dimanche 19 octobre 2008

Une perle à la Tonhalle

Avec beaucoup de retard, je vous livre enfin la critique du concert organisé par la Fondation Orpheum, le 9 septembre dernier, auquel Simon et moi avons eu la chance d'assister. J'avais gagné deux places en seconde catégorie, nous nous sommes régalés, malgré le fait que je me sentais un peu mal à l'aise, vêtue - selon mon usage - comme un clochard, puisque je m'attendais à retirer des cartes pour la quatrième ou cinquième catégorie. Nous nous sommes retrouvés au troisième rang, deuxième catégorie(!).

Deux jeunes solistes se partageaient le programme de la soirée, placée sous le signe des grands noms allemands, après une pièce commanditée pour l'occasion à un compositeur américain. Le tout sous la baguette de Michael Sanderling.

Andrew Normann, moins de la trentaine, signait une première pièce, dont j'ai malheureusement oublié le nom. Il se basait sur un livre, une sorte d'arrêt du temps, de temps suspendu - souvent un solo immobile et dépouillé au violoncelle - au milieu de la furie de la seconde guerre mondiale. Je suis assez fâchée d'avoir attendu si longtemps que j'en ai oublié toutes les références, qui pourtant étaient intéressantes.

Matteo Tabbia montait ensuite sur le podium pour le très riche oncerto pour violoncelle de Schumann. J'avais une petite appréhension, étant d'avis qu'il s'agit d'une pièce très délicate, non pas d'un point de vue technique, mais musicalement. Je perçois ce concerto comme une sorte de monologue intérieur, les idées se bousculent, on commence une phrase que l'on perd au fil des pensées qui nous assaillent. Une pièce très introvertie.
Matteo Tabbia nous a présenté une partition extrêmement brillante, fougueuse et virtuose, malheureusement bien souvent au détriment du son, forcé, étranglé et criard. Quelques très beaux piani dolci, et je me suis demandée si ce jeune violoncelliste qui se démenait comme un lion, avec quelques trous de mémoire dûs à la panique et des problèmes d'intonation, n'était pas mal à l'aise simplement - et bêtement - de par un mauvais choix de programme. Il me semblait qu'il ne trouvait pas le ton juste, d'où le caractère affecté et bancal de son jeu, qui, dans une pièce qui lui correspondrait mieux, coulait peut-être comme du miel liquide.
Je dois avouer que j'étais très moyennement convaincue de sa prestation, et que si Matteo Tabbia a dû donner un bis, ce n'était pas grâe à moi. Mais heureusement qu'il y a eu ce bis: une sarabande de l'une des suites de Bach. Et là, toute la personnalité musicale du soliste s'est révélée à mes oreilles. Un archet très bien conduit, un son pur et rond, pas trop, juste ce qu'il faut pour rester baroque, un suivi de la ligne mélodique remarquable, bref, beaucoup de (très) belle musique. Ce rappel donnait raison à mon hypothèse: mauvais choix de programme. Tout ce qu'il me reste donc à souhaiter à ce jeune homme, c'est de ne plus se tromper dans la décision des pièces à jouer! Et s'il revient en Suisse pour une soirée Bach, ce sera très volontiers que j'y assisterai.


Après l'entracte, c'est une très belle violoniste de vingt ans qui entre d'un pas ferme, longue robe rouge. Beethoven et son célébrissime concerto pour violon. J'ai cherché la petite bête pendant une bonne partie du premier mouvement: impossible à trouver quoi que ce soit à redire. Pas de fautes de justesse, un son qui reste toujours bien clair et mélodieux, les phrasés sont bien exposés, la richesse de couleurs est à pâlir d'envie. Finalement, perplexe mais ô combien ravie, je me suis laissé porter par ce concerto joué avec tant d'intelligence, de verve et de conviction, agréablement surprise à tout bout de champ. Doubles-cordes, harmoniques, piani, forte, cette demoiselle maîtrise absolument tout, avec aisance et comme un fait secondaire. Oui, bien sûr, il y a les passages virtuoses de doubles cordes dans la cadenza, mais avez-vous remarqué la mélodie qui se détache divinement du reste? Parfois, c'est si bien conduit que l'on croit entendre plusieurs instruments là où il n'y a qu'elle seule.
Elle est là, calme, entièrement à sa musique, elle a l'assurance et la carrure du soliste professionnel, elle ira certainement encore bien loin.
J'ose affirmé que j'ai entendu ce soir là l'une des meilleurs version du concerto de Beethoven, et en quittant la salle, j'étais toute émotionnée à l'idée d'avoir assisté aux débuts d'une violoniste dont le nom figurera un jour - je le pense réellement - parmi les plus grands de notre siècle. Veronika Eberle, je dis à Simon, il faut nous souvenir de ce nom, nous le recroiserons sans doute encore souvent par la suite.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Pourquoi cherchez-vous la "petite bête" pendant un concert? Est-ce trop compliqué de chercher la musique? la critique est facile et votre commentaire pas très glorieux (pour vous je veux dire)

la. a dit…

Je suis bien triste de voir à quel point cette critique, que je voulais on ne peut plus admirative, a été mal comprise.

Sincèrement, je ne sais pas très bien pourquoi je cherchais la petite bête. Peut-être que c'était ma manière de faire face à cette prestation d'une beauté totalement inattendue. Cela m'a surpris, et d'autant plus que je n'avais encore jamais entendu parler de ces deux musiciens.
Si Matteo Tabbia a rencontré quelques difficultés dans son concerto - cette pièce est réputée pour être très périlleuse au niveau de la justesse - tout semblait aller de soi pour Veronika Eberle, à tel point que cela dépassait mon entendement. (Il faut l'entendre, vraiment.)D'où, peut-être, mon reflex de 'chercher la petite bête', comme une démarche rassurante, humanisante.
Il est sans doute bon de préciser que je n'ai strictement rien contre les fausses notes - en quantité raisonnable évidemment! - bien au contraire: cela donne une petite touche d'humanité et souligne le caractère unique de chaque performance. Un petit côté chaleureux, pour ainsi dire.
J'espère que j'ai pu apporter une réponse à votre question!

la. a dit…

Oh, et pour la musique, inutile d'aller la chercher, elle me trouve en général très bien toute seule! ;o)