lundi 21 juin 2010

Tannhäuser

J'avais prévu d'écrire ce post en allemand pour faire taire les mauvaises langues qui se plaignent d'être lésées parce que tous mes blogs sont rédigés en français. Mais du coup, mes lecteurs francophones risqueraient de crier à l'injustice. Dilemme. Éventuellement, un jour où je serais super-motivée, par exemple un jour d'été pluvieux, glacial, après avoir tenté d'exposer un opéra en allemand à neuf heures trente du matin, devant une peluche et une coloc' qui sait déjà tout et rigole sous cape, par exemple aujourd'hui, je ferai une version allemande de ce carnet (version que je tiendrai trois articles et demi, mais bon, hein).
Hier soir, après un mois (!) je suis retournée à la Staatsoper pour Tannhäuser. Avec ma coloc'.


Tannhäuser
Richard Wagner
Wiener Staatsoper
20.06.2010, 18:00

Dirigent: Franz Welser-Möst
Inszenierung: Claus Guth
Tannhäuser: Johan Botha
Wolfram: Christian Gerhaher
Hermann: Ain Anger
Elisabeth: Anja Kampe
Venus: Michaela Schuster

Pour cette production de Tannhäuser, la Staatsoper a recouru au metteur en scène Claus Guth pour ouvrir de nouvelles perspectives. L'accueil du public était, lors de la première, plutôt mitigé, mais lors de cette seconde représentation unanimement applaudie. Claus Guth ne propose pas une réforme totale de la mise en scène, il se borne à transposer l'action au XIXe siècle, en adaptant quelques paramètres pour rendre cette "actualisation" plausible. Le choeur des pèlerins devient un choeur de malades mentaux, et Tannhäuser est en réalité possédé, semble scizophrène aussi, et guérit finalement de ses troubles.
La première scène se passe devant et dans un miroir, solution astucieuse pour thématiser la montagne de Vénus. Tannhäuser quitte pour ainsi dire le miroir de ses hallucinations et tente un retour à la normalité. Nous nous trouvons dans une grande salle toute de marbre et de lustres, dans laquelle aura lieu le concours de chant dont le vainqueur gagnera la belle et vertueuse Elisabeth, fille de Hermann. Les concurrents apprennent que Tannhäuser a été victimes d'halucinations, qu'il souffres de troubles mentaux et ce dernier se voit chassé. Il est alors interné dans un hôpital psychiatrique, dans lequel il semble mourir. Elisabeth allume un cierge et se sacrifie pour lui en avalant à pleine mains les médicaments destinés au malade. Entre Wolfram, qui assiste à la mort d'Elisabeth, qu'il aimait en secret. Celui-ci quitte la pièce pour entrer dans la chapelle et songe à se donner la mort, cachant le crucifix sous un banc pour se dérober aux yeux de Dieu. Au moment où il s'apprête à se tuer, Tannhäuser fait irruption sur scène. Il cherche la montagne de Vénus. Wolfram doit apprendre qu'il n'a pas su être guéri et cherche à se protéger contre la folie de Tannhäuser en brandissant le crucifix. Le choeur des internés chante alors la rédemption grâce à Elisabeth, ce qui guérit Tannhäuser de sa folie.
Claus Guth apporte une approche intéressante à l'histoire, mais garde des incohérences au niveau du texte et des actions, notamment le concours de chant, qui n'entre pas dans le côté très froidement réaliste, un peu à la Wozzeck, de la mise en scène.
Musicalement, les chanteurs dans l'ensemble étaient excellents, sinon Botha, que l'on apprécie normalement comme l'un des meilleurs chanteurs de la Staatsoper, et qui a chanté excessivement mal comparé à ce qu'il offre d'habitude. Comme l'a déjà remarqué Laura, la découverte de cet production est sans conteste la voix de Christian Gerhaher. Claire et précise, moins imposante que celle de Botha (la différence du tour de taille?) mais plus fraiche, c'est la voix parfaite du "Jüngling" pur et bon, que l'on aime immédiatement. Il chante sans prétention mais avec un soucis du son et une diction très soignée, et lors des moments d'émotion plus intense, il sait aussi donner plus de puissance et peut alors se mesurer au grand Botha.
L'orchestre, sous la baguette de Welser-Möst, chouchou du public et de la politique de la Staatsoper, a montré une fougue quasi juvénile et une très grande générosité du son, qui était indiscutablement à son apogée lors des grands chants chorals finaux. Peut-être quelques imprécisions rythmiques dans les violoncelles et dans les cuivres parfois.
Dans l'ensemble, comme tous les opéras de Wagner jusqu'ici, une production de haut niveau, dans laquelle on sent le travail qu'il y a eu derrière (contrairement à Tosca ou à la Traviata).

mardi 15 juin 2010

Oblomov (Ivan Goncharov)

Entre les discussions interminables devant l'institut de musicologie, les folies avec ma nouvelle colocataire, les pulsions culinaires, les exposés et le travail jusqu'au petit matin, le temps pour lire s'est réduit à un minimum déjà presque plus vital. D'autant plus que depuis que je vis à Vienne, j'ai troqué mes trois heures de train quotidiennes durant lesquelles j'avalais volontiers une bonne cinquantaine de pages contre dix minutes de bicyclette.
Je doute avoir dépassé les 10 romans lus depuis janvier. Mais au moins, que de bonnes lectures!
Parmi elles, Oblomov, roman que je me réjouissais de lire depuis longtemps, jamais trouvé en librairie jusqu'à ce jour de fin d'hiver où je l'ai découvert dans un bac de livres au rabais. Deux euros pour mon Ilya Ilich!


penguin classics, 496 pages


Quatrième de couverture:

The sly, subversive side of the nineteenth-century Russian literary character -- the one which represents such a contrast to the titanic exertions of Tolstoy and Dostoevsky -- was most fully realized in Ivan Goncharov's 1859 masterpiece, OBLOMOV. This magnificent farce about a gentleman who spends the better part of his life in bed is a reminder of the extent to which humor, in the hands of a comic genius, can be used to explore the absurdities and injustices of a social order.

Mon avis: *****
Je m'attendais à beaucoup, j'ai même encore été surprise en bien. L'histoire est d'une grande finesse, les caractères analysés et décrits avec un soin méticuleux propre à la littérature russe. Oblomov, c'est ce jeune homme doux et intelligent, avachi sur son sofa. Oblomov, c'est ce révolutionnaire du dimanche. Rien ne résiste à sa paresse, toutes les excuses sont bonnes pour repousser le moment où il faudra, d'un geste adroit, glisser les deux pieds simultanément dans les pantoufles. Ivan Goncharov (1812-1891) publie son roman en 1859, et celui-ci jouit immédiatement d'une grande popularité. Oblomov incarne cet aristocrate oisif, tombé dans l'apathie la plus totale, facile à duper en raison de sa paresse. Être ou ne pas être- Oblomov répond non, et seule Olga réussira à le faire douter un peu de cette réponse, sans toutefois parvenir à l'ébranler totalement. La popularité de ce récit est telle que l'on emploie en Russie le terme que l'ami Andrey Stolz invente pour décrire et insulter Ilya Ilich Oblomov: Oblomoverie, en russe Обломовщина (Oblomovshchina), désignant une personne dans un état de profonde inertie, proche du personnage de Goncharov. Un récit qui interpelle, qui dénonce la part d'oblomoverie qui sommeille en chacun de nous, un récit qui oeuvre comme l'ami fidèle, l'allemand Stolz, qui vient réveiller Oblomov: c'est maintenant ou jamais.