dimanche 31 août 2008

DVD Opera Review Oedipus Rex (Stravinsky)

Norman, Langriedge, Terfel, Tanaka Tokyo Opera Singers, Shinyu-Kai Chorus, Saito Kinen Orchestra, Ozawa Philips, 1992

NB: Ce sera normalement le dernier article posté un dimanche, puisque j'ai décidé ce matin de laisser non seulement mon portable éteint ce jour-là, mais aussi mon ordinateur. Et évidemment aucun travail le jour du Seigneur, mais des livres, du piano, des lettres, mon journal, des poèmes, des promenades, du thé.


Opéra-oratorio en deux actes de Stravinsky composé sur les poèmes Sophocle de Cocteau, traduits en latin par Jean Daniélou.

Une œuvre qui s'inscrit parfaitement dans les choix du compositeur russe de traiter des sujets à caractère païen (Le Sacre du Printemps, L'Oiseau de Feu). Donné pour la première fois en 1927, Oedipus Rex fut d'abord présenté sous forme d'oratorio à Paris et aux Etats-Unis et ne sera monté comme un opéra qu'à partir de 1928. Stravinsky associe des scènes dramatiques d'opéra, chantées en latin, à une narration d'oratorio, parlée dans la langue du public.
Pour cette production japonaise, j'ai donc eu droit à une narratrice en kimono et à la figure poudrée de blanc, et je dois dire que l'union latin-japonais n'est pas ce qu'il y a de plus heureux sur terre, les deux langues n'ayant aucun rapport entre elles, alors que dans notre monde occidental, le latin fait partie du passé collectif, non seulement dans les cultures dites 'latines', mais jusque chez les Germains, lesquels ont gardé jusqu'à ce jour des expressions latines dans le langage courant (stante pede, litt. stehenden Fusses, 'de pied levé' (immédiatement), ou encore le verbe stehen (se tenir debout), qui vient à coup sûr du verbe latin stare, qui porte la même signification. Mais trève de tribulations linguistiques et éthymologiques!) Ormis donc ce décalage entre le latin des chanteurs et le japonais de la narration, un autre point linguistique m'a frappé: le choix de Stravinsky de faire traduire les vers de Cocteau en latin, alors qu'Oedipe fait partie des tragédies grecques! Il semblerait qu'il aie tout naturellement songé au grec ancien - une langue aux accents si exquis! - avant de jeter son dévolu sur le latin un medium qui, selon Stravinsky, n'est pas mort, mais changé en pierre. On retrouvera d'ailleurs cette association à la pierre dans la mise en scène, mais j'y reviendrai. Le compositeur concentre son attention sur les passages dramatiques de la tragédie, épurant l'intrigue, pour ne garder que les dialogues. Les actions principales sont confiées au récitant, de sorte qu'il en résulte des tableaux scéniques extrêmement statiques - d'où le côté oratorio de la pièce.
Ce caractère figé, dénué d'action, se retrouve à plus petite échelle au niveau des personnages. Tous portent des costumes imitant de statues païennes - en pierre - et ne bougent que la tête et les bras, immobiles comme des pierres. Seuls les messagers sont vêtus 'normalement' et se meuvent librement. La rigidité de la pierre se retrouve dans la musique de Stravinsky, tant au niveau du rythme, que de l'harmonie, simplifiée à l'extrême, du moins si l'on compare avec les autres pièces du compositeur.
Une oeuvre qui mise gros sur la symbolique. Ceux qui me connaissent un peu savent que j'ai un faible très certain pour les allusions de ce type, tant dans la littérature que dans l'art, la musique et le théâtre (donc non, je ne m'ennuie jamais dans un opéra de Wagner), parce que c'est comme une barque sans fond: il reste toujours quelque chose à découvrir. Je peux lire Le Maître et Marguerite une fois par jour pendant vingt ans, il me restera encore des aspects inconnus à trouver. C'est post-mégalo dantesque! Mais je fais encore une digression...
La mise en scène de Julie Taymor combine l'action d'une Grèce encore très archaïsante avec des décors qui rappellent les décombres de la Seconde Guerre Mondiale, tout particulièrement dans le premier choeur Caedit no pestis, durant lequel on voit des corps sans vie, squelettiques, les yeux ouverts d'étonnement dans une mort survenue si vite qu'ils n'ont pas eu le temps de comprendre ce qui se passait. Hiroshima dans Thèbes. Des images d'une violence brute que j'ai eu peine à supporter. Maquillages et costumes transforment les chanteurs et danseurs en troupes de mort-vivants loqueteux, faméliques et d'un beige sale, tandis que les caractères principaux se parent d'éléments de cultes païens primitifs.
La splendide Jessye Norman meurt dans une scène de suicide qui coupe le souffle, l'affreux pantin, miroir d'Oedipe, laisse là son armure d'innocent inconscient de sa faute et, nu et aveugle, quitte Thèbes en rampant, alors qu'une pluie bienfaisante, dont le doux bruissement sonne comme une délivrance, purifie la ville et ses habitants, lavés de leur grimage crasseux.
Un chef d'oeuvre avec une distribution excellente, soutenue par la main de fer du chef japonais Seiji Ozawa.
A voir absolument.
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Pour approfondir, il y a une brève analyse intéressante ici.

