Seite sehr nachdenklich lässt.
Und ich hoffe, dass ich bald die Gelegenheit haben werde, die Oper Lulu, von Alban Berg komponiert, zu sehen/hören.
_____________________________________________
Einen Kommentar dazu finden sie beispielsweise hier.

mercredi 29 octobre 2008

Beethoven piano concerto - Kissin / Davis / LSO - part IV

Quatrième post d'une série de cinq articles dédiés au nouvel album paru chez EMI classics le 19.09.2008


Klavierkonzert Nr. 4 in G-Dur
opus 58

Mon préféré des cinq concerti de Beethoven! Toutefois, cette version me laisse quelque peu songeuse. J'ai l'impression qu'il me manque une clé pour accéder jusqu'au plus profond de l'interprétation. Quelque chose m'échappe.

D'emblée, on est surpris par le tempo très lent du premier thème exposé par le piano solo. Et tout le mouvement suivra dans ce tempo modéré - allegro moderato, c'est pourtant bien ce que Beethoven indique sur la partition. Cette variation, quoique infime, a une influence énorme sur le caractère de ce premier mouvement habituellement léger et extrêmement lumineux - déjà le premier motif en lui-même, et surtout ensuite avec cette entrée si délicieusement surprenante de l'orchestre à la tierce majeure (soit Si Majeur). Kissin et Davis trainent un peu trop à mon goût, transformant la pièce en une sorte de grand romantique dégoulinant de lyrisme. Ca fait très 'école russe', et personnellement, je n'apprécie que très moyennement. C'est lourd, c'est pâteux, les sonorités sont sombres et voilées là où on les aimerait claires et fraiches. Maurizzio Pollini par exemple, bien deux fois plus âgé que Evgeny Kissin, a une transparence tellement plus juvénile!
Malgré tout, il y a quelques passages extraordinaires, où soudain l'orchestre et le pianiste trouvent la sonorité adéquate, surtout dans les passages plus doux, notamment le second thème, et en général dès que le jeu est plus détaché. Et puis, comme je le soulignais dans ma critique du second concerto, il y a ces magnifiques basses du LSO, qui ressortent de la masse, avec leur rondeur de son et la profondeur qu'elles confèrent à l'ensemble de la masse sonore. (Décidément, je suis trop fan des basses du LSO.)

Le second mouvement, que je n'ai pour le moment jamais eu la chance d'entendre dans une interprétation qui me convienne vraiment, me convainc beaucoup plus. Une simplicité qui n'est pas sans profondeur, et, dans les cordes, un unisono d'une grande intensité dramatique, pour un très beau contraste. Et, en vérité, Kissin est merveilleux dans cet andante con moto. Mon Dieu que ce mouvement lent est criminellement court!

Troisième moment est changeant comme une toile expressionniste. Surprenant, mais captivant. Des violoncelles molto esspressivo - damned, on sent tellement le plaisir qu'a tout violoncelliste à jouer de telles phrases! - on passe à un piano vif et articulé, on alterne les grands traits mélodieux avec les petites cellules très rythmées, jouant entre legato et staccato, forte et piano, accents brusques, clarinette chantée, chaque mesure apporte son lot de surprises, impossible de s'ennuyer. Chapeau bas, Messieurs, un génie! (Qui a dit cette phrase, et au sujet de qui? Celui ou celle qui trouve aura le droit à un bisou virtuel.)

Au final, il s'agit encore et toujours du même problème d'Aufführungspraxis de Beethoven: faut-il avoir une approche romantique? Une approche plus 'austère'? Kissin et Davis ont manifestement opté pour une romantisme catégorique, portant l'accent sur le lyrisme, usant force pédale, legato, et rubato (!) au lieu de miser - ce que j'aurais préféré - sur l'articulation. (Ce qui m'attriste d'autant plus que Kissin a une précision tellement éblouissante que je me réjouissais de l'entendre magnifier ces trilles et autres passages rapides.) Sans doute aussi une réaction de frustration de ma part, qui ne m'attendais pas à cela et qui suis donc déçue.
Heureusement, il y a cet intense deuxième mouvement. Et le rondo! Vraiment, ces deux mouvements sont magistralement joués, plus je les écoute, plus je les aime. (Depuis 19:00 je ne fais que cela, il est 23:20, je vous laisse imaginer le nombre de fois que je me les suis passés.)

Bon, maintenant je vais me pencher plus sérieusement sur la partition que je viens d'acheter cette après-midi. Parce que je ne vous ai pas dit: je suis un séminaire de musicologie, Beethoven und die ‚Sonatensatzform’: Zur Beziehung von individueller Komposition und idealtypischer Form(el), et dans ce cadre, je dois présenter une analyse du quatrième concerto de Beethoven. Enfin, à vrai dire, je ne dois rien du tout, je vais à ce séminaire pour mon bon plaisir, car ni ma présence ni mon travail ne seront accrédités dans mon cursus universitaire. Mais voilà, on est quatre, plus la professeur, mon pote de Fribourg a pris la septième symphonie, le violoncelliste de Bern l'Eroica et le Russe l'une des sonates pour piano. Parmi la liste, il restait ce concerto qui me narguait, et Gaétan à côté qui, voyant que je louchais du côté du concerto, a commencé à me pousser, jusqu'à ce que la prof me demande si au fait je voulais moi aussi présenter une œuvre. J'ai un peu protesté (pour la forme), mais j'étais pitoyablement peu convaincante - et convaincue - et donc hop! je me suis retrouvée avec le quatrième concerto et un sourire d'une oreille à l'autre.
Donc, je vais aller analyser 'mon' concerto.
Enfin je vais peut-être d'abord aller dormir. Ou lire.



_________
Edit de quelques premiers-mouvements-en-boucle plus tard:
Je dois modérer un peu mes propos acérés quant au premier mouvement. Mon oreille a dû se faire à cette interprétation inhabituelle, elle est maintenant fin prête à accueillir toute la beauté de ce mouvement. La version 'romantique' n'est pas celle que j'aurais choisie, mais néanmoins il faut reconnaitre qu'elle est menée avec cohérence, et la touche de nostalgie dont elle empreint certains passages a parfois beaucoup de charme.

mardi 28 octobre 2008

Mutter Courage und ihre Kinder (Brecht)

Initialement, j'avais prévu de faire un compte-rendu du quatrième concerto de Beethoven par Kissin, Sir Colin Davis et le London Symphony Orchestra. Sauf qu'en allumant ma chaîne stéréo pour y glisser le CD, je suis tombée sur une pièce pour violoncelle solo avec orchestre rediffusée par Espace 2. [Ah! On dirait les terribles Variations sur un thème rococo de Tchaïkovsky. Bigre, bonne chance au soliste!]
Donc pas de CD Review ce soir, mais une critique littéraire.

Autor: Bertolt Brecht
Originaltitel: Mutter Courage und ihre Kinder
Erste Ausgabe: 1938
Übersetzung:
-

Mutter Courage und ihre Kinder ist mit sicherheit Brechts bekannteste Stück. Wie ich letzten Freitag bereits schrieb, gehören Brecht und seine scharfe Ironie zu meinen Favoriten.
Ein überwältigendes Stück, von dem man nicht unberührt bleibt.
Die Geschichte spielt im Dreissigjährigen Krieg in Deutschland und Polen. Mutter Courage zieht mit ihrem Planwagen durch die Krieggebiete und verkauft den Soldaten ihre Wahre. Sie sucht immer das Beste für ihre Kinder und sich seblst und lebt sozusagen vom Krieg, da sie Sachen für das Heer anbietet.

Und geht er über deine Kräfte
Bist du beim Sieg halt nicht dabei.
Der Krieg ist nix als die Geschäfte
Und statt mit Käse ists mit Blei.

singt die Courage. Und der Feldprediger meint sie sei eine Hyäne des Schlachtfelds. Wenn ich Sie den Frieden entgegennehmen seh wie ein altes verrotztes Sacktuch, sagt er, mit Daumen und Zeigefinger, dann empör ich mich menschlich; denn dann seh ich, Sie wollen keinen Frieden, sondern Krieg, weil sie Gewinne machen, aber vergessen Sie dann auch nicht den alten Spruch: "Wer mitn Teufel frühstücken will, muss ein langen Löffel haben!"
Eine unmenschliche Frau, die über keine Moral mehr Verfügt, die mit dem Krieg Geschäfte macht. Das kann man gut in Brechts Gegenwartsgeschichte verstzen, und darin eine scharfe Kritik an die vergangenen Kriege lesen. Dennoch sehe ich vor allem das Sozial(istisch)e Plädoyer des kommunistischen Brecht. Wenn im Leben des Galilei vor allem die aufsteigende NS-Diktatur denunziert wird, so geht es in Mutter Courage um die armen Leuten, die keine Seele mehr haben, und deren einziger Gedanken ist, sich und ihre Familie zu ernähren, so wie ein Tier keine anderen Sorgen hat als das es und seine Jugen überlebt. Lässt Brecht nich Mutter Courage erklären:
Die armen Laut brauchen Courage. Warum, sie sind verloren. Schon dass sie aufstehen in der Früh, dazu gehört was in ihrer Lag. Oder dass sie einen Acker umpflügen, und im Krieg! Schon dass sie Kinder in die Welt setzen, zeigt, dass sie Courage haben, denn sie haben keine Aussicht. Sie müssen einander den Henker machen und sich gegenseitig abschlachten, wenn sie einander da ins Gesicht schaun wollen, das braucht wohl Courage. Dass sie einen Kaiser ind einen Papst dulden, das beweist unheimliche Courage, denn die kosten ihnen das Leben.
Ähnlich wie in Zolas Rougon Macquart geht durch die zu grosse Not den armen Leuten Seele verloren. Wie auch Mutter Courage trocken gesteht: Ich hab aber keine Seel. Dagegen brauch ich Brennholz.

Auch das tragische Ende, in dem die Mutter einsam weiterzieht gleicht den Romänen der Rougon Macquart. Nichts hat sich geändert, der Krieg wütet weiter, die Mutter Courage hat zwar ihre drei Kinder verloren, sieht aber nicht ein, dass sie durch ihr Verhalten sich selbst die Glieder abgeschnitten hat. Und sie spannt sich an ihrem schäbigem Planwagen, und treibt ihren Handel weiter.

_______________________________
Bild:
Helen Weigel als Mutter Courage
Ost-Berlin, 14. Februar 1954
Deutsches Historisches Museum, Berlin

dimanche 26 octobre 2008

Beethoven piano concerto - Kissin / Davis / LSO - part III

Troisième post d'une série de cinq articles dédiés au nouvel album paru chez EMI classics le 19.09.2008


Klavierkonzert Nr. 3 in c-moll
opus 37

...

Un chef d'œuvre tragique, peut-être le concerto le plus sombre et le plus dramatique de toute la littérature pianistique. Mais Sir Colin Davis dirige une introduction qui est encore trop lumineuse à mon sens. Quant au piano, la première phrase commencée avec toute la pesanteur qu'il se doit se dégonfle avant même d'arriver au piano subito.

Bon, voilà qui est fait. Passons maintenant aux choses sérieuses, car après un début un peu hésitant, Beethoven, son troisième concerto, Davis, Kissin et le LSO se rencontrent. Et quelle rencontre! J'en suis si soufflée que j'ai dû faire une pause après le premier mouvement, boire un verre d'eau fraîche et faire quelques pas dans le jardin.

Evidemment, je m'attendais un peu à quelque chose d'incroyable, la puissance dramatique et l'intensité du jeu d'Evgeny Kissin promettaient un troisième concerto extradordinaire. Mais à ce point? Apparemment, le LSO de Davis et Kissin s'entendent à merveille pour trouver cette cohésion presque brutale qui est - à mon avis - l'une des clés d'une interprétation réussie de l'opus 37. L'union fait la force, et les tensions sont, par effet de contraste, d'autant plus déchirantes que l'unité aura été puissante. Et ce concerto est justement plein de tensions qui tirent dans des directions contradictoires:
Il y a ce premier thème unisono, la malédiction qui pèse, le destin brisé.
Il y a ce second thème, tendrement majeur comme une réminiscence d'un passé clément, les yeux perdus dans le vague lointain des souvenirs, on se remémore les jours souriants d'antan.
Il y cette lutte entre la résignation et l'impossibilité d'accepter le premier thème. Resignation und Trotz.
L'orchestre et le soliste trouvent toujours le ton juste, variant parfois infiniment subtilement d'une couleur à l'autre, d'une pensée à l'autre, pour que le jeu reste cohérent et qu'il nous semble possible de suivre le déroulement du concerto comme on regarderait la mise en scène d'une tragédie au théâtre. C'est renversant d'intensité, de brutalité, de beauté.
Pour terminer ma critique du premier mouvement, quelques mots encore sur la cadence, que Kissin joue avec tant de force expressive que c'est comme un livre ouvert sur le cheminement psychologique de Beethoven, qui peut à peu doit se rendre à l'évidence de sa surdité naissante.
La cadenza s'ouvre avec le 'motif de la malédiction' - je fais un anachronisme, la notion de Leitmotiv tel que nous l'observons chez Wagner n'existait évidemment pas encore à l'aube du XIXe siècle - joué comme la lourde résignation du Bydlo des Tableaux d'une exposition de Moussorgski. La résignation d'une vie brisée laisse peu à peu place à une espérance, avec ces accords qui sonnent presque comme des chorals et ces arpèges que l'on pourrait imaginer sortis tous droit d'un prélude du Wohltemperiertes Klavier de Bach. Vient la douce réminiscence de cette vie avant, et avec elle, l'amour de la vie, coûte que coûte. Et Beethoven tape du pied. Excédé, il décide de relever le défi, il ne se laissera pas abattre par sa surdité.
(J'aime Evgeny Kissin pour le don qu'il a de raconter mille et une histoires.)

Le deuxième mouvement est d'une mélancolie lumineuse, avec cette façon très kissinienne de jouer avec les attentes, de retenir un peu là où l'émotion monte et de laisser ensuite couler. Ce sont ses lignes mélodiques suivies du début à la fin avec la même attention soutenue, son intensité, sa capacité à tenir l'auditeur par un fil invisible, jusque dans les passages les plus piani et les plus calmes. L'andante con moto est une continuation du premier mouvement, la tristesse apaisée qui suit les larmes de désespoir. Vidé, et calmé après avoir beaucoup pleuré.

Le rondo final est ici en mineur, alors que l'écriture ressemble un peu à celle de la gaité insouciante des deux concerti précédents. Il en résulte un frottement intéressant, un conflit entre ce que le discours raconte et ce qu'il ressent, l'impression qu'on rit jaune. Il semble que la vérité est autre que ce que l'on cherche à faire croire, que cette joie n'est qu'artifice et jeu de rôle. Cela ne m'avait encore jamais frappé jusqu'ici. Davis et Kissin transforment ce troisième mouvement en un vivace hypocrite, démarche que je trouve très intéressante et très convaincante au vu de leur interprétation des premier et deuxième mouvements.
Je saluerais au passage l'incroyable technique de Evgeny Kissin, ses trilles qui sont d'une clarté à couper le souffle, son art de dissocier ses mains et de tenir un discours avec chacune d'elle avec une autonomie telle qu'on a l'impression d'entendre deux pianistes au lieu de un seul.

Pour conclure, je dirais que que c'est la version la plus belle et la plus convaincante que j'aie entendu pour le moment, et je crains qu'il ne sera pas aisé de la détrôner.

J'avais oublié aussi la beauté de ce concerto.

samedi 25 octobre 2008

Beethoven piano concerto - Kissin / Davis / LSO - part II

Second post d'une série de cinq articles dédiés au nouvel album paru chez EMI classics le 19.09.2008


Klavierkonzert Nr. 2 in B-Dur
opus 19

Globalement, les remarques que j'avais formulées au sujet du premier concerto restent applicables pour ce second concerto - le jeu très engagé et convaincu du pianiste, conséquent avec ses idées. Si Evgeny Kissin a choisi une interprétation assez maniérée (parfois un peu trop à mon goût peut-être), il assume ce choix et ne tombe pas dans le piège de se la jouer mi-figue mi-raisin, mais reste pleinement dans le caractère qu'il a annoncé au début.

C'est assez difficile pour moi de rédiger une critique sur ce deuxième concerto, car il est celui que je trouve le moins intéressant des cinq, par conséquent celui que j'aime et connais le moins. Le premier a quelque chose d'entraînant, de plaisant, le troisième est si délicieusement sombre et dramatique, le quatrième est le plus beau, et le cinquième... c'est le cinquième(!).

La première chose qui me frappe, ce sont les basses du London Symphony Orchestra - je sors d'un weekend de répétition d'orchestre, cela a peut-être eu une influence sur mon écoute de ce soir - qui sont très actives, avec une extraordinaire masse sonore et une rondeur du trait exceptionnelle. Violoncelles et contrebasses portent puissamment l'orchestre dans une marche agréablement stable. Au-dessus de cette base solide, les registres aigus peuvent se mouvoir avec aisance et laisser libre cours à leur inventivité.
Comme je l'ai dit plus haut, je n'aime pas trop le jeu maniéré de Kissin, qui manque à mon goût de fraicheur dans cette pièce encore très ancrée dans le syle galant - ce concerto est en réalité le second a être publié, mais le premier que Beethoven a écrit. A la fois, il en fait trop dans l'ensemble du premier mouvement, et pas assez dans la cadenza. Il y a une montée de tension qui pourrait être réellement électrisante, mais que Evgeny Igorievich n'esquisse malheureusement qu'à peine. On comprend qu'il y a eu l'ombre d'un crescendo au moment oû le discours se relâche déjà, ce qui est bien dommage.

Par contre, je l'aime beaucoup de les deux autres mouvements.
Je n'ai pas le souvenir qu'il y ai un passage ou une pièce lente que Kissin aurait pu jouer d'une façon qui me déplaise. Il est toujours si merveilleusement calme, tout en gardant le suivi de la phrase mélodique. Ici, ses rubati viennent à point nommé, il nous fait attendre une fraction de seconde la note qu'on désire tant entendre, et c'est comme si c'était une éternité, la gorge se noue et l'espace d'un instant, on croit arrêter de vivre, suspendu entre le jour et la nuit. Et la note arrive et nous rappelle à la vie.
Cet adagio est comme une confidence, l'orchestre et le piano s'asseyent l'un tout contre l'autre et partagent le plus secret de leurs émotions dans une confiance absolu. On s'emballe, on gémit, mais surtout on chuchote, et ces mots presques inaudibles sont si absolument beaux qu'ils donnent les frissons.

Le rondo a ce même caractère espiègle et mutin que celui de l'opus 15, et Kissin s'amuse ici encore, alternant les rires en cascade et les sautillements enjoués. Les enfants appellent le vieux professeur à qui ils ont fait un mauvais tour, ils détalent en courant, se cachent derrière une haie et étouffent leurs rires. Une vraie Lausbubengeschichte. J'ignore si Davis et Kissin ont lu ce genre d'histoire dans leur enfance, mais dans tous les cas, ils sont experts dans l'art de les interpréter. Et Beethoven excelle dans celui de les mettre en musique.

Encore une belle découverte, malgré le premier mouvement maladroit.

vendredi 24 octobre 2008

Leben des Galilei (Brecht)

Autor: Bertolt Brecht
Originaltitel: Leben des Galilei
Erste Ausgabe: 1943
Übersetzung:
-


Auszug:

ANDREA aufschreiend: Das werden sie nicht wagen! Und selbst wenn sie es ihm antun, wird er nicht widerrufen. "Wer die Wahrheit nicht weiss, der ist bloss ein Dummkopf. Aber wer sie weiss und sie eine Lügen nennt, der ist ein Verbrecher."

FEDERZONI
Ich glaube es auch nicht, und ich möchte nicht mehr leben, wenn er es täte, aber sie haben die Gewalt.


ANDREA
Man kann nicht alles mit Gewalt.
FEDERZONI Vielleicht nicht.

DER KLEINE MÖNCH
leise: Er ist 23 Tage im Kerker gesessen, Gestern war das grosse Verhör. Und heute ist die Sitzung.
Da Andrea herhört, laut: Als ich ihn damals, zwei Tage nach dem Dekret, hier besuchte, sassen wir dort drüben, und er zeigte mir den kleinen Priapgott bei der Sonnenuhr im Garten, ihr könt ihn sehen von hier, und er verglich sein Werk mit einem Gedicht des Horaz, in dem man auch nichts ändern kann. Er sprach von seinem Schönheitssinn, der ihn zwinge, die Wahrheit zu suchen. Und er erwähnte das Motto: hieme et aestate, et prope et procul, usque dum vivam et ultra. Und er meinte die Wahrheit.



Meine Meinung:*****

Brecht ist Weltklasse! Der ist jetzt im Nu in meine Favoriten gelandet und darf nun neben Thomas Mann, Akhmatova, Dostoievsky, Proust und Rimbaud sitzen.
Brechts knirschende Ironie geht in diesem Theaterstück Hand in Hand mit einer wunderschönen Melancholie, ein zweites Gesicht des Schriftstellers, die ich gar zu oft vergesse. Brecht ist nicht nur Meister der süss-saurer Ironie, er ist auch ein sensibles Gemüt, dass auch ohne schwarzem Humor Wahrheiten ganz deutlich klarstellen kann, wie es den Ausschnitt oben genannt zeigt.
Über die Treue zur Wahrheit, und die Erzählung geht jeden von uns etwas an. Man schliesst dieses Buch mit der gravierenden Frage:
Was ist mit mir?
Bleibe ich der Wahrheit treu? Bleibe ich frei, oder lasse ich mich erpressen, die Wahrheit zu widerreden?
Was würde ich machen?
Ich liebe Brecht, weil wir bei ihm immer wieder neu in Frage gestellt werden, und ich bewundere seinen kraftvollen Stil.

L'Heptaméron (Marguerite de Navarre)


Auteur : Marguerite de Navarre

Titre original : l’Heptaméron

Première parution : 1559

Traduction : - (transcription par Michel François)



Quatrième de couverture :

La crue des eaux retient à Cauterets, où ils étaient en cure, dix dames et gentilshommes qui décident de se divertir en racontant chacun une histoire par jour : une histoire qui n’est pas inventée, tantôt gaie, tantôt grave, qui narre les aventures du désir, les drames et les comédies de l’amour.

Dix récits par jour et pendant sept jours : d’où le titre L’Heptaméron qui, en 1559 fut donné au recueil inachevé de la reine de Navarre, sœur de François Ier, et qui aurait dû comprendre dix journées, comme le Décaméron de Bocacce qui lui sert de modèle.

La parole certainement est réglée. Elle est également diverse, et sa liberté aussi bien que son humour nous enchantent. On raconte, en effet, mais ensuite on devise, et ce sont des conversations passionnées où chacun commente ou conteste les récits, médite sur la différence des sexes, les désordres de la chair, le vice et la vertu pour finalement lever le voile des apparences et mettre à nu le cœur humain.


Mon avis : ***

Cela faisait bien longtemps que je n’avais plus lu une littérature de laquelle je me sens si éloignée. La barrière de la langue, tout d’abord – le texte est rédigé en français moyen, les sens ou les connotations de certains mots ont changé, la grammaire aussi – qu’il faut parvenir à saisir de la manière la plus juste qui soit, ce qui m’a demandé une grande concentration.

Les noms des personnages, des anagrammes tordues qui refusaient de s’ancrer dans ma mémoire, et donc une peine énorme pour saisir les caractères des différents protagonistes. Il y a Hircan, le mari macho de Parlamente, celui que j’aimerais gifler. Parlamente, sa femme, sage et intelligente, Oisille, l’aînée, le calme, l’autorité naturelle, l’amour de la foi. Et les autres, que je suis incapable de distinguer.

Je me suis contenté pour l’heure de lire le roman, mais je pense que la lecture de l’introduction, assez fournie, m’aidera à y voir plus clair. Mais ce sera pour plus tard.

Comme il est dit sur le dos du livre, dix personnages, coincés dans un monastère suite à milles et une péripéties rocambolesques (poursuivis par un ours (nous sommes dans les Pyrénées) , menacés par des Brigands, rescapés de justesse de la noyade, etc.), il sont tous issue de la noblesse et ont tous frôlé la mort. Ils se retrouvent donc comme sur un radeau de la méduse, unis par les mêmes aventures, retenus pour le même motif.

Chaque jour, on y raconte des histoires d’intrigues amoureuses, on se moque des Cordeliers, on défend les femmes ou les hommes, on débat pour savoir qui a bien agit, pourquoi et comment.

Pour les hommes, l’honneur est d’avoir le plus de femmes à leur tableau de chasse ; pour les femmes, l’honneur est de ne pas figurer sur un tel tableau. On comprend dès lors aisément les différends entre la gente masculine et la gente féminine. D’ailleurs, plus on raconte d’anecdotes, plus on débat, moins on est d’accord.

Les récits n’apportent aucune solution au problème.

Pour ma part, j’aurais supporté ce roman un peu plus court, parce que, comme dans Candide, il y a un moment où ça va, on a compris.

Néanmoins, la longueur permet de s’habituer à cette langue un peu exotique et de s’amuser à des tournures de phrases d’une naïveté pas si innocente qu’elle en a l’air et très drôle.

jeudi 23 octobre 2008

Die Kommandeuse (Hermlin)

Autor: Rudolph Leder, gesagt Stephan Hermlin
Originaltitel: Die Kommandeuse
Erste Aufgabe: 1953
Übersetzung: -

Heute Nachmittag habe ich schnell den Text, über den gestern Abend in der Germanistik Vorlesung ausführlich gesprochen wurde, gelesen. Eine kurze Erzählung, die uns Professor W. nett aufs Internet geladen hat. Zahlreiche Zitate, und im Heftrand kurz: „Lesen. Unbedingt.“

Wie ich ja in der letzten Nacht Marguerite de Navarres Heptaméron endlich fertig gelesen habe, konnte ich mir diesen kleinen Abweg gönnen.

Der Text, aus der Sicht einer ehemaligen SS-Kommandeuse, scheint mir unglaublich zynisch, ist es aber womöglich aus dem Blickwinkel einer begeisterten NS-Parteigenossin ganz und gar nicht.

Durch Helga Webers Augen – in Wirklichkeit Erna Dorn - schildert Hermlin die Feigheit der Menschen, gestern für die Nazis, heute für die Bolschewiken, mit dem eben, wo es sich besser lebt lässt.

Scharf kritisiert, weil negativer Held, weil peinlich und peinigend zu lesen wegen des konsequent durchgeführten „aus dem Blickwinkel der Täterin“ schreiben. Scharf kritisiert, wie die meisten großen Werken aus dem Ostblock.

Und diese Passage, die die Erzählung so kraftvoll und eindeutig schliesst:


[…] Sie war zum Tode verurteilt.

Durch ein Brausen hörte sie die einzelne Worte: das Urteil sei endgültig und sofort vollstreckbar. Sie wollte nicht schreien und umfallen. Zum ersten und letzen Male in ihrem Leben suchte sie in sich vergeblich die unbekannte Kraft, die sie an ihren eigenen Opfern toll gemacht hatte. Da war ein deutsche Studentin gewesen, die sich stumm zu Tode prügeln ließ; eine Russin hatte vorher noch „Hitler kaputt!“ gerufen; vier Französinnen waren, die „Marseillaise“ singend, zum erschießen in den Bunker gegangen. Eine Stimme in ihr jammerte um ihr Leben. Da war nur diese Stimme in ihr und eine blutige wüste Leere, als zwei Volkspolizisten sie abführten.


___________________
Artikel zum Thema:
Der Fall Erna Dorn
(Zeit Online)
Erna Dorn
auf 17juni53.de
Erna Dorn
im DDR-Lexikon

Une journée d'Ivan Denissovitch (Soljenitsyne)

Auteur: Alexandre Issaïevitch Soljenitsyne
Titre original: Один день Ивана Денисовича
Première parution: 1962
Traduction: Andrée et Léon Robel, Maurice Decaillot

Quatrième de couverture:
En 1962, pour qu'Une journée d'Ivan Denissovitch pût être publiée en URSS, Soljenitsyne avait dû consentir à des coupures et, par endroits, remanier le texte original. Voici la version intégrale de ce roman si profondément, si tragiquement russe et qui fait partie du patrimoine mondial de la culture. Pourquoi ce titre, Ivan Denissovitch, surgit-il le premier dans notre esprit dès que l'on nomme Soljenitsyne ? Sans doute l'écriture de ce récit atteint-elle la perfection la plus achevée, et trouve-t-on là, déjà, tous les thèmes de la pensée soljenitsynienne, pensée multiple qui s'enrichit et se ramifie sans cesse tout en restant fidèle à sa source... Mais, avant tout, ce livre, que la réflexion n'épuise jamais, va droit au cœur de tous les hommes en leur parlant de l'honneur de l'Homme.

Mon avis: *****
Lu principalement dans le métro parisien et dans le RER, ce court roman m'a accompagné dans toutes mes pérégrinations parisiennes. J'avais découvert le bouquin - un vieil exemplaire tout jauni par le temps - dans la maisonnette où nous logions, Matthieu, Dominik et moi. Il était plus pratique à porter avec soi que le gros Zauberberg et en plus, je n'avais encore jamais lu Soljenitsyne.
Le style adopté est neutre, banal, aussi asceptisé qu'un médecin qui décrit les symptomes d'un cancéreux. Et c'est ce qui donne toute sa puissance au texte. La vie au goulag est déformée jusqu'à l'absurde, il faut se limiter de penser à l'essentiel - pain et chaleur - pour avoir une chance de survivre, quand bien même personne ne s'imagine quitter un jour le camp vivant.
C'est presque une bonne journée, dit Choukhov: il a survécu, et il a même pu grappiller des extras, tant à midi que le soir.
Chokhov, il est paysan, pas bien riche (c'est un pléonasme), il a signé, il a dit qu'il reconnaissait ses crimes, parce que nier, c'eut été être fusillé immédiatement. C'est l'Etat qui sait, c'est l'Etat qui a raison.
Alors Choukhov vivote encore un peu.
On pénètre au plus profond de son être, dans celui de milliers d'autres détenus. On se méfie, on ruse, on a faim, on grelotte. Personne ne se plaint. Personne ne s'étonne.
Il n'y a pas de réponses, alors il n'y a pas d'interrogations.

De l'innocence et la culpabilité, vu à travers Oedipe Roi (Sophocle)

Il y a un mois, j'ai lu (relu) Œdipe Roi de Sophocle, toujours aussi interpelée par la notion de culpabilité en rapport avec l'ignorance.
Aujourd'hui, je vous livre le court essai que j'avais rédigé lors d'un cours d'histoire (à mourir d'ennui), ainsi que ma prise de position.
Je suis très extrême. Sans doute le passé du sang qui coule dans mes veines n'y est-il pas pour rien. J'ai un gros problème avec mes origines allemandes et l'histoire récente de ce pays, qui reste le mien, bien qu'ayant longtemps et vainement tenté de nier cette réalité difficile à porter.
Mais tout d'abord deux mots sur la magnifique tragédie de Spohocle.

Quatrième de couverture:

Un mal mystérieux s'est abattu sur la ville de Thèbes. Ses terres et ses troupeaux sont frappés de stérilité. La population est décimée. Les femmes ne portent plus d'enfants. Le roi Œdipe, qui jadis, par sa clairvoyance, a sauvé la Cité et l'a rendue prospère, saura-t-il encore la tirer de l'abîme où les dieux l'ont aujourd'hui plongée? Lui, qui parvint à déchiffrer l'énigme du Sphinx, pourra-t-il élucider l'oracle qui désigne l'auteur de tous ces maux et promet la voie du salut? Nul autre moyen que de s'engager dans une véritable enquête policière. Mais, mesure que le passé se dévoile, le Fatalité divine se met en marche comme une machine infernale.
Œdipe Roi, représenté pour la première fois vers 43' avant J.-C., est, avec Antigone, la plus célèbre et la plus admirée des tragédies antiques. Par la perfection de sa construction dramatique, par ses qualités sculpturales d'équilibre et d'harmonie, cette méditation pathétique sur la vaine grandeur de l'héroïsme et sur la fragilité du bonheur humain est l'un des témoignages les plus accomplis de la poésie hellénique à son apogée.


Mon avis: *****
Vraiment, les Grecs!... Je ne me lasserai jamais de chanter leurs louanges. Ils ont humanisé le monde il y a trois mille ans, et c'est à se demander si l'homme a su progresser depuis.
J'ai décidé de réviser mes classiques (c'est le cas de le dire!), en commençant par l'une de mes tragédies favorites, Oedipe Roi.
Des écrits qui ont bien 2500 - deux mille cinq cents! - ans, et qui malgré cet âge plus que respectable, restent toujours aussi brûlants de vérité et d'actualité. Extraordinaire.

L'homme est-il libre?
Qu'est-ce que la liberté?

Est-il coupable?

Libre mais coupable?
Pas coupable parce que pas libre?
Coupable mais pas libre?

La relation étroite entre liberté et culpabilité, ignorance et innocence me travaille depuis longtemps déjà. En mai, j'écrivais dans mon petit carnet, après avoir lu cette phrase dans les Bienveillantes de Littell, "l'ignorance ne change rien au crime":

Tuer un homme, c'est tuer un homme.

Pour les Grecs, cette phrase était une vérité. Ce sont les civilisations chrétiennes qui ont créé un lien entre crime et volonté, où le crime volontaire est plus "criminel" que le crime involontaire.
Pourtant, tuer un homme, c'est tuer un homme.
La victime est aussi morte tuée volontairement que involontairement.
(...)
En condamne plus lourdement celui qui a voulu tuer en se basant sur l'idée proconçue que cet assassin-là risque de récidiver, parce qu'il est dérangé, psychopathe, assoiffé de sang. Pourtant, celui qui a tué par négligence (l'ignorance est certainement une forme de négligence) restera peut-être toujours négligent, et par-là même pourra encore être la cause de la mort d'un homme.
(...)
Je pense que la conception grecque est plus juste et surtout plus responsabilisante.
Tuer un homme, c'est tuer un homme.
Même en temps de guerre.
Même pour la bonne cause.
Même pour se défendre.
Si j'assassine quelqu'un pour éviter que cette personne ne tue beaucoup d'autres gens que je juge innocents, si je fais cela parce que je sais cet acte être juste, je demeure coupable de ce meurtre. Si je le fais malgré tout, alors c'est par don de moi-même et non pas par l'assurance de n'être point coupable. Simplement, je prends sur moi la responsbilité, le crime et la culpabilité. J'accepte d'être assassin.
Comme Oedipe, je me charge du manteau de culpabilité, je porte le joug de mon crime. Je pourrais avancer que j'ai tué parce que j'étais convaincue que c'était juste de le faire, tout comme Oedipe aurait pu se défendre de n'avoir pas su que l'homme tué était son père et que sa femme est sa mère.
Des alibis qui sans doute auraient leur poids dans un procès.
Mais.
Se savoir pleinement responsable, quoi qu'il arrive, c'est ne pas agir à la légère, mais s'assumer entièrement: il n'y a pas d'excuse possible. "On ne savait pas" disent les gens. En réalité il faut comprendre "on a préféré ne pas savoir". Combien d'Allemands, pour reprendre le livre de Jonathan Littell, avaient-ils devinés qu'il se passait des choses atroces, tout en se gardant bien de le savoir trop précisément? Ils se sont efforcés de laisser ces informations sous forme de rumeurs confuses, pour être innocentés lors d'un éventuel procès. "On ne savait pas."
N'est pas coupable uniquement celui qui a tué son prochain, mais toute personne qui, ayant l'occasion de faire le bien, ne l'a pas fait. Le silence et la passivité sont aussi criminels.


Un texte un peu provocateur et assez dur, mais je suis jeune, j'ai le droit encore de m'exalter et d'être extrême.
(Trait de caractère qui me vient de mon romantisme allemand?)


"Der Mensch ist ein Abgrund, es schwindelt Einem, wenn man hinunterschaut." (Wozzek)


mardi 21 octobre 2008

DVD Opera Review: Faust (Gounod)

Araiza, Benackova, Raimondi
Orchester, Chor und Ballet der wiener Staatsoper, Binder
Deutsche Grammphon, 2006

Faust, l'opéra phare de Tintin, l'air des bijoux de la Castafiore. Le chœur des soldats. Il s'agit d'un de ces opéras que peu ont vu, mais que beaucoup fredonnent les airs sous la douche.
L'avant-dernier volet de ma semaine faustienne - que j'aurais pu rendre plus étoffée, mais j'ai choisi de me limiter à trois formes de l'intrigue: écrite, jouée et mise en musique.
Mais vu ma lenteur à mener à bout ce programme, je pourrais tout aussi bien intégrer Mephisto Walzer de Liszt et la Damnation de Faust de Berlioz. Wait and see.

Je me trouve face à un problème de taille: j'ai attendu si longtemps d'écrire ma critique sur l'opéra que je peine à me souvenir avec précision de ce que j'avais vu et entendu.
Ich muss mal tüchtig nachgrübeln.

Mon favori était Raimondi dans le rôle de Méphistophélès, tant par la voix que par sa gestuelle et son aisance à se couler dans la peau de son personnage diabolique. Il a du coffre et un son parfois un peu rauque, âcre plutôt, comme pour avoir par trop souvent respiré les vapeurs sulfureuses de l'enfer. Souverain, mesquin, horrible, il donne la chair de poule tout en fascinant par la calme assurance qui est la sienne. On comprend que Faust ait été séduit par ce mystérieux et charismatique personnage.
L'excellence de Méphistophélès est généreusement encadrée par un Faust et une Marguerite tragiques et lyriques, descendants en droite ligne des héros de l'opera seria. Des voix riches et parfaitement à l'aise, même dans les passages plus virtuoses, des mimiques violentes, frôlant parfois l'exagération - mais n'oublions pas qu'il s'agit malgré tout d'une tragédie (d'où un jeu débordant de pathos par moment) , dans laquelle Méphistophélès ferait figure de noir bouffon qui, par l'insolence de ses actes, amène parfois un sourire sur le visage du spectateur.
L'art de ce couple malheureux atteint sans doute son paroxysme lors du dernier duo, Faust cherchant à faire évader Marguerite qui, elle, refuse de le suivre.
L'opéra est des plus plaisants, la musique de Gounod est facile d'accès, un lyrisme poignant qui alterne avec des chœurs plus populaires qui l'oreille retient facilement. La mise en scène reste sobre, bien qu'elle soit très sophistiquée. Elle joue avec le sentiment de confusion associé au pouvoir maléfique de Méphistophélès, notamment par le jeu d'images symboliques en transparence et les mouvements langoureux et brutaux à la fois du corps de ballet. Une scène superbement réussie qui illustre bien cette tactique scénique est le jugement de Marguerite, dans lequel la musique d'orgue sacrée fait place à une quasi cacophonie diabolique, tandis que l'autel devient guillotine et les nonnes des démons presque nus qui dansent une ronde qui rappelle la chorégraphie de Béjart sur le Sacre du Printemps.
Une petite touche d'humour kitsch lorsque Méphistophélès, pour suspendre le temps, jette sur ceux qu'il veut immobiliser des paillettes dorées, comme dans un dessin animé de Walt Disney (!).

dimanche 19 octobre 2008

Pleyel au coeur de la Russie

Dimtri Hvorostovsky, Evgeny Kissin
Chants de Tchaïkovsky, Medtner, Rachmaninov
12 octobre 2008, 19:30, salle Pleyel, Paris

J'étais donc à Paris.
J'ai passé une heure au soleil, faisant courir ma plume sur mon carnet Moleskine au Champ de Mars, sursautant à chaque fois que, levant les yeux du papier, je voyais la Tour Eiffel. Je me suis perdue dans la multitude de librairies du quartier de la Sorbonne, j'ai passé des heures à lire, écrire et regarder la vie sur la terrasse des cafés parisiens, je suis tombée amoureuse des statues grecques du Louvre, j'ai sautillé de joie aux puces Porte de Clignancourt, j'ai marché là où tant de personnages de romans lus et rêvés dans mon enfance avaient posés leurs pieds. J'ai fait la sieste aux Tuileries, je me suis nourrie presque exclusivement de baguette et de café, j'ai appris des poèmes de Rimbaud dans le métro. J'ai esquissé des pas de valse avec un inconnu sur le pont des Arts avant de le quitter dans un éclat de rire, j'ai tutoyé un professeur de la Sorbonne, j'ai plaisanté et dîné avec ce même professeur, je me suis laissé instruire sur Napoléon.

Je suis allée au concert aussi, comme toujours, lorsque je pars en vacances.
Première fois à Paris - première fois à Pleyel.
Dmitri Hvorostovsky, baryton, et Evgeny Kissin, qu'on ne présente plus sur ce blog, dans un programme 100% romantiques russes.
Etudiants en jean, riches bourgeoises en vison, c'était la salle de tous les paradoxes. L'arrière-scène fermée à cause d'un public pas très nombreux, j'ai été redirigée vers le fond du parterre. Quelques minutes avant le commencement du concert, les placeurs nous ont donné le feu vert pour intégrer des rangs plus en avant. Le public chic et posé de Pleyel s'est transformé pour quelques secondes en une horde de gens braillards et aussi distingués que des charretiers. Grosse foire d'empoigne, moi au milieu, stupéfaite et pliée de rire: une telle chose n'arrive jamais dans la Suisse très 'réglos'. Je me suis retrouvé catapultée au quatrième rang, côté chanteur.
Je ne connaissais que très mal le chanteur, tout au plus quelques vagues extraits d'opéras, et encore. Quant à mon pianiste préféré, j'étais curieuse de voir comment il se débrouillait en musique de chambre, il allait passer le test de modestie, quittant la peau du soliste pour revêtir l'habit du 'simple' accompagnateur. Je sais que Kissin a fait plusieurs apparitions en musique de chambre, en duo avec Argerich et Levine, en quintette avec Kremer notamment, et avec la voix délicieuse de Thomas Quasthoff à Verbier, il y a maintenant quelques années. Les critiques avaient été très positives, mais je me réjouissais malgré tout d'entendre par moi-même.
Eh bien, les amis! Evgeny Kissin sait s'effacer, être là pour soutenir et mettre en valeur le chanteur. Celui qui, fêté dans toutes les salles de concert du monde, aurait plus d'une raison pour faire sa prima donna a su garder un caractère humble et innocent. Il s'est retiré des projecteurs tout en gardant son jeu brillant, précis et poétique, ressortant là où il le fallait, restant dans l'ombre lorsque Hvorostovsky tenait le beau rôle.

En ce qui concerne le chanteur, je m'attendais à l'une de ces belle voix russes, veloutées et profondes, comme l'encens de la liturgie orthodoxe. Je n'ai été ni déçue, ni surprise en bien, j'ai simplement reçu ce que je pensais entendre - ce qui n'est pas mal du tout, puisque j'avais une exigence assez haute, à bien considérer les choses. Un baryton russe avec ce grand coffre typique, un son non pas éclatant comme des cuivres, mais un peu voilé, et généreux comme un violoncelle.
Le programme était très bien monté et exécuté, bien qu'à mon oreille de pianiste, le chanteur aurait pu se montrer parfois un peu plus coopératif (mais il s'agit là d'une utopie, je sais bien que les chanteurs ne font - pour la plupart - pas grand cas de leur pianiste, leur accompagnateur. Pour certains, c'est déjà un honneur s'ils vous laissent jouer votre introduction en entier, j'en connais un rayon à ce sujet*). Mais comme Evgeny Igorievich n'est pas né de la dernière pluie, il a toujours bien anticipé et suivi Dmitri Aleksandrovich, pressant le tempo lorsqu'il le sentait à bout de souffle, élargissant là où le chanteur s'attardait sur des passages très lyriques.

Une très belle soirée, ma première soirée de Lieder je pense. Une salle hystérique, standing ovation et trois rappels, Hvorostovsky désigne sa montre pour éviter de nous devoir plus de bis.
J'ai été ravie du public, calme et bien élevé pendant la partie formelle, chaleureux et spontané dans les bis, des échanges du tac au tac avec le chanteur.
J'ai aimé aussi Hvorostovsky qui annonçait ses bis.














Dmitri Hvorostovsky et Evgeny Kissin - lequel a laissé ses cheveux dans sa loge dans un souci de sobriété.

Il s'agit en fait du pianiste Ivari Ilja.


*
une après-midi, devant l'institut de musicologie, j'entends cette brève conversation entre deux chanteuses:
A: j'espère que je ne vais pas faire trop de fautes de rythme, et que je ne vais pas ommencer trop tôt.
B: bah tu t'en fiches!
A: Ah non, quand-même...
B: Quand-même quoi?! C'est au pianiste de te suivre, c'est son travail, il sert à ça. Tu dois pouvoir lui couper ses soli et oublier ou rajouter des temps, il n'a qu'à se débrouiller.

(J'ai failli envoyer mon Norton Anthology of English Literature II à la tête de la chanteuse B.)

Une perle à la Tonhalle

Avec beaucoup de retard, je vous livre enfin la critique du concert organisé par la Fondation Orpheum, le 9 septembre dernier, auquel Simon et moi avons eu la chance d'assister. J'avais gagné deux places en seconde catégorie, nous nous sommes régalés, malgré le fait que je me sentais un peu mal à l'aise, vêtue - selon mon usage - comme un clochard, puisque je m'attendais à retirer des cartes pour la quatrième ou cinquième catégorie. Nous nous sommes retrouvés au troisième rang, deuxième catégorie(!).

Deux jeunes solistes se partageaient le programme de la soirée, placée sous le signe des grands noms allemands, après une pièce commanditée pour l'occasion à un compositeur américain. Le tout sous la baguette de Michael Sanderling.

Andrew Normann, moins de la trentaine, signait une première pièce, dont j'ai malheureusement oublié le nom. Il se basait sur un livre, une sorte d'arrêt du temps, de temps suspendu - souvent un solo immobile et dépouillé au violoncelle - au milieu de la furie de la seconde guerre mondiale. Je suis assez fâchée d'avoir attendu si longtemps que j'en ai oublié toutes les références, qui pourtant étaient intéressantes.

Matteo Tabbia montait ensuite sur le podium pour le très riche oncerto pour violoncelle de Schumann. J'avais une petite appréhension, étant d'avis qu'il s'agit d'une pièce très délicate, non pas d'un point de vue technique, mais musicalement. Je perçois ce concerto comme une sorte de monologue intérieur, les idées se bousculent, on commence une phrase que l'on perd au fil des pensées qui nous assaillent. Une pièce très introvertie.
Matteo Tabbia nous a présenté une partition extrêmement brillante, fougueuse et virtuose, malheureusement bien souvent au détriment du son, forcé, étranglé et criard. Quelques très beaux piani dolci, et je me suis demandée si ce jeune violoncelliste qui se démenait comme un lion, avec quelques trous de mémoire dûs à la panique et des problèmes d'intonation, n'était pas mal à l'aise simplement - et bêtement - de par un mauvais choix de programme. Il me semblait qu'il ne trouvait pas le ton juste, d'où le caractère affecté et bancal de son jeu, qui, dans une pièce qui lui correspondrait mieux, coulait peut-être comme du miel liquide.
Je dois avouer que j'étais très moyennement convaincue de sa prestation, et que si Matteo Tabbia a dû donner un bis, ce n'était pas grâe à moi. Mais heureusement qu'il y a eu ce bis: une sarabande de l'une des suites de Bach. Et là, toute la personnalité musicale du soliste s'est révélée à mes oreilles. Un archet très bien conduit, un son pur et rond, pas trop, juste ce qu'il faut pour rester baroque, un suivi de la ligne mélodique remarquable, bref, beaucoup de (très) belle musique. Ce rappel donnait raison à mon hypothèse: mauvais choix de programme. Tout ce qu'il me reste donc à souhaiter à ce jeune homme, c'est de ne plus se tromper dans la décision des pièces à jouer! Et s'il revient en Suisse pour une soirée Bach, ce sera très volontiers que j'y assisterai.


Après l'entracte, c'est une très belle violoniste de vingt ans qui entre d'un pas ferme, longue robe rouge. Beethoven et son célébrissime concerto pour violon. J'ai cherché la petite bête pendant une bonne partie du premier mouvement: impossible à trouver quoi que ce soit à redire. Pas de fautes de justesse, un son qui reste toujours bien clair et mélodieux, les phrasés sont bien exposés, la richesse de couleurs est à pâlir d'envie. Finalement, perplexe mais ô combien ravie, je me suis laissé porter par ce concerto joué avec tant d'intelligence, de verve et de conviction, agréablement surprise à tout bout de champ. Doubles-cordes, harmoniques, piani, forte, cette demoiselle maîtrise absolument tout, avec aisance et comme un fait secondaire. Oui, bien sûr, il y a les passages virtuoses de doubles cordes dans la cadenza, mais avez-vous remarqué la mélodie qui se détache divinement du reste? Parfois, c'est si bien conduit que l'on croit entendre plusieurs instruments là où il n'y a qu'elle seule.
Elle est là, calme, entièrement à sa musique, elle a l'assurance et la carrure du soliste professionnel, elle ira certainement encore bien loin.
J'ose affirmé que j'ai entendu ce soir là l'une des meilleurs version du concerto de Beethoven, et en quittant la salle, j'étais toute émotionnée à l'idée d'avoir assisté aux débuts d'une violoniste dont le nom figurera un jour - je le pense réellement - parmi les plus grands de notre siècle. Veronika Eberle, je dis à Simon, il faut nous souvenir de ce nom, nous le recroiserons sans doute encore souvent par la suite.

samedi 18 octobre 2008

Poème d'octobre: Ma Bohème - Arthur Rimbaud

Dans le métro parisien, une petite sacoche en cuir brut, un livre.

Dans le métro parisien, un pull de laine prune et une jupe grise.

Dans le métro parisien, des ballerines noires et un concert à Pleyel.

Dans le métro parisien, les poèmes de Rimbaud.
Et rêver.





Ma bohème

Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées;
Mon paletot aussi devenait idéal;
J'allais sous le ciel, Muse! et j'étais ton féal;
Oh! là là! que d'amours splendides j'ai rêvées!

Mon unique culotte avait un large trou.
- Petit Poucet rêveur, j'égrenais sur ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande Ourse,
- Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou

Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bon soirs de septembre où je sentais les gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur;

Où, rimant dans les ombres fantastiques
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près du cœur!

____________
image prise ici.

jeudi 9 octobre 2008

Nobel Prize in Literature 2008 speaks french

Press Release
9 October 2008

The Nobel Prize in Literature 2008


Jean-Marie Gustave Le Clézio

The Nobel Prize in Literature for 2008 is awarded to the French writer Jean-Marie Gustave Le Clézio

"author of new departures, poetic adventure and sensual ecstasy, explorer of a humanity beyond and below the reigning civilization".

Jean-Marie Gustave Le Clézio was born on April 13, 1940, in Nice, but both parents had strong family connections with the former French colony, Mauritius (conquered by the British in 1810). At the age of eight, Le Clézio and his family moved to Nigeria, where the father had been stationed as a doctor during the Second World War. During the month-long voyage to Nigeria, he began his literary career with two books, Un long voyage and Oradi noir, which even contained a list of “forthcoming books.” He grew up with two languages, French and English. In 1950 the family returned to Nice. After completing his secondary education, he studied English at Bristol University in 1958-59 and completed his undergraduate degree in Nice (Institut d’Études Littéraires) in 1963. He took a master’s degree at the University of Aix-en-Provence in 1964 and wrote a doctoral thesis on Mexico’s early history at the University of Perpignan in 1983. He has taught at universities in Bangkok, Mexico City, Boston, Austin and Albuquerque among other places.

Le Clézio received much attention with his first novel, Le procès-verbal (1963; The Interrogation, 1964). As a young writer in the aftermath of existentialism and the nouveau roman, he was a conjurer who tried to lift words above the degenerate state of everyday speech and to restore to them the power to invoke an essential reality. His debut novel was the first in a series of descriptions of crisis, which includes the short story collection La fièvre (1965; Fever, 1966) and Le déluge (1966; The Flood, 1967), in which he points out the trouble and fear reigning in the major Western cities.

Even early on Le Clézio stood out as an ecologically engaged author, an orientation that is accentuated with the novels Terra amata (1967; Terra Amata, 1969), Le livre des fuites (1969; The Book of Flights, 1971), La guerre (1970; War, 1973) and Les géants (1973; The Giants, 1975). His definitive breakthrough as a novelist came with Désert (1980), for which he received a prize from the French Academy. This work contains magnificent images of a lost culture in the North African desert, contrasted with a depiction of Europe seen through the eyes of unwanted immigrants. The main character, the Algerian guest worker Lalla, is a utopian antithesis to the ugliness and brutality of European society.

During the same period, Le Clézio published the meditative essay collections L’extase matérielle (1967), Mydriase (1973) and Haï (1971), the last of which shows influences from Indian culture. Long stays in Mexico and Central America in the period 1970 to 1974 were of decisive significance for his work, and he left the big cites in search of a new spiritual reality in the contact with the Indians. He met the Moroccan Jemia, who became his wife in 1975, the same year Voyage de l’autre côté was published, a book in which he gives an account of what he learned in Central America. Le Clézio began the translation of the major works of the Indian tradition, such as Les prophéties du Chilam Balam. Le rêve mexicain ou la pensée interrompue (1998) testifies to his fascination with Mexico’s magnificent past. Since the 90s Le Clézio and his wife share their time between Albuquerque in New Mexico, the island of Mauritius and Nice.

Le cercheur d’or (1985; The Prospector, 1993) treats material from the islands of the Indian Ocean in the spirit of the adventure story. In later years the author’s attraction to the dream of earthly paradise is apparent in books such as Ourania (2005) and Raga: approche du continent invisible (2006). The latter is devoted to documenting a way of life on the islands of the Indian Ocean that is disappearing with the advance of globalization. The former is set in a remote valley in Mexico, where the main character, the author’s alter ego, finds a colony of seekers who have regained the harmony of the golden age and laid aside civilization’s ruined customs, including its languages.

The emphasis in Le Clézio’s work has increasingly moved in the direction of an exploration of the world of childhood and of his own family history. This development began with Onitsha (1991; Onitsha, 1997), continued more explicitly with La quarantaine (1995) and has culminated in Révolutions (2003) and L’Africain (2004). Révolutions sums up the most important themes of his work: memory, exile, the reorientations of youth, cultural conflict. Episodes from various times and places are juxtaposed: the main character’s student years during the 1950s and 60s in Nice, London and Mexico; the experiences of an ancestor from Brittany as a soldier in the army of the revolution in 1792-94 and his emigration to Mauritius to escape the repression of revolutionary society; and the story of a female slave from the beginning of the 1800s. Embedded among the childhood memories is the story of the main character’s visit to his grandfather’s sister, the last mediator of family tradition from the lost estate on Mauritius, who passes on the memories that he as author will carry into the future.

L’Africain, the story of the author’s father, is at once a reconstruction, a vindication, and the recollection of a boy who lived in the shadow of a stranger he was obliged to love. He remembers through the landscape: Africa tells him who he was when, at the age of eight, he experienced the family’s reunion after the separation during the war years.

Among Le Clézio’s most recent works are Ballaciner (2007), a deeply personal essay about the history of the art of film and the importance of film in the author’s life, from the hand-turned projectors of his childhood, the cult of cinéaste trends in his teens, to his adult forays into the art of film as developed in unfamiliar parts of the world. A new work, Ritournelle de la faim, has just been published.

Le Clézio has also written several books for children and youth, for example Lullaby (1980), Celui qui n’avait jamais vu la mer suivi de La montagne du dieu vivant (1982) and Balaabilou (1985).

Literary Prizes: Prix Théophraste Renaudot (1963), Prix Larbaud (1972), Grand Prix Paul Morand de l’Académie française (1980), Grand Prix Jean Giono (1997), Prix Prince de Monaco (1998), Stig Dagermanpriset (2008)


Works in French
Le procès-verbal. – Paris : Gallimard, 1963
Le jour où Beaumont fit connaissance avec sa douleur. – Paris : Mercure de France, 1964
La fièvre. – Paris : Gallimard, 1965
Le déluge : roman. – Paris : Gallimard, 1966
L'extase matérielle . – Paris : Gallimard, 1967
Terra amata. – Paris : Gallimard, 1967
Le livre des fuites : roman d'aventures. – Paris : Gallimard, 1969
La guerre. – Paris : Gallimard, 1970
Haï. – Genève : Skira, 1971
Mydriase. – Montpellier : Fata Morgana, 1973
Les géants. – Paris : Gallimard, 1973
Voyages de l'autre côté. – Paris : Gallimard, 1975
L'inconnu sur la terre. – Paris : Gallimard, 1978
Vers les icebergs. – Montpellier : Fata Morgana, 1978
Voyage au pays des arbres. – Paris: Gallimard, 1978
Mondo et autres histoires. – Paris : Gallimard, 1978
Désert. – Paris : Gallimard, 1980
Trois villes saintes. – Paris : Gallimard, 1980
Lullaby. – Paris : Gallimard, 1980
La ronde et autres faits divers. – Paris : Gallimard, 1982
Celui qui n'avait jamais vu la mer ; suivi de La montagne du dieu vivant. – Paris : Gallimard, 1982
Balaabilou. – Paris : Gallimard, 1985
Le chercheur d'or. – Paris : Gallimard, 1985
Villa Aurore ; suivi de Orlamonde. – Paris : Gallimard, 1985
Voyage à Rodrigues. – Paris : Gallimard, 1986
Le rêve mexicain ou la pensée interrompue. – Paris : Gallimard, 1988
Printemps et autres saisons. – Paris : Gallimard, 1989
La grande vie ; suivi de Peuple du ciel. – Paris : Gallimard, 1990
Onitsha. – Paris : Gallimard, 1991
Étoile errante. – Paris : Gallimard, 1992
Pawana. – Paris : Gallimard, 1992
Diego et Frida. – Paris : Stock, 1993
La quarantaine. – Paris : Gallimard, 1995
Poisson d'or. – Paris : Gallimard, 1996
La fête chantée. – Paris : Le Promeneur, 1997
Hasard ; suivi de Angoli Mala. – Paris : Gallimard, 1999
Coeur brûlé et autres romances. – Paris : Gallimard, 2000
Révolutions. – Paris : Gallimard, 2003
L'Africain. – Paris : Mercure de France, 2004
Ourania . – Paris : Gallimard, 2006
Raga : approche du continent invisible. – Paris : Seuil, 2006
Ballaciner. – Paris : Gallimard, 2007
Ritournelle de la faim. – Paris : Gallimard, 2008

Je sais que j'ai lu déjà Le Clézio. Mais je n'arrive ni à me souvenir du titre, ni de l'histoire. Ca m'embête un peu quand-même...
_____________________
article tiré de nobelprize.org
image prise ici