lundi 29 septembre 2008

Spring & Fall

Il y a quelques mois, je comparais diverse versions de la Ballade op.118 de Brahms. En sortait vainqueur l'interprétation très naturelle de Nikolai Lugansky.
Cette après-midi, j'ai trouvé l'intégrale de l'op.118 par Kissin (joué lors du Verbier Festival 2007), et j'ai enfin pu écouter sous ses doigts magiques mon numéro préféré, soit le cinquième, la romance. Et c'était comme une formulation musicale du soleil brumeux de fin de septembre.
La nostalgie rêveuse d'un automne, les doux regrets de l'été, la magie de la lumière timide sur les arbres mourant doucement.
Chez Lugansky, on assistait à l'éclosion du printemps, explosion de couleurs cristallines, de rires, de joie, ôde à la vie et credo d'un bonheur simple et évident.


Brahms, op. 118 n°5 romance, Evgeny Kissin


Brahms, op. 118 n°5 romance, Nikolai Lugansky

Je file - un besoin urgent de jouer cette romance.

jeudi 25 septembre 2008

Candide (Voltaire)

Auteur: François Marie Arouet, dit Voltaire
Titre original: Candide ou l'optimisme
Première parution: 1759
Traduction: -

Quatrième de couverture: -
[en lieu et place, un extrait]


Pangloss enseignait la métaphysico-théologo-cosmolonigologie. Il prouvait admirablement qu'il n'y a point d'effet sans cause, et que, dans ce meilleur des mondes possibles, le château de monseigneur le baron était le plus beau des châteaux et madame la baronne la meilleure des baronnes possibles.


Mon avis: **Je ne dois pas être spécialement sensible à la littérature pré romantique, du moins, aussi loin que je me souvienne, je n'ai jamais apprécié 'plus que ça' les œuvres de cette période, que je devais lire au lycée. Diderot, Chrétien de Troyes, Madame de Lafayette, Rousseau... bof. Quoique, le moyen-âge a ses charmes, avec une candeur et une naïveté qui fait sourir, ou au contraire de belles passions tragiques qui font vibrer. Mais aux Lumières, je leur trouve un humour forcé et dédaigneux, beaucoup de mépris, beaucoup de larmoiement autours de la misère humaine. Beaucoup aussi de faites ce que je dis mais pas ce que je fais, et je me permets ici de citer l'exemple célébrissime d'un Rousseau auteur de L'Emile qui donne ses gosses à l'adoption et de vous conseiller un petit tour chez Doudou, qui vient de terminer elle aussi un Voltaire.
Le problème avec les lumières, c'est qu'ils sont obnubilés par leur sacro-sainte raison. Ca les amène a parler d'égalité, de liberté, et de tout un troupeau de belle valeurs, mais si je n'ai pas l'amour, cela ne me sert à rien. (I Cor. 13, 1-3). Autrement dit, ce n'est pas avec la seule raison que l'on peut rendre le monde et les hommes meilleurs. Parce qu'il suffirait que ma raison me dicte que ça ne me sert à rien de traiter le Juif, l'Arabe ou le Noir comme l'égal de moi-même, que c'est tellement plus simple de le tabasser, de le voler et de le réduire en esclave, pour que toute cette belle théorie des Lumières tombe à l'eau. Je peux traiter l'autre avec tolérance et politesse, si je n'ai pas l'amour, le jour où ma situation ne sera plus si rose, je ne vais certainement pas me gêner à persécuter cet autre, à trouver intolérable que lui mange de la viande tous les jours alors que je dois me contenter de pain sec. Est-il besoin de citer des exemples?
Donc voilà, mis à part que les belles phrases des Lumières sonnent creux à mes oreilles, Candide se lit facilement, et est un peu drôle au début, ou plutôt ironique. Et puis c'est bien écrit, au niveau de la langue.

mardi 23 septembre 2008

Kafka sur le rivage (Haruki Murakami)

Auteur: Haruki Murakami
Titre original: Umibe no Kafuka
Première parution: 2003
Traduction: Corinne Atlan


Quatrième de couverture:

Kafka Tamura, quinze ans, s'enfuit de sa maison de Tokyo pour échapper à la terrible prophétie que son père a prononcée contre lui. De l'autre côté de l'archipel, Nakata, un vieil homme amnésique décide lui aussi de prendre la route. Leurs deux destinées s'entremêlent pour devenir le miroir l'une de l'autre tandus que, sur leur chemin, la réalité bruisse d'un murmure enchanteur. Les forêts se peuplent de soldats échappés de la dernière guerre, les poissons tombent du ciel et les prostituées se mettent à lire Hegel. Conte initiatique du XXIe siècle, Kafka sur le rivage nous plonge dans une odyssée moderne au coeur du Japon contemporain.