jeudi 28 août 2008

DVD Opera Review: La Cenerentola (Gioachino Rossini)

Von Stade, Araiza, Montarsolo, Desderi
Orchestra e coro del teatro alla Scala, Abbado
Deutsche Grammophon, 2005

En lavant le carrelage de la cuisine, il y a de cela quelques jours, j'écoutais Radio Swiss Classic, qui diffusait justement l'ouverture de La Cenerentola de Rossini. Un opéra que je connaissais très mal, exception faite de l'ouverture si entraînante, comme toutes les ouvertures de Rossini finalement. Quelques années plus tôt, je jouais une composition pour piano à quatre mains intitulée La Cenerentola, et qui, aux dires de la compositrice - Borislava Taneva, pianiste, compositrice et professeur bulgare, qui me donnait des cours lors de mon stage de musique de chambre en Bulgarie en 2005 et 2006 - s'inspirait grandement de l'opéra de Gioachino Rossini. A ce moment-là, j'avais dû la croire sur parole, la musique de ce conte m'étant encore parfaitement inconnue.
La Cenerentola était ensuite à l'affiche du répertoire de musique du XIXe à savoir pour l'examen d'histoire de la musique, et là, comme pour tous les opéras de Rossini, impossible de reconnaître les airs et encore moins de les ordonner dans l'oeuvre. Si j'étais tombée sur cet opéra lors de l'examen, j'aurais tout au plus pu bégayer ...Rossini...? et prier pour que le hasard me fasse prononcer le bon opéra. J'avais donc eu la lumineuse idée d'allier le visuel à l'auditif, pour me mettre ces airs dans la tête, once and forever, et de regarder l'opéra en question.
Seulement... Voilà.
Sept mois plus tard, par un après-midi frileux d'août, un bol de thé vert brûlant, et les rires en regardant l'opera-buffa de Rossini.
Musicalement parlant, je me suis plus raccrochée à l'orchestre, mené par la main à la fois passionnée et réfléchie du maestro Claudio Abbado. Des phrases généreuses, de la précision dans les détails, musicalité et technique s'allient dans une harmonie parfaite. Du côté de la scène, aucun chanteur ne m'a réellement convaincu. Tout au plus le Principe, avec un ténor très doux (la voix qui serait celle qu'a, dans mon imagination, le loup dans Le petite Chaperon Rouge après avoir mangé de la farine pour changer de voix), et les deux soeurs, qui ont l'avantage d'être aussi très bonnes commédiennes, sans peur du ridicule. Quant au personnage principal, Cendrillon, je l'ai trouvé trop pathétique, mal à l'aise dans les passages virtuoses typiques de Rossini, et franchement métallique dans les graves. Le beau-père a une voix typique de basse d'opéra bouffe, maladroite et comique (tollpatschig), et des mimiques incroyables. Il dégage une énérgie débordante et se prend au jeux avec un plaisir évident, ne laissant pas une occasion passer pour faire une nouvelle grimace. Peut-être est-ce un peu primaire, mais qu'est-ce qu'il est drôle!
Un petit bémol toutefois pour la mise en scène, dans laquelle les protagonistes tournent trop souvent le dos à la caméra, cette même caméra qui nous montre en détail la Scala de Milan pendant toute l'ouverture, alors qu'on aimerait tout de même apercevoir, ne serait-ce qu'une seule fois au moins, le visage de Claudio Abbado...
Et puis un opéra joué apparemment sans public, c'est si triste!

mardi 26 août 2008

Voyage au bout de la nuit (Louis-Ferdinand Céline)

Auteur: Louis-Ferdinand Céline
Titre original: Voyage au bout de la nuit
Première parution: 1952
Traduction: -

Quatrième de couverture:

- Oh! Vous êtes donc tout à fait lâche, Ferdinand! Vous êtes répugnant comme un rat...
- Oui, tout à fait lâche, Lola, je refuse la guerre et tout ce qu'il y a dedans... Je ne la déplore pas moi... Je ne me résigne pas moi,,, Je ne pleurniche pas dessus moi... Je la refuse tout net, avec tous les hommes qu'elle contient, je ne veux rien avoir à faire avec eux, avec elle. Seraient-ils neuf cent quatre-vingt-quinze millions et moi tout seul, c'est eux qui ont tort, Lola, et c'est moi qui ai raison, parce que je suis le seul à savoir ce que je veux: je ne veux plus mourir.



Mon avis: **
Il m'aura fallu beaucoup de volonté pour persévérer dans la lecture du célèbre des romans de Céline. L'atmosphère extrêmement glauque et nauséabonde des récits, le style d'écriture très langage parlé à la Petit Nicolas (Même à déboucher les cabinets, elle devait souvent renoncer, la mère Cézanne tellement c'était difficile au lieu de C'était si difficile de déboucher les cabinets que la mère Cézanne devait même renoncer à faire cela et C'est tout à fait comme ça! que m'approuva Arthur (...) "J'vais voir si c'est ainsi! que je crie à Arthur), style enfantin qui fait tout le charme des histoires du Petit Nicolas (dont je suis d'ailleurs une très grande fan, soit dit en passant, et sans la moindre honte, bien que j'ai passé l'âge de lire cela), mais que je trouve décidément insupportable dans un roman noir comme l'est Voyage au bout de la nuit. Cela donne une touche de gaité juvénile à un narrateur qui est tout sauf joyeux et innocent.
Là où les romantiques usaient de pathos parfois grandiloquent en puisant dans le champ lexical de la douleur, du déchirement et de la souffrance, Céline nous submerge de moiteur, d'odeur d'entrejambe, de pulsions charnelles, de transpiration et de déjections, substituant à la noblesse de la souffrance la bassesse du dégoût. Voyage au bout de la nuit n'est pas écrit mais vomi, on répugne à le tenir dans ses mains, on se sent devenir sale à sa lecture, comme si la boue, la sueur et les excréments nous collaient à la peau à la simple vu des mots.
Cette puanteur qui hante le roman vient souiller des idées qui sont parfois finement pertinentes, mais au-dessus desquelles on passe le plus vite possible, pour éviter que la mauvaise odeur ne s'imprègne dans nos vêtements. C'est un peu dommage. Céline en fait trop à mon goût. Le roman devient une sorte de cauchemar d'un homme névrosé. Peut-être est-ce là le but de l'œuvre, toujours est-il que je n'ai pas aimé et que c'est avec un énorme soulagement que j'ai tourné la dernière page pour ouvrir la porte sur la Moscou de Boulgakov.
Il n'en demeure pas moins que le Voyage au bout de la nuit fait partie intégrante des classiques de la littérature française, et que je conseille à tout le monde de prendre sa croix et de lire au moins une œuvre de Céline.

samedi 16 août 2008

{Montpellier} Rendez-vous de 18h - Musique de chambre enchanteresse

Cet après-midi, le vent sur la terrasse, un café dans ma tasse 'élan' reçue par la Gandoyette à Noël, et le dernier volet de ma série Lavinie à Montpellier. Pour ce dernier article, je regrouperai les deux derniers concerts qu'il me reste à vous raconter, deux excellents moments passés avec le Quatuor Psophos d'abord, puis le Trio Dalí.
Chronologiquement, ces deux concerts étaient, avec le récital de Gabriele Carcano, dans les trois premiers auxquels j'ai assisté. Toutefois, pour faire un peu de psychologie, j'ai choisi de terminer sur un bon souvenir, puisque dans la réalité temporaire, le niveau des prestations est plutôt descendu au fur et à mesure des concerts.

Quatuor Psophos
Lisa Schatzman, violon
Bleuenn Le Maitre, violon
Franck Chevalier, alto
Eve-Marie Caravassilis, violoncelle.

Claude Debussy
Quatuor à cordes en sol mineur op. 10

Edvard Grieg
Quatuor à cordes n°1 en sol mineur, op. 27

Quatre jeunes et bons musiciens, dans un équilibre un peu cliché de leur formation: un premier violon très très active et dynamique, deuxième violon très discret. Néanmoins, Lisa Schatzman possède une belle énergie et sait conduire le quatuor avec beaucoup de conviction, dans des interprétations toutes en finesse et en intelligence.
J'avais déjà eu l'occasion d'entendre le quatuor de Debussy quelques mois auparavant, en Suisse, à Marin, concert durant lequel je m'étais par ailleurs copieusement ennuyée. L'alto de cet ensemble avait du être remplacé ad hoc pour cause d'inflammation à l'épaule, et la formation se retrouvait déséquilibrée par un membre 'externe', qui de plus, galérait un peu dans ce programme monