mercredi 29 avril 2009

Hier pendant la pause de midi, je lisais le dernier numéro du Magazine littéraire à la bibliothèque. Outre le fait que les 3/4 des auteurs présentés sont Juifs et les 2/3 des romans critiqués en lien avec la Shoah - y a-t-il un quelconque anniversaire cette année? - une citation de l'essai L'Holocauste comme culture paru chez Actes Sud a retenu mon attention. Le prix Nobel de littérature Imre Kertész écrit, à propos de la Shoah, que cela ne lui semble pas impossible qu'un évènement pareil se renouvelle un jour:


"Tout ce que nous vivons en ce moment et dans le monde entier, à savoir notre civilisation, notre mode de vie, nos idéaux ou plutôt leur absence, le clivage entre le monde individuel et le monde socio-historique, [...] l'inanité de l'intelligentsia de notre temps couplée à son avidité insatiable d'idéologie, fait plus destructeur que le sida ou la drogue - tout cela ainsi que tous les symptômes de notre siècle dépourvu d'imagination et intellectuellement atrophié, montre qu'une telle répétition n'est pas impossible."

lundi 20 avril 2009

Leçons particulières (Hélène Grimaud)

Un tout petit livre, que ma voisine-copine m'avait apporté un jour en venant regarder un Louis de Funès chez moi, Tiens, je l'ai à double, j'ai pensé que tu devrais aimer. (C'est fou ce qu'elle peut avoir raison, des fois.)

Je l'ai ouvert hier soir, je l'ai pris dans mon lit, et ce matin je le terminais en tailleurs sur mon balcon, un verre d'eau pour calmer le soleil.


Pocket, 181 pages


Quatrième de couverture:

Comment surmonter ses doutes ? Comment élever son âme ? Comment définir la passion, voire l'amour ? Telles sont les questions que se pose Hélène Grimaud, au cours d'un triple voyage : voyage en Italie dont elle nous fait partager les beautés ; voyage initiatique jalonné de rencontres avec de curieux personnages qui la renseignent sur le sens de la vie ; voyage intérieur enfin où, au terme de sa quête, elle montre comment retrouver le chemin du bonheur. Ou comment unir, dans la même ferveur, la musique, le monde sauvage et une passion absolue pour l'existence.


Mon avis:*****
Au début, j'étais sceptique. Vraiment. J'aimais beaucoup le contenu, nettement moins en revanche sa manière de l'exprimer. Certaines métaphores, quoique très belles, laissaient un arrière goût d'artifice dans les pages. L'utilisation de la langue un peu pincée, il lui manquait l'aisance et le naturel de l'écrivain, du "vrai", cette aisance qu'elle a au piano, résolument. Et puis au fil des pages - j'avais accroché, presque à mon propre insu - j'ai aimé aussi le style, et les belles métaphores, et son savoir admirable et humble, les paysage de cette Italie que je ne connais pour ainsi dire que des romans, et Hambourg hantée par Brahms - Hélène Grimaud semble faire la même connexion que moi entre Hambourg et Brahms.
Court récit initiatique peuplé de rencontres merveilleuses, Hélène réapprend à vivre, et par son roman, nous redonne les clefs pour retrouver ce paradis que l'on perd si facilement de vue. Je crois partager nombre de ces opinions, tant sur la musique, son but, son essence, que sur ses considération de la vie, de l'amour, de la mort. J'ai trouvé dans ce minuscule opus une corde qui vibrait à la même fréquence que la mienne.

Mrs. Dalloway (Virginia Woolf)

Je remets à jour, je remets à jour.
Là.
J'avais pris das Glasperlenspiel à Paris, mais il s'est vite montré que c'était un mauvais choix:
  1. trop compliqué pour être lu par bribes de 2 pages dans le métro
  2. trop volumineux pour être trimballé dans mes pérégrinations parisiennes
Mais je sais où aller. Boulevard St-Michel, par exemple. Un saut à Gibert-Jeune, je me trouve nez à nez avec le rayon russe et celui d'anglais, j'hésite pour un recueil de poèmes de Tsvetaeva (mais je saurais juste le lire, pas le comprendre)(et puis il est énorme) et vois Mrs Dalloway. Virginia Woolf, cela faisait longtemps que je voulais la découvrir. Et ce roman précisément est le préféré de ma correspondante Nina, celui qui apparaît dans The Hours, mon livre de bac anglais. Parfait. En plus il est mince, léger et 2€. Finalement, je me suis fait avoir, c'est un anglais moins simple que celui d'Auster ou Wilde, donc j'ai un peu galéré dans le métro, pour comprendre quelque chose entre deux cahots, trois Espagnols tapageurs et les coups d'oeil rapide sur les stations pour ne pas louper la sortie. Ainsi, lorsque je suis arrivée chez moi, j'ai repris le roman depuis le début, après avoir - enfin! - regardé le film The Hours.
Le troisième des quatre enfants que je garde régulièrement m'a croisé dans le village, mon livre vert pomme à la main. Du haut de ses deux ans, il a le plaisir de découvrir, et aussi de découvrir qu'il sait: Pingouin, là, pingouin annone-t-il en montrant du doigt les deux pingouins du logo.


Penguin Books, 224 pages


Quatrième de couverture:


It is a Wednesday in mid-June 1923 and Mrs Dalloway is to have a party. As she spends the day in preparation, worrying about the evening's success, she looks back over her life at the choices that have led her here. Then an unexpected visitor calls...


Mon avis:*****
Non, je ne vais toujours pas vous faire la blague de rédiger mes notes sur les livres de littérature anglaise en anglais. Non.
De tous les livres anglais lus jusqu'ici - ils sont au nombre intersidéralment élevé de trois - celui-ci était sans hésiter le plus difficile à lire. La langue semble être utilisée avec beaucoup plus de subtilité que Cunnigham, Auster ou même Wilde. Mais pour le coup, la belle Virginia Woolf est aussi celle qui m'a le plus appris à ce niveau là. Ce n'est pas l'anglais que l'on baragouine à l'école, c'est l'anglais de mon ami diplomate: élevé, raffiné, avec un charme quelque peu désuet.
Quand à l'histoire, il s'agit de la vie d'une femme dans une journée. La vie entière d'une femme dans une seule journée. Évidemment, j'ai adoré: Woolf qui se prend le temps de raconter une journée sur plus de 200 pages, je trouve ça génial. Mais ce n'est pas que la vie de Clarissa-said-she-would-buy-the-flowers-herself. C'est celle d'un ami revenu subitement des Indes, celle d'un poète malade que cet ami a croisé à Regents Park dont le médecin se rendra à la fête qu'organise Mrs. Dalloway... C'est comme un fil jeté sur une carte de personnages et que l'on a fixé sur certains d'entre eux avec une épingle, comme des arrêts le long d'une ligne de bus. ce fil qui est parfois aussi suggéré tel quel dans le récit, par la voiture pétaradante qui sillonne les rues matinales de Londres, l'avion publicitaire qui trace des toffee dans le ciel immobile de juin, les sirènes de l'ambulance qui relie le poète à l'ami retrouvé.
Et c'est certainement aussi une troublante autobiographie, autobiographie dans laquelle Virginia Woolf trace déjà son destin. C'est le poète qui doit mourir. Et ainsi, elle mourra, jeune encore, et tellement belle.

Das Glasperlenspiel (Hermann Hesse)

Fast habe ich meinen Rückstand hier aufgeholt. Fast. Und auch sonst bin ich schier wieder up to date, was eigentlich eher selten der Fall ist.


Suhrkamp, 576 Seiten


Rezension aus Amazon:


Hermann Hesses Alterswerk „Das Glasperlenspiel“ erschien 1943 in Zürich, 1946 erfolgte eine Ausgabe in Deutschland. Bereits 1931 hatte der Autor an dem Werk zu schreiben begonnen. Ohne Zweifel handelt es sich bei dieser letzten großen Prosaarbeit Hesses um keine leichte Kost. Man kann „Das Glasperlenspiel“ wegen seiner Tiefe und Komplexität getrost als Opus für Kenner bezeichnen. Wer sich jedoch damit auseinandersetzen möchte, wird in dem Erziehungs- und Lebensideal, das in einer Synthese von Wissenschaften und Kunst, von Geist und Sinnen besteht, faszinierende gedankliche Ansatzpunkte finden.

Meine Meinung:*****
Es war eine schwierige Lektüre, von der Sprache her wie von dem philosophischen Inhalt. Meine vieleicht schwierigste Lektüre überhaupt. Desshalb hat es mich einige Zeit gekostet, das Glasperlenspiel zu lesen, es sind mir immer wieder andere Bücher dazwischen gekommen, bis ich mir dann Hesses Stil angeeignet hatte und mich hungrig durch das Buch las.
Das Glasperlenspiel ist eines dieser Werke, deren ganzen Sinn mir noch entwischt. Manches verstehe ich, anderes ahne ich, aber vieles bleibt mir noch verheimlicht. Ideen, die sich in mir verborgen haben und die, eine nach der anderen, sich mir zeigen werden, vom Licht des Wissens erhellt. Es ist eines von jenen Büchern, die man nie vergessen wird, und die uns ein Leben lang begleiten werden.
Mehr möchte ich dazu nicht sagen. Ich werde es nochmals lesen, und immer wieder. Und freue mich, "durchgetrotzt" zu haben - es hat sich wirklich gelohnt.

mercredi 15 avril 2009

Trois solistes de choc, un grand chef et un excellent orchestre pour Mahler

Après une course folle dans la forêt, une douche, et, en tailleurs sur mon lit, le pull à capuche est douillet, le hot milk mug sur la table de nuit - my one weakness, j'écoute Mahler. Un enregistrement qui décoiffe, qui... qui.


Mahler Lieder
Quasthoff / Urmana / von Otter
Wiener Philarmoniker / Boulez
  1. Lieder eines Fahrenden Gesellen
  2. Rückert Lieder
  3. Kindertotenlieder
Je me surprends de n'avoir encore jamais parlé de Thomas Quasthoff, baryton hors pair, que j'ai eu la joie immense de découvrir pour la première fois, en live à Verbier, lors d'une répétition générale. Thomas Quasthoff, la voix et l'homme, tous deux admirables. Cet enregistrement me le fait découvrir dans un répertoire différent de celui que je lui connaissais (majoritairement les cantates de Bach et les Lieder de Schubert), mais dans lequel il excelle également.
Violetta Urmana est une découverte absolue - et belle.
Anne Sofie von Otter m'était déjà connue de par le Rosenkavalier de R. Strauss et divers autres productions, et figure, au même titre que Quasthoff, sur ma liste des top ten. Et mon opinion de Pierre Boulez, vous vous en souvenez peut-être.

Les Lieder eines fahrenden Gesellen sont légers, avec une note pastorale et des accents de chanson populaire, mais Thomas Quasthoff ne tombe pas dans le piège d'une interprétation facile, mais sa compréhension du texte et l'importance qu'il lui donne rendent ces Lieder très émouvants. Il y a également une symbiose avec l'orchestre, qui traduit littéralement les affects de Quasthoff, les reflète et les complète. Je pense notamment aux flûtes si âcres dans le 3ème numéro Ich hab ein glühend Messer, qui imagent si bien les déchirement de ce coeur transpercé par un couteau. De loin l'une des meilleures interprétations.

Violetta Urmana s'avère être une soprano très aérienne, légère et lumineuse, par opposition au soprano mûr et consistant d'Anne Sofie von Otter. En cela, la première convient parfaitement au 5 Rückert Lieder tandis que von Otter excelle dans le dramatisme douloureux des Kindertotenlieder. Urmana a une aisance qui s'étend jusque dans les sauts les plus périlleux, et confère un côté juvénile et ungestüm à ces 5 Lieder. Elle se fond avec le hautbois solo dans ce magnifique contrechant dans Ich atmet einen linden Duft dont elle arrive à imiter vocalement la couleur claire et innocente.

Le dernier cycle que nous offre cet excellent disque est celui des Kindertotenlieder, déjà presque un VIP sur ce blog. Comme j'ai entendu ces Kindertotenlieder il y a peu à Pleyel, je peux encore comparer le trio Stutzmann / Eschenbach / Orchestre de Paris avec celui von Otter / Boulez / Wiener Philarmoniker. Heureusement pour les premiers, je n'avais pas encore pris connaissance de cet enregistrement lors du concert à Pleyel. La qualité de l'interprétation d'Anne Sofie von Otter et la précision de Boulez sont remarquables, et ici, l'orchestre ne mange pas la chanteuse et la chanteuse ne mange pas ses mots. Von Otter chante avec les tripes, mais sans vulgarité, sa souffrance n'est pas un artifice surfait, c'est la simplicité de la douleur, illuminée par la tendresse des souvenirs.
C'est très, très beau.

Un dernier paragraphe pour sautiller de plaisir pour le travail de l'orchestre - les vents absolument superbes, cela faisait longtemps! - et la baguette rigoureuse mais non insensible du petit Français.

A acheter, là, maintenant, tout de suite.

samedi 11 avril 2009

Hélène Grimaud plays Brahms, Klavierstücke op. 116-119

J'ai dû me rendre à la triste évidence: je ne suis pas assez riche pour aller régulièrement au concert- du moins pas aussi régulièrement que je le souhaite, ce qui serait dans l'idéal une fois par semaine. (Oui, je sais, j'ai des goûts de luxe, un peu.) Mais comme la musique supplante tout, y compris la littérature, il fallait qu'il en soit de même sur ce blog. Je me replie donc vers l'alternative du concert: l'enregistrement discographique. Et espère étoffer la rubrique cd review.
Disques de ma bibliothèque personnelle, emprunts de la médiathèque, plage trouvée au gré de mes pérégrinations sur internet, ces articles sont d'abord destinés à mon propre usage, comme pense-bête des acquisitions dans ce domaine. Mais vos commentaires seront évidemment toujours les bienvenus, d'autant plus qu'ils sont constructifs (par exemple que je suis belle et intelligente).

Aujourd'hui, un excellent album paru chez Erato:
Les Klavierstücke op. 116, 117, 118 et 119 de Brahms, par l'excellente Hélène Grimaud, dont il n'a encore jamais été question ici - honte à moi.

Brahms - Hélène Grimaud
Piano Pieces Op. 116-119
Erato, 1996

Les Klavierstücke Op. 118 avaient déjà été l'objet d'une discussion comparative (ici et surtout ) de plusieurs interprétations trouvées sur le net. Voici maintenant un enregistrement supplémentaire - et quel enregistrement!

Hélène Grimaud me convainc beaucoup dans Brahms en général, et dans ces Klavierstücke en particulier. Le son est soigné, la palette d'émotions subtile et utilisée avec beaucoup de finesse et de sensibilité.
Il y a un plaisir du son, des différentes voix, du geste, et on imagine Hélène Grimaud évoluer dans des mouvements amples et bien dessinés, comme une danseuse dans un ballet, la générosité des bras, la délicatesse des poignets et la précision des doigts, pour offrir un Brahms tour à tour profond et généreux, passionné et tourmenté, tendre et souriant, rêveur et intime. Il y a par moments quelque chose de féminin dans son jeu, qui convient à merveille au Brahms des Klavierstücke,
entre autre à la berceuse op.117 n°1.
Elle sait se glisser dans la profondeur de Brahms, dans les différentes couches sonores, et semble comprendre avec une intuition naturelle l'essence du compositeur, ce qui en fait une brahmsienne que j'apprécie de plus en plus au gré de mes découvertes.

à acquérir.

Ce bref extrait vidéo montre à mon sens bien l'attention portée à chaque note:



vendredi 10 avril 2009

Il avait plus tout dimanche (Philippe Delerm)

Je voulais vous relater ma soirée à l'opéra Garnier, avec le spectacle de l'école de danse, je me suis rendue compte que je n'y connaissais rien au ballet.
Je voulais vous parler de l'exposition au musée d'art et d'histoire de Judaïsme, je me suis rendue compte que je ne savais pas comment en parler.

Alors je vous livre ma critique d'un tout petit livre, un tout petit condensé de Paris.


Folio, 116 pages


Quatrième de couverture:


"Revoir Paris." Arrivé à la gare du Nord, monsieur Spitzweg se surprend à siffloter la chanson de Trenet. Ah oui! finalement, c'est surtout pour ça qu'il est parti. Dans la rumeur de sept heures du matin, une grande bouffée de Paris lui monte au cœur, et c'est plus fort que toutes les vagues de la mer du Nord. Il prend un café sur le zinc, dans les annonces des haut-parleurs : "Le T.G.V. 2525 à destination de Bruxelles partira de la voie 8..." Mais on peut bien parler d'ailleurs, Arnold sait désormais qu'il est ici. Cette désinvolture du serveur, l'odeur des journaux frais, un je-ne-sais-quoi de parisien dans l'arôme du café... Monsieur Spitzweg reprend sa valise et hume les couloirs du métro comme un jardin d'essences rares. Les carreaux de faïence, la couleur des affiches, tout lui plaît. Dans le wagon qui le ramène à Guy-Môquet, il y a un Noir avec un gros vélo rouillé auquel il manque une pédale.


Mon avis: ****
Petit livre occasion pour 1€, trouvé sur le Boulevard St-Michel, parce que ça faisait longtemps que je voulais lire Delerm, c'est dans le TGV à destination de Genève que je l'ai lu, d'une traite. Je ne dirai rien d'autre que ce que j'avais déjà écrit ici:

Delerm captured Paris in this short book; I feel like I was still there, the smell of the metro, the jingle of SNCF, the light noisy cafés, markets, people, streets I walked down, places I stopped by...
A kind of love letter to the "Ville Lumière" .

Et pour rester dans l'ambiance Paris, Delerm, toujours, mais Vincent, et en musique:

lundi 6 avril 2009

La salle Pleyel reçoit la crème des Fin de Siècle viennois

Salle Pleyel, Paris, 01.04 et 02.04.2009, 20:00

Paris contient désormais une foule de petits rituels - regarder les gens à la terrasse d'un café, faire les librairies Boulevard St-Michel, lire dans le métro, oublier de manger et marcher à avoir les pieds en sang. Et aller à un concert à Pleyel.
L'automne, c'était mon pianiste préféré dans un récital de Lieder russes. Pleyel intime, feutré, apaisant comme un cocon. Au printemps, c'est Pleyel éclatant, enivrant de chromatismes, grandiose et étourdissant de puissance, avec Mahler et Bruckner et un orchestre immense - 9 contrebasses, et bien 70 musiciens sur scène pour Bruckner! (et oui, je viens de la province et n'avais encore jamais vu un tel effectif. C'est assez trippant la première fois.)

La première moitié du concert préparait à l'explosion brucknerienne avec les émouvants Kindertotenlieder de Mahler, chantés par la contralto Nathalie Stutzmann, qui savait rendre ces douloureux poèmes extrêments vivants. Malheureusement, sa belle voix grave était souvent engloutie par l'orchestre, de sorte qu'il fallait souvent tendre l'oreille pour l'entendre, également pour comprendre le texte, heureusement imprimé sur les programmes. Malgré cela, ce sont les bustes tendus en avant et le souffle retenu que le public écoute ces chants de souffrance aveugle, et le silence qui précède les applaudissements est lourd, angoissant.

En seconde partie, la scène s'est remplie, et la salle s'est peu à peu vidée durant le premier mouvement de la neuvième de Bruckner. Cette oeuvre magistrale que le chef titulaire de l'Orchestre de Paris présente aux mélomanes de la capitale ne semble pas être au goût de tout un chacun. Il faut dire que les forte sont réellement forte, les tympans bourdonnent et la fin du concert les laissera douloureux jusqu'au lendemain. Mais.
La masse des musiciens est dirigée par une main de maître, une main de fer qui coordonne ajuste et façonne les sons. Ce sont une cinquantaine d'archets qui fendent l'air simultanément, un bonne vingtaine de vents qui attaquent les notes dans un même souffle. Eschenbach semble baser son interprétation sur les contrastes sonores. L'orchestre gonfle et se tend jusqu'à faire mal, et soudain, c'est ce silence assourdissant qui laisse pantelant. Pour ma part, j'aurais aimé qu'il laisse ces silences plus larges, pour leur donner toute leur puissance, au lieu de passer parfois un peu trop vite. Néanmoins, c'est une oeuvre grandiose qui fait trembler les murs de Pleyel. Dans le scherzo, si certaines attaques des cordes étaitent parfois un peu molles en comparaison avec l'excellente précision des vents, le mouvement a sû garder une bonne cohésion entre les différentes sections de l'orchestre, et l'énérgie quasi puérile a pu être conservée tout au long de ce deuxième mouvement. Un magnifique mouvement lent, lyrique et chaleureux, dans lequel je déplore uniquement les violons, trop sages et pas assez parfumés dans les grands traits mélodieux. Peut-être trop légers, trop français? Le finale revient avec ses contrastes et sa grandeur démesurée caractéristique des oeuvres de cette époque - je ne parle ici pas que de la musique, mais de l'art en général.
C'est une très belle interprétation, osée, douloureuse pour les oreilles, et qui laisse complétement groggy. Mais ce n'est pas encore ma version de référence. Celle-là, je la cherche toujours (si vous avez des suggestions...).