Mon avis: ****
D'habitude, je préfère m'occuper des grands classiques de la littérature occidentale, mais là, elle en avait parlé à plusieurs reprises, et comme elle est une fille bien, je me suis dit que ce roman japonais était peut-être bien lui aussi.
En fin de compte, ce sont un peu plus de six cent pages que j'ai tournées en moins d'une semaine, donc un roman qui se lit très vite - trop vite. Moi qui aime prendre le temps, relire plusieurs fois un paragraphe, ici, je n'ai pas réussi à prendre mon temps. Un langage trop facile d'accès? - J'aime beaucoup devoir vérifier plusieurs fois le sens de certains mots dans le dictionnaire, ici, l'occasion ne s'est jamais présentée.
Par contre, j'aime beaucoup les récits initiatiques, le recours aux symboles, la dimension surréaliste, les allusions à la Grèce Antique, les théories sur l'Archiduc de Beethoven et la sonate en fa de Schubert, les discussions sur Platon et Kafka. Murakami a une très grande culture, c'est un plaisir de le découvrir dans son roman.
L'univers dans lequel évoluent les personnages de Kafka sur le rivage est d'une esthétique très japonisante, simple, épurée, harmonieuse. C'est propre et bien rangé. L'importance du ciel, le cornouiller qui bruisse dans le vent du soir, les thés qui se déclinent verts, noirs, aux herbes, l'hygiène de vie de Kafka Tamura.
Je ne sais pas s'il s'agit de grande littérature, mais en tout cas, c'est un roman qu'on a beaucoup de plaisir à lire dans l'adolescence ou la post adolescence, une manière originale et plein de fine érudition d'illustrer une quête de personnalité. Un roman que j'ai de ce faitaimé lire, mais qui ne présentera pas forcément un intérêt particulier pour un adulte ou une personne âgée. Mais - ce n'est là qu'une hypothèse non vérifiée.

______________
Je vais sans doute instaurer un peu de bilinguisme dans cet espace virtuel: tous les mercredis, ce sera Deutscher Mittwoch, les articles y seront rédigés dans la langue des Teutons. Pour les Allemands qui aterrissent ici et doivent fournir l'effort de lire des notes exclusivement écrites en français. Et puis mercredi, parce que c'est mon jour allemand à la fac, avec deux cours de musico donnés en allemand, et un cours de germanistique - en allemand aussi, bien évidemment.

Bon, et puis sinon, deux mauvaises nouvelles.
Tout d'abord les deux cours de musico qui tombent demain, la professeur sera absente.
Et puis j'ai encore acheté un livre. Zauberberg de Thomas Mann. (Oui, rien que ça.)

mercredi 17 septembre 2008

Océan mer (Alessandro Baricco)

Auteur: Alessandro Barrico
Titre original: Oceano mare
Première parution: 1993
Traduction: Françoise Brun

Quatrième de couverture:

Au bord de l'océan, à la pension Almayer, "posée sur la corniche ultime du monde", se croisent sept personnages au destin étrange et romanesque, sept naufragés de la vie qui tentent de recoller les morceaux de leur existence. Mais leur séjour est bouleversé par le souvenir d'un hallucinant naufrage d'un siècle passé et la sanglante dérive d'un radeau. Et toujours, la mer, capricieuse et fascinante...
Avec une époustouflante maîtrise, Alessandro Baricco nous offre à la fois un roman à suspense, un livre d'aventures, une méditation philosophique et un poème en prose.


Mon avis:*****
un soir de juillet montpelliérain, j'ai apprivoisé la bibliothèque de Dodoré. Mon petit carnet moleskine à la main, je notai les titres et auteurs que je n'avais pas encore lu. Dodoré, sortie de la douche, m'avait dit alors en tirant un volume hors de l'étagère:
- celui-là, il faut que tu le lise. Il est magnifique. Il te plaira.

Dans mon Moleskine le stylo griffone: Baricco, Océan mer; absolument.
Jeudi passé, alors que je déambulais en ville après mon cours de piano, avec pour tâche de trouver un pantalon pour l'hiver, j'ai passé à la librairie.
Dans le bus du retour, il y avait Baricco, Murakami et Flaubert dans le baluchon. Et pas l'ombre d'un pantalon.

Avant même d'être sortie du bus, je savais que j'allais écrire à Dodoré pour la remercier de ce sage conseil: Océan mer, c'est un petit bijou. Pour ma part, j'ai été plus sensible au côté 'poème en prose' et 'méditation philosophique' qu'à l'aspect roman d'aventures, mais c'est tant mieux, je ne voue pas une passion particulière pour ce dernier type de littérature, alors que je n'ai plus besoin de dire mon amour pour la poésie. Ce roman poétique, quelque part presque un conte initiatique, nous invite dans un no man's land imaginaire, suspendu hors du temps - on ne saurait dire dans quelle période historique se déroule l'action, immobile et léger comme une bulle de savon, transparent comme le blanc des tableaux de Plasson peints avec de l'eau de mer pure.
Tous ont un rêve - vivre, trouver celle qui, réussir à peindre la mer - et un obstacle à surmonter pour y accéder. Et tous, là-bas, dans cet endroit à la limite entre la terre et la mer, entre le réel et la fiction, acquièrent la sagesse nécessaire pour marcher sur leur chemin de vie, leur fleuve.

Le style de Baricco est frais, léger, spontané et profond. Les phrases sont courtes, se coupent la parole parfois, ou restent en suspens. C'est n'est pas tant un livre que l'on lit qu'une histoire que l'on écoute. De temps à autre, le conteur précise une intention, souligne l'importance d'un mot, recourt à des techniques de narration pour bien faire entrer l'information dans le coeur de l'auditeur. On est comme au coin du feu par une veillée hivernale, l'aîné de la famille remonte un peu le plaid:
- il était une fois...

vendredi 12 septembre 2008

L'image du mois: Le Pastel blanc - Giovanni Boldini

Après de longues hésitations, c'est finalement sur cet exemple type de grand portrait international que j'ai jeté mon dévolu. Le grand portrait international désigne un genre florissant à la Belle-Époque, à Paris. Les trois grands maîtres de ces gigantesques portraits de personnalités de la haute société sont Boldini, Sargent et Whistler. Ils mettent en scène la personne dans ses vêtements et ses appartements. Le choix de la robe, des accessoires, du cadre se révèlent d'une importance capitale pour dévoiler la nature et le rang social du sujet.
Je ne vais pas vous faire un exposé de trois pages, j'ai eu un cours qui traitait de cela, si vous voulez en savoir plus, n'hésitez pas à poser vos questions. Et a consulter l'article du New York Times.

