mercredi 29 septembre 2010

Cecilia Bartoli et Handel au Theater an der Wien.

Petite pause baroque bienvenue dans mes longues journées d'analyse acharnée de Penthesilea (les limites de la tonalité, moyen ultime et infaillible de vérifier que les acquis d'analyse sont bel et bien acquis) - je vous en parlerai, mais pas maintenant. Un thé fumant (très fumant: je refuse encore d'allumer le chauffage, malgré les 17°C), les messes de Bruckner (Jochum, je vous en parlerai aussi un jour) pour me laver les oreilles et un morceau de chocolat en guise de déjeuner.

Le 12 Septembre dernier, Theater an der Wien (le meilleur opéra de Vienne, qualitativement parlant, je vous rappelle), nous (le petit noyau d'étudiants de musicologie qui passent leurs journées à l'institut, plus précisément devant l'institut, leurs soirs à l'opéra et leurs nuits à boire des bières) avions reçu des places pour la générale de Semele, opéra de Handel un peu oublié. Ce n'est pas le meilleur opéra de Handel, de loin pas, il ne pourrait jamais rivaliser avec un Giulio Cesare, c'est certain. Mais les grands moyens employés par le Theater an der Wien ont permis d'en faire quelque chose de bien, un moment agréable, un moment de détente. Car même si le sujet de Semele est loin d'être comique (Semele  doit épouser un homme, Athamas qu'elle n'aime pas, mais que sa soeur en revanche aime passionnément. Elle supplie Jupiter de la sauver, tombe amoureuse de lui (Jupiter donc), se fait enlever
par lui et vit heureuse sur l'Olympe. Jusqu'à ce que Junon s'en mêle: elle a entendu les plaintes d'Athamas et veut le venger (et se venger par la même occasion, ne soyons pas dupes). Entre temps, Jupiter a fait enlever la soeur de Semele, Ino, afin de lui tenir compagnie. Junon demande à Somnus, dieu des songe, de faire rêver Jupiter de Semele, et se rend auprès de Semele en se faisant passer pour la soeur de celle-ci. Elle lui montre son reflet dans un faut miroir, qui la rend incroyablement belle, et lui demande si ça y est, elle a reçu l'immortalité de Jupiter. Semele se plaint que non, alors Junon lui confie qu'elle doit simplement exiger de Jupiter qu'il se montre à elle sous sa vrai forme. Entre Jupiter, tiraillé de désir pour Semele, qui le repousse et exige de lui la promesse qu'il lui offrira ce qu'elle lui demande. Jupiter jure, Semele réclame de le voir comme il est réellement. Jupiter se lamente et tente de la dissuader, car quiconque le voit dans sa vraie forme est condamné à brûler vif. "Si je me montre à toi, je serai forcé de te faire mal" dixit le chef des dieux. Et Semele de répondre: "ça m'est égal, montre-toi!". Jupiter se montre, Semele part en flammes, orgie donnée par Junon. Rideau.


Birgit Semmert (Junon), photographiée par Armin Bardel

Normalement, car avec Carsen, la fin diffère un peu: dans l'ivresse de l'orgie finale, Junon lorgne le malheureux fiancé, tandis que Jupiter s'intéresse déjà à Ino, la soeur de Semele...
Mise en scène très Carsen, mais pas aussi renversante que celle de L'Inconoratione di Poppea, l'hiver passé. En effet, on oscille entre des grands tableaux tragiques qui frisent le kitsch (voûte étoilée, chants d'amour et soprano parfait de Bartoli) et des scènes franchement comiques, notamment Hera représentée en reine Victoria, et sa secrétaire stressée de la vie. Point négatif aussi, lorsque le régisseur étouffe de rire de manière ostentatoire dans son propre spectacle, c'est exagéré et désagréable. Il aurait tout aussi bien pu tenir une pancarte "je suis un génie".
Musicalement, c'était bien évidemment exceptionnel, Cecilia Bartoli en Semele, c'est le bonheur! On peu remettre en question ses coloratura chanté à un tel rythme que l'orchestre peinait à suivre, mais il n'y a pas un son qui n'aurait pas été parfaitement chanté et déroutant de justesse. Dans l'ensemble de très bons chanteurs, très bons comédiens également, qui font vivre l'opéra à travers leurs rôles bien ressentis. Charles Workman (Jupiter) ne fait pas tout à fait la balance avec Bartoli et semble forcer un peu sur la voix, mais montre beaucoup de finesse dans l'interprétation. On remarquera également Birgit Remmert (Junon) et Kerstin Avemo (Iris, la secrétaire) pour leurs talents de comédiennes.
L'orchestre des Arts florissants, sous la direction de William Christie, s'en est également très bien sorti, peu être parfois en léger déséquilibre avec les chanteurs. Quant à l'Arnold Schönberg Chor, une fois de plus, rien  lui reprocher, une très bonne dynamique, autonome et à l'aise autant dans la musique de Handel que sur scène.

lundi 13 septembre 2010

Taneyev, les symphonies

Nourrir mon macbook avec 8GB de musique, ça ne suffisait pas: il a fallu que je passe chez Caruso, juste comme ça, pour voir s'il y avait des CDs que je cherchais (Schoeck, évidemment) (rien trouvé, évidemment). Mais il y avait plein de belles choses de Marco Polo, le label trobien qui a fait faillite, et dont les disques sont vendu en rab'. Et donc voilà, entre les Szymanovski, Borodine et autres, j'avais de la peine à choisir. Ce fut Taneyev qui remporta la victoire.
Taneyev, Symphonies n°2 et 4
Polish Chamber Orchestra
Gunzenhausen

2009, Marco Polo

****

Serges Ivanovich Taneyev (1856-1915) est un pianiste et compositeur russe, élève et interprète de Tchaikovsky. Il se lie d'amitié avec Turgenev, rencontre Franck et Saint-Saëns, mais aussi Flaubert et Zola, et il fut le professeur de plusieurs grandes figures de la musique russe, dont Glière, Medtner, Rachmaninov et Skriabine.
Après avoir découvert la musique de chambre de Taneyev et avoir écouté l'album en question en boucle, je n'ai pas été déçue par ses symphonies. On est porté par le romantisme qui sent un peu Medtner, mais en restant encore très tonal, un peu sage peut-être. Néanmoins on peut agréablement se plonger dans cette musique généreuse et relativement facile d'accès, mais qui manque parfois un peu de corps.
La symphonie n°4 (1901) est très plaisante, un peu hétéroclite, ce qui lui confère un certain charme spontané, notamment le dernier mouvement, entrecoupé d'un marche militaire tellement légère qu'elle semble en être une parodie, un peu dans l'esprit de l'ironie d'un Shostakovich.
La seconde symphonie (1877)est plus classique dans sa forme, avec une sorte d'ouverture adagio très à la mode dans la seconde moitié du XIXème, mais aussi plus fluide. On sent un compositeur plus jeune, encore très tourné vers son professeur adoré Tchaikovsky. Elle est restée inachevée, sans mouvement final.

L'orchestre joue avec finesse et précision, peut-être un peu trop, on aimerait plus d'élan, que Gunzenhausen doive retenir ses musiciens comme un cavalier freine sa monture trop impétueuse. 

dimanche 12 septembre 2010

Tannhäuser, ou premier opéra après deux mois de pause

J'essaie d'être plus constante, mais comme tout le monde: j'ai une pile d'enregistrements à écouter, de livres à lire, de langues à apprendre et d'expos à visiter, accessoirement je suis sensée étudier et travailler pour gagner les sous nécessaires pour mener à bien la liste de piles mentionnées plus haut. Mais donc, j'essaie.

Après deux mois de pause, j'étais toute impatiente de retourner à la Staatsoper, avec le nouvel intendant et le nouveau directeur artistique, respectivement Dominique Meyer (c'est malgré l'orthographe, un homme) et Franz Welser-Möst (qui dirigeait déjà chaque deuxième opéra de la saison précédente). Ouverture de la saison 2010-2011 avec Tannhäuser, avec les mêmes chanteurs, sinon le génial Gerhaher, remplacé par Matthias Goerne, un peu moins génial (oui quand-même, puisque Gerhaher est le meilleur chanteur du monde et plus). Comme en juin 2010, dans la mise en scène de Claus Guth, avec Johan Botha en Tannhäuser, Anja Kampe en Elisabeth et Welser-Möst au pupitre. Vocalement, Botha a nettement mieux assuré sa partie, tandis que le bariton un peu trop dur de Goerne ne parvenait pas à faire oublier la voix magnifique de Gerhaher. Mais c'est surtout l'orchestre qui a surpris, avec une générosité et une précision u jeu qu'on n'a malheureusement que rarement à l'opéra. Nul doute que pour ce premier opéra de la saison, les Wiener avaient un grand plaisir à jouer, à jouer bien, non seulement proprement, mais avec beaucoup d'émotions, comme s'ils avaient redécouvert Wagner. Nul temps pour s'ennuyer durant ces 4h30.

Et puis comme il ne faut surtout pas chômer, Franz Welser-Möst est venu dans l'église des St-Augustins pour nous (le choeur d'église) diriger. Messe du couronnement de Mozart, selon ses désirs, avec beaucoup de sourires et de surprises.