Pastel Blanc
Portrait en pied de la jeune Emiliana Concha de Ossa
1888, pastel
219 x 120 cm


J'aime beaucoup l'impression très vaporeuse du pastel qui se décline dans un camaïeu de blanc poudrés. Boldini a peint une jeune femme qui fait sa première entrés dans la société, son "bal blanc", fière, rayonnante de bonheur, mais un peu inquiète et tendue face à ce monde inconnu. Son sourire est un peu effrayé, ses mains se pressent l'une contre l'autre, peut-être pour cacher un tremblement nerveux.
C'était l'une de mes toiles préférées du cours d'histoire de l'art consacré au Très, très chic: le corps-vêtement, la chevelure-parure.

Das Stundenbuch (Rainer Maria Rilke)


Auteur: Rainer Maria Rilke
Titre original: Das Stundenbuch
Première parution: 1905
Traduction: -

Quatrième de couverture:
"Ich habe Hymnen, die ich schweige" - das eigene Ich und die mögliche Existenz Gottes in Worte zu fassen und begreifbar zu machen, ist das grosse Thema der Literatur um 1900. Aus der Anbetung Gottes in den Stundenbüchern des Mittelalters wird bei Rilke die Suche nach Gott und der eigenen Identität. Sein wichtigstes Frühwerk entstand vor dem Hintergrund seiner Erfahrungen in der Grossstadt Paris. "Das Stundenbuch", erschienen 1905, geliebt wegen der Musikalität seiner Verse, kritiseirt wegen seiner verklärenden Wircklichkeitssicht, ist eines der bedeutendsten lyrischen Werke der Moderne.

Mon avis: *****
Plein les yeux!
Le recueil est articulé en trois partie:
Erstes Buch: Das Buch vom mönchischem Leben (1899)
Zweites Buch: Das Buch von der Pilgerschaft (1901)
Drittes Buch: Das Buch von der Armut und vom Tode (1903)

Dans la première section, Rilke peint Dieu, face à l'homme qu'il est, dans un cadre bucholique de prairies, forêts et montagnes. C'est à la fois l'émerveillement de l'humain dans la contemplation de son Dieu et la joie de Dieu face à Adam.
Les poèmes sont relativement courts et dégagent un parfum de jour d'été ensoleillé.

Le second livre nous mène lentenement vers une vie moins insouciante, la pauvreté et la mort deviennent plus présentes, la campagne se meut en nuits opaques, en villages isolés, en hivers dangereux et sentiers escarpés. C'est la solitude du pèlerin, sa force irrépréssible qui le pousse en avant aussi.

La dernière partie quant à elle, a quitté la tendresse de la nature pour échouer dans les arrières-cours bruyantes, puantes, sombres et nauséabonde de la ville, décrite comme un monstre vorace, une machine infernale avalant le temps à toute vitesse, pleine de moisissures, de boue, d'acier, de misère et de tristesse.
(...)
und mach die Armen endlich wieder arm.
Sie sind es nicht. Sie sind nur die Nicht-Reichen,
die ohne Wille sind und ohne Welt;
(...)
und wollen nichts und nrauchen nur das
Eine:
so arm sein dürfen, wie sie wirklich sind.
Denn Armut ist ein grosser Glanz aus Innen...

La musicalité des vers est effectivement magnifique, c'est un livre que l'on doit chuchoter, à défaut de pouvoir le lire à voix haute. Il y a un plaisir physique à entendre et prononcer ces rimes. Les images nous transposent dans un autre monde et contribuent fortement à créer l'ambiance propice à l'exacte compréhension des propos. Ce sont aussi, fidèles à l'esprit élitiste Fin de Siècle, des phrases que notre intelligence peine parfois à saisir. Elle se perd dans la synthaxe méandreuse et lutte contre une force qui, sans arrêt, souffle de la buée sur la vitre de la compréhension.
J'avoue que j'ai parfois touché aux limites de mon intelligence - à 21 ans déjà, quelle honte! - mais finalement, je ne suis pas Rilke, je ne suis pas un génie, il me faudra sans doute du temps et une expérience de vie plus grande. Et ce sera un livre qui ne prendra jamais la poussière...

jeudi 11 septembre 2008

Horowitz et mon père (Alexis Salatko)

Auteur: Alexis Salatko
Titre original: Horowitz et mon père
Première parution: 2006
Traduction: -

Quatrième de couverture:

Deux jeunes garçons apprennent le piano à Kiev. L'un, Vladimir, surnommé "Feuille de chou" est petit et laid. L'autre, Dimitri, est beau et séduisant. Les deux sont très doués. La révolution russe de 1917 les précipite dans le vaste monde. Dimitri, Russe blanc défait par le communisme, finira en banlieue parisienne au terme d'une vie médiocre, tendrement familiale, mais en ayant toujorus cultivé la musique comme une fleur rare. Vladimir, juif que le nazisme a poussé vers l'Amérique, est devenu le célèbrissime Vladimir Horowitz, que le monde entier adule, mais dont la vie personnelle flirte avec l'enfer.




Mon avis: **
Vous voyez qu'il m'arrive parfois de ne pas aimer une lecture!
J'ai trouvé ce roman très, très, très simpliste. Un règlement de compte avec le pauvre Horowitz, qui n'a rien demandé. Je ne suis pas une grande admiratrice de Horowitz, j'attends encore et toujours une illumination qui ne vient pas, mais de là à le descendre de façon aussi radicale que gratuite!...
Un livre très court, imprimé en caractère énormes, que j'ai lu en une après-midi, dans le train pour Lucerne, et qui ne m'a pas touché. Je suis resté à la surface des pages, incapable d'entrer dans le livre pour converser avec les personnages. Salatko a verrouillé la porte par son style fade, ses comparaisons niaises et ses protagonistes trop clichés. Le pianiste super-doué (le plus doué du monde) qui ne joue que pour sa femme, arrête de jouer pendant des années, mais jouera toujours mieux que Horowitz qui s'entraîne dur tous les jours, sa femme, douce, sois belle et tais-toi, sa mère en marâtre digne de Cendrillon, et Horowitz, petit, laid, ridicule, gâteux, superficiel.
Je pense que l'idée de départ est intéressante, les caractères des personnages également, mais Salatko a mal utilisé ses matiériaux, rendu trop noir/blanc. Un roman tout en nuances de gris subtiles aurait pu me plaire vraiment.
Dommage.
(Pour celles et ceux que le roman intéresse malgré tout et qui vivent à Neuchâtel, je vais le ramener tantôt à la bibliothèque publique, il y sera donc consultable.)

Une critique parue sur Lire:, bien plus élogieuse que la mienne, bien qu'elle ne lui aie donné que deux plumes sur quatre:
Sur une photo de classe datant de 1915, deux élèves du Conservatoire de Kiev sont côte à côte: Dimitri Radzanov, beau gosse aux yeux vifs tient la vedette près de son camarade Vladimir Gorovitz, dit «Face de chou», un gringalet qui ne paye pas de mine. Dimitri a toutes les chances de faire carrière, il en a le talent mais pas l'ambition. C'est donc «Face de chou» qui deviendra une star du piano sous le nom de Horowitz. Presque quarante ans plus tard, le fils de Dimitri, Ambroise, décide d'emmener son père à New York pour assister au jubilé de son ancien codisciple au Carnegie Hall. Ce voyage est aussi un prétexte pour revenir sur la famille Radzanov, ses passions, ses échecs et ses inconséquences. Ambroise a connu par sa grand-mère, Anastasie, les années russes, la Garde blanche, la fuite de Kiev et l'exil. Anastasie, vieille dame caractérielle vêtue de renard bleu et gantée de léopard, aura l'éternelle nostalgie d'une époque où son fils pouvait prétendre à la gloire. Ce monstre d'égoïsme déverse sa haine sur Violette, joyeuse Méditerranéenne qui a eu le culot d'épouser son préféré. A Chatou, Dimitri travaille comme chimiste chez Pathé Marconi. Un pianiste fabriquant des disques pour ses confrères, c'est un comble

Dans Horowitz et mon père, on croise Marcel Aymé et le docteur Destouches avant qu'il ne devienne Louis Ferdinand Céline. Les amis russes se retrouvent le soir pour partager le samovar et les pigeons aux petits pois. Et, surtout, il y a la musique qui continue de tarauder Dimitri. Alexis Salatko réussit un roman inspiré, enjoué et nostalgique. Ses personnages sont tous portés par des sentiments extrêmes, des passions irréversibles ou des haines vigoureuses. Dans chaque livre d'Alexis Salatko, on est séduit par ce mélange de tendresse et de piquant. L'écrivain est tour à tour un observateur pointu et un sentimental confondu d'amour pour ses héros. Il les incarne tous, les perdants trop fragiles, les enfants ébahis, les aïeules insoumises, et les offre à ses lecteurs comme on propose de feuilleter un album de photos légèrement sépia.

Faust (Johann Wolfgang von)

Auteur: Johann Wolfgang von Goethe
Titre original: Faust I
Première parution: 1808
Traduction: -

Quatrième de couverture: -
[en lieu et place, un extrait:]

Margarete.

Tag! Ja, es wird Tag! der letzte Tag dringt herein;
Mein Hochzeittag sollt es sein!

Sag niemand, dass du schon bei Gretchen warst.

Weh meinem Kranze!

Es ist eben geschehen!

Wir werdren uns wiedersehn;

Aber nicht beim Tanze.

Die Menge drängt sich, man hört sie nicht.

Der Platz, die Gassen
Können sie nicht fassen.
Die Glocke ruft, das Stäbchen bricht.

Wie sie mich binden und packen!

Zum Blutstuhl bin ich schon entrückt.

Schon zuckt nach jedem Nacken

Die Schärfe, die nach meinem zückt.

Stumm liegt die Welt wie das Grab!


Mon avis: *****
J'avais un professeur de littérature allemande qui a décrété, au premier cours, Wissen sie, ich verlange von ihnen keine präzise Daten, (...) Und sowieso, in deutscher Literatur gibt's nur drei Daten, die sie kenne müssen: 1749, die Geburt Goethes; 1832 seinen Tod; und 1808, die Erscheinung des Fausts. A ce moment, je ne savais pas encore que le Professor Würffel allait devenir très bientôt mon professeur préféré, j'étais un peu critique encore. Et j'ai pensé Va, c'est chic de n'exiger de nous que trois dates, Goethe est un chouette type aussi, mais tout de même, faut pas exagérer, ô grand et sérénissime professeur. Je n'avais donc pas retenu ces trois dates. Pas plus que je n'avais lu Goethe ou pris connaissance de l'intrigue de son Faust.
C'est mal. Très mal. Я знаю.
1749, 1808, 1832. Hop! dans la caboche ad aeternam.
Après avoir lu de toutes mes tripes Le Maître et Marguerite du Boulgakov, qui s'inspire grandement de l'oeuvre maîtresse de Goethe, il était temps d'extirper le mince livret jaune délavé de Reclam.
Je me sens un peu ridicule de vous faire une critique de la tragédie, ridicule voire blasphématoire. Ils sont des milliers à l'avoir fait avant moi et mieux que moi.
Faust fait partie de ces livres qu'il faut avoir lu. Si vous ne devez lire qu'un seul livre de la littérature allemande, sans hésiter: Faust. Imaginez un peu que serait votre culture littéraire si vous n'aviez lu, comme tout le monde au lycée, le roman de Tristan et Iseult*? Des foutaises!
La poésie de Goethe est extrêmement riche et imagée, il nous dit les choses par métaphores ou de manière détournée. On devine plus qu'on ne sait, et pourtant, c'est plus clair que s'il nous avait dit les choses noir sur blanc. Puis il a l'avantage de la langue germanique, qui possède beaucoup plus de mots que le français, et qui, malgré sa sonorité hop hop zack zack, a beaucoup plus de force et de passion. C'est la langue du Sturm un Drang, c'est la langue des grands romantiques, de Caspar David Friedrich à Schumann, en passant par Novalis. Le français, à côté, fait bien piètre figure (bien que ce soit une belle langue, noble et posée).
Une oeuvre donc déjà très romantique, l'amour qui unit Faust à Gretchen est la chose la plus belle et la plus poignante que j'aie lue.
Incroyable.

* Si tu n'as pas lu Tristan et Iseult, tu sais de quoi ta nuit sera faite.

lundi 8 septembre 2008

{Warszawa} Chopin par deux jeunes pianistes

Samedi j'évoquais le visage familier du jeune homme blond assis en face de moi, plongé dans son Courrier international. J'ai retrouvé à qui ses traits me faisaient penser. Ce sont ceux du jeune Adam Dobrowolski qui jouait Chopin dans un récital donné à Kraków.

En passant devant une maison, l'affiche attire mon regard, récitals de Chopin, presque tous les soirs. J'avais soif de musique, ça sentait l'attrape-touriste à plein nez, mais je me suis dit tant pis, j'essaie, peut-être que ce sera bien. Au final, j'ai perdu une heure et 40 zl. Le petit blondinet sort le grand jeu, destiné à épater un public facile. Il y parvient sans doute, à l'exception près que je ne suis pas un public facile, loin de là. Il joue toutes les pièces plus vite que ce dont il est capable, et accentue le caractère physique des pièces pour en mettre plein les yeux à ce "public du dimanche". Eux sont ravis, moi déçue. Je ne doute pas un instant que le jeune Polonais sait faire des choses magnifiques et créer des sonorités délicates qui émerveillent l'auditeur, lorsqu'il se trouve face à une assistance avertie qui ne se laisse pas duper par de la pseudo virtuosité (notre pianiste n'est pas une bête virtuose, bien qu'il ait essayé de le faire croire).
Dommage. J'espère qu'il apprendra à faire de la musique quel que soit le public devant lequel il se trouve.

Le second récital s'inscrivait dans les concerts Chopin des dimanches après-midi, sous le mémorial du compositeur dans le parc Lazienki. Tokiko Kobayakawa, jeune pianiste japonaise, retrouvait le piano installé au pied de la statue du maître, lequel surveillait la performance de son regard rêveur. Assise dans l'herbe, à côté d'un groupe de Français, j'ai écouté des Variations en Mi op.posth à l'articulation aristocratique et cristalline, qui m'ont beaucoup plu, et à la célèbrissime (et incontournable) Ballade n°1 en sol mineur op.23, avec un beau discours musical, malheureusement fréquemment interrompu par des passages techniquement pas trop au point, dans lesquels la pianiste laissait la musique de côté pour focaliser son attention sur la propreté. Une brève pause, je m'allonge, et tandis que résonnent l'Andante Spianato et Grande Polonaise op.22, un peu trop lente et pensive à mon gôut, les nuages jouaient dans le ciel bleu. Pour terminer, des oiseaux planent ivres d'espace au son d'un magnifique scherzo n°2 en si bémol mineur, op.31, que la Japonaise à magnifié par un jeu des plus subtils, usant de milles sonorités et couleurs différentes, pour en faire un vrai tableau impressioniste.
Sans doute la première et la dernière fois que j'entendrai Chopin en sentant l'odeur fraîche de l'herbe et en voyant les nuages folâtrer avec le vent.

Poème de septembre: Gretchen am Spinnrade (Goethe)

C'est tout naturellement vers des vers de Faust que je me suis tournée pour choisir le poème qui accompagnera le mois de la rentrée.
Rien de très original, puisqu'il s'agit de la plainte de Marguerite, qui a inspiré Schubert pour l'un de ses Lieder les plus célèbres, que vous pouvez écouter ici:



Gretchen am Spinnrade - kiri Te Kanawa, Richard Amner


Gretchen am Spinnrade allein:

Meine Ruh´ ist hin,

Mein Herz ist schwer;
Ich finde sie nimmer
Und nimmermehr.

Wo ich ihn nicht hab

Ist mir das Grab,
Die ganze Welt
Ist mir vergällt´.

Mein armer Kopf
Ist mir verrückt,
Mein armer Sinn
Ist mir zerstückt.

Meine Ruh´ ist hin,
Mein Herz ist schwer;
Ich finde sie nimmer
und nimmer mehr.

Nach ihm nur schau´ ich
Zum Fenster hinaus,
Nach ihm nur geh´ ich
Aus dem Haus.

Sein hoher Gang,
Sein´ edle Gestalt,
Seines Mundes Lächeln,
Seiner Augen Gewalt,

Und seiner Rede
Zauberfluß,
Sein Händedruck,
Und ach sein Kuß!

Mein Ruh´ ist hin.
Mein Herz ist schwer,
Ich finde sie nimmer
Und nimmer mehr.

Mein Busen drängt
Sich nach ihm hin.
Ach dürft´ ich fassen
Und halten ihn!

Und küssen ihn
So wie ich wollt´,
An seinen Küssen
Vergehen sollt´!

samedi 6 septembre 2008

{Lucerne Festival} im Sommer - Pierre Boulez dirige au Lucerne Festival

KKL, 05.09.2008, 19:30

Suite aux multiples émotions qui ont jalonné la soirée d'hier, je ne sais plus très bien quelle forme donner à mon article. Sans doute laisserai-je la froideur de la critique de côté pour privilégier la chaleur du vécu.

Le concert n'avait pas encore commencé que tout était déjà sens dessus-dessous. Aux suites d'un incendie dans des dépôts situés en bordure immédiate des rails, le trafic ferroviaire a dû être interrompu, et les Bernois, qui, comme chacun le sait ne sont pas les plus rapides, ont mis près de deux heures avant de réaliser qu'il faudrait malgré tout éventuellement desservir les quatre gares touchées. A 17:30, le feu, déclaré vers 15:15, n'était toujours pas maîtrisé et mon train, selon horaire à 17:06, toujours pas remplacé. Apparemment, il aura fallu deux heures pour que les messieurs des trains acceptent enfin de d'entrouvrir leur bourse pour faire appel à des bus (venant, évidemment! d'un village perdu au fin fond du vallon...). Lorsque que le car débarque enfin, il nous dépose à Gampelen. Pas de train, nous attendons, je commence sérieusement à m'inquiéter pour ma correspondance à Bern. Une dame survoltée demande des informations à la borne, on s'étonne: les trains sont à la prochaine gare, le courant ici est coupé. Retour en arrière, des grands signes au chauffeur qui allait repartir, le petit monde reprend ses places dans le car. C'est un petit peu rigolo, mais j'avais le spectre d'un concert raté au dessus de moi.
Ins, les hommes en gilet orange annoncent le train pour Bern à 18:22. Il est 18:00. Mon train pour Lucerne quitte Berne maintenant. Rien à faire, j'aurai une demie-heure de retard au concert. L'impuissance me noue la gorge, je tourne autour de la gare en me tenant la tête (des fois qu'elle partirait sans moi), un jeune employé me propose de téléphoner au KKL pour m'annoncer, afin que je puisse entrer dans la salle avant l'entracte.
Dans le train, le jeune homme assis en face de moi a des traits familiers , il lit le Courrier international. Dans le second train, il fait froid, la dame en face de moi m'observe durant tout le voyage, je termine le livre commencé au début de l'après-midi.

Les dames de la billetterie refusent de me laisser entrer, pourtant je ne réclame pas mon siège, juste entrebâiller le battant entre deux morceaux, me glisser à l'intérieur et rester debout, au fond. On me mène dans un auditoire où je dois suivre en direct sur grand écran le concert qui se passe de l'autre côté du mur. Berio, Carter, et deux créations. Un public en délire, et moi, seule dans cette affreuse salle métallisée aux sièges couleur de deuil.
Berio était passé, j'ai entendu la fin de la première création du jeune Borowski,, qui se termine avec des vibrations qui rappellent des ondes Martenot. Venait la drolatique bulle de savon de Carter, qui gonfle, gonfle, et PAF! explose, et dont il ne reste plus qu'un picolo aérien. Dernière pièce de cette première partie, la création du compositeur tchèque Andreï Adamek, Endless Steps. On monte, on descend? Impossible de savoir, impossible aussi de s'arrêter. Une perte de repère totale, figurée par la superposition de différentes couches sonores notamment. L'œuvre, d'une grande puissance évocatrice, titille l'imagination de l'auditeur, c'est du classique contemporain parfaitement audible et même agréable à entendre, sans pour autant être vieux jeu.
L'entracte, je retrouve Simon qui avait pu entrer sans billet - ils se trouvaient en ma possession - en expliquant la situation.

Parterre, dernier rang, Boulez apparaît et donne le départ au basson solo du Sacre du Printemps de Stravinsky. Petit homme précis à la baguette minimaliste. Tout geste superflu doit être supprimé dit-il, et, en vérité, il ne s'embarrasse pas de mouvements inutiles. Rigoureux et humble, il me plaît bien plus que tous ces chefs qui brassent de l'air sans conviction, mais avec beaucoup de narcissisme.
Igor, mon maître incontesté du rythme, la densité palpable de la matière, la musique comme des cheveux emmêlés, les coups de timbale qui déchirent les tympans et résonnent douloureusement dans la tête. Les accents qui s'intensifient, la machine infernale avance, le destin païen est dans sa marche inexorable, les sons diaboliques cinglent l'air lourd de la salle, le tourbillon tourne de plus en plus vite, les battement de mon cœur suivent la cadence affolée, le sang se retire de mon corps pour se concentrer dans mon ventre, les oreilles sifflent, les ongles s'enfoncent dans le poignet droit, la respiration devient épaisse comme de la poix brûlante, la vision s'éteint par bribes. J'ai quitté mon siège, je suis une sorcière qui participe à ces rites de sang, l'ivresse de la mort dans des mouvements de danse du sabbat, les cris des damnés, tout tourne, tout fuit, je suis prisonnière des sons qui s'enroulent en fils barbelés autour de moi.
Tandis que la salle applaudit à tout rompre, j'essaie de me calmer. les mains tremblent, je ne peux rien faire d'autre que de les presser l'une contre l'autre. Les paupières clignotent, les lèvres frémissent, et cette boule qui me tord le ventre. Je me lève, c'est étrange, mes jambes, quoique un peu faibles, fonctionnent normalement. Mais dans la partie supérieure, c'est la débâcle, la Berezina: la circulation ne passe pas, les mots ne sortent qu'à moitié. A Simon qui me demande si ça va, je réponds "ça" et la suite reste bloquée dans la gorge.
Je n'avais encore jamais eu d'expérience semblable, et j'avoue que c'est assez flippant. Je ne sais pas jusqu'où je suis allée, mais j'ai frôlé les limites, il faudra être plus prudente à l'avenir.

Mais l'aventure continue, mes chers petits, puisqu'à la gare, mon dernier train n'y était plus. Batterie de mon portable à plat, il faut improviser. De fil en aiguille, avec quelques angoisses vite écartées, je tente un retour par chemins détournés, Olten dans un régional qui s'arrête à chaque arbre, Berne bondée d'adolescents ivres, et le dernier régional pour rentrer. J'ai terminé mon livre, lu la moitié de Faust alors que les yeux se fermaient déjà. Auparavant, j'ai voyagé face à l'un des trompettistes de l'orchestre, on se regardait en chien de fayence, moi son instrument, lui mon billet du concert qui me servait de marque page. Dans les rues j'ai croisé Jessica - combien d'années se sont écoulées depuis la dernière fois? - et Jon qui s'étonne de mes virées nocturnes. Plus tard, ce sera un verre de lait froid et un message pour assurer de mon arrivée à la maison, quelques vers de Goethe chuchotés dans la nuit. A deux heures, je règle mon réveil sur sept heures, la lumière fait clic! en s'éteignant.

[Ce matin, en allant à la gare, je croise une voiture, un retraité libidineux baisse la vitre de sa BMW pour savoir "tu vas où? Je peux te pousser - Merci, je ne vais nulle part, j'attends simplement des amis à la gare - Mais je peux te déposer, et puis on ira boire un café"
Est-ce que j'ai l'air d'une traînée*? Je me pose la question!]

Note: Je relirai l'article lundi, maintenant je ne peux plus, j'ai enchaîné une semaine à moins de six heures de sommeil par nuit, ma tête gémit et mes yeux sont enflammés des pages parcourues.
Bon dimanche.

*ndlr: vêtue de loques sans formes pour faire le ramassage du vieux papier, le jean trop court, l'écharpe délavée, le chandail distendu.

_____________
troisième photographie: Jean Barak (allez jeter un coup d'œil à son travail messager d'une remarquable émotion!)

jeudi 4 septembre 2008

Le Maître et Marguerite (Mikhaïl Boulgakov)

Auteur: Mikhaïl Boulgakov
Titre original: Мастер и Маргарита
Première parution: 1966
Traduction: Claude Ligny

Quatrième de couverture:

Écrit sous la terreur par un homme malade et désespéré, Le Maître et Marguerite a mis vingt-cinq ans pour s'imposer comme l'un des chefs-d'œuvre de la littérature russe et devenir un livre culte dont la construction diabolique n'a pas fini d'enchanter les lecteurs.
Comment définir le mythe? Les personnages de ce roman fantastique sont le diable, un écrivain suicidaire, un chat géant, Jésus et Ponce Pilate, la plus belle femme du monde... On y trouve des meurtres atroces et des crucifixions. C'est une satire acerbe, une comédie burlesque, une parodie politique, un poème philosophique dévastateur avec des fantômes et des transformations magiques.
Mais cette fantasmagorie baroque, ce film noir, cette vision d'apocalypse est aussi l'une des plus belles histoires d'amour jamais écrites.


Mon avis:*****
Je viens de tourner la dernière page à l'instant et en suis encore toute remuée.
Ce livre a tout pour me plaire: il se passe à Moscou, dans les années torturées d'un stalinisme sanglant, utilise force de symboles et références (notamment au romantisme allemand, au Faust de Goethe tout particulièrement, puisqu'il en est une sorte de réécriture actualisée), et enfin pose des questions d'ordre philosophique et métaphysique.
Vous finirez sans doute par me prendre pour une imbécile heureuse, puisque presque toutes mes lectures ne m'ont arraché que des oh! et des ah! de béate admiration, mais qu'y faire? Force m'est de vous présenter un nouveau chef-d'oeuvre, qui plus est un nouveau coup de coeur. Je vous parlais de Kundera et Dostoievsky 'avec des étoiles dans les yeux' (selon l'expression de Doudou), Boulgakov fait table rase et s'installe en maître absolu. Ou du moins se taille une place parmi eux, repoussant un peu Milan Kundera au passage.
Je ne vais pas vous servir de résumé, j'ai horreur de connaître l'intrigue avant de lire l'oeuvre - sauf peut-être pour les opéras, mais là c'est plus parce que s'il n'y a pas de sous-titres, ça devient chaud time pour comprendre qui est qui, qui fait quoi, et pourquoi (cf. la représentation de Giulio Cesare en avril). Toutefois, je vous mets en garde contre le quatrième de couverture, qui, à mon humble avis, n'incite pas nécessairement le lecteur potentiel à ouvrir le livre. En lisant ces lignes, j'ai reposé illico le bouquin dans l'étagère, m'attendant à trouver une sorte de Harry Potter bolchévique, et il se trouve que Harry Potter et moi ne sommes pas très amis. Les histoires de magiciens et sorciers, ce n'est définitivement pas ma tasse de thé. La faute peut-être à l'éducation littéraire un peu décalée que j'ai reçue?
Rassurez-vous donc: Le Maître et Marguerite n'est pas une histoire de ce genre, bien qu'il y ait bien sûr beaucoup d'éléments surnaturels. Le Maître et Marguerite, c'est tout d'abord la thèse de l'existence du mal comme preuve de l'existence du bien, une histoire d'amour sublime et passionnée sans tomber dans les clichés niais, une critique acide et très fine du vernis brillant dont le stalinisme recouvre da rouille et la moisissure.
Dans ce roman, il n'y a pas de place pour le pathos larmoyant, Boulgakov sait trouver d'autres moyens pour rendre son récit poignant et accrocher le lecteur qui passera de l'horreur au céleste et de la tristesse à la joie en éprouvant intensément chacun de ces affects.
Il faut lire absolument ce monument littéraire, l'Oeuvre de Boulgakov, celle dans laquelle il se projette dans sa vie d'écrivain torturé. Et je conseillerais la lecture préalable du Faust de Goethe (ce que je n'ai pas pu faire moi-même, puisqu'une fois que j'avais lu les premières pages, il m'a été impossible de mettre le livre de côté).

Merci, merci à ceux qui m'ont conseillé ce livre.
____________________
Ils ont lut et commenté:
Katell, Ezrine, Papillon

DVD Opera Review Mazeppa (Tchaikovsky)

Putilin, Aleksashkin, Loskatova, Diadkova
Kirov Opera, Chorus and Ballet, Gergiev
Philips, 1996

Je vous préviens, la note de ce jour risque d'être d'une subjectivité extrême: dès qu'il est question d'opéra russe, j'en perds totalement le nord, et si en plus il s'agit du duo Pouchkine-Tchaikovsky, dirigé par Gergiev, inutile d'espérer la moindre objectivité de ma part.
Therefore: sublime, ma bonne dame, su-bli-me!
Le livret de Mazeppa se base sur des écrits poétiques Poltava du grand Pouchkine, qui s'est lui-même inspirée de la vie du chef des cosaques (hetman) Mazeppa.
La vie romansesque de Mazeppa, un personnage historique redécouvert au XIXe, a inspiré une nombre de compositeurs, écrivains et cinéastes, tels Liszt (étude transcendante Mazeppa n°4 et poème symphonique du même nom), Byron (poème Mazeppa), Hugo (Les Orientales) et Pouchkine, ou encore les films de Illienko et Dudley.

L'opéra de Tchaikovsky, créé en 1884 au Théâtre Bolchoï à Moscou, se base donc du poème Poltava de Pouchkine. Il se construit sur 3 actes et réunit une distribution assez classique.

Qu'est-ce qui est sensationnel dans cet opéra?
Eh bien tout d'abord les chanteurs, pas très connus sous nos latitudes, mais apparemment très appréciés en Russie. Des voix russes généreuses, coulantes, lyriques et passionnées. Peut-être un peu forcée chez Larissa Diadkova, qui palie ses difficultés par un jeu très expressif.
Ensuite l'orchestre du Mariinsky, qui se livre entièrement à cette oeuvre profondément romantique. Il n'y a pas une imprécision, pas un registre qui étouffe les autres, rien. A sa tête, Gergiev et sa baguette impulsive, des gestes qui viennent du coeur et non de la tête. J'ai lu, je pense dans une critique de concert, que le chef titulaire du Mariinsky, c'était la 'force brute'. Et en effet, le petit caucasien (il est originaire d'Ossétie du Nord, je vous glisse cela en passant puisque cette région fait beaucoup parler d'elle en ce moment) dirige avec les tripes là ou d'autres font appel à leur intelligence. Et c'est cela, la force de Valery Gergiev: il laisse sa raison au vestiaire lorsqu'il dirige de la musique russe, qui plus est, de la musique Sturm und Drang. Car qu'y a-t-il de plus irrationnel et instinctif que les élans de l'âme russe - déjà très passionnée de nature - combinée avec les débordements du mouvement romantique?
Sans oublier l'union de Pouchkine avec Tchaikovsky, deux figures de proue dans l'histoire du romantisme russe, qui, on le voit déjà bien dans Eugène Onéguine, s'accordent à merveille, les mots de l'un renfoçant la musique de l'autre et vice-versa. Tchaikovsky écrit des duos d'amour renversant (Mazeppa et Maria, dans la deuxième scène du second acte) et on retrouve des accents de musique populaire et liturgique dans les choeurs , chantés avec tant de ferveur et d'intensité que cela fait frissonner (le choeur qui accompagne pa prière des condamnés, à la fin de l'acte deux). Ce sont peut-être les choeurs que j'aime le plus dans les opéras russes, et que nulle autre école ne sait rendre aussi profonds et généreux.

Bref, musicalement parlant, c'est tellement wahou! que même une mise en scène très réaliste et un jeu qui manque parfois cruellement de naturel ne peuvent rien contre elle. L'oeuvre est si sublime qu'elle capte toute notre attention, et on pourrait, somme toute, bien se passer de la mise en scène, la musique se suffit à elle-même.

(De toute façon, la langue russe étant la plus belle de toutes les langues jamais parlées, un opéra russe ne peut qu'être parfait.)

Allez, les copains, je retourne à Boulgakov, c'est trop bien! (Malheureusement j'arrive à la fin.) Et puis il faut que je travaille mon violon aussi, parce que - tu te rends compte?! - je joue la 5ème de Beethoven (oui, oui, celle qui commence par ta-ta-ta taaaaa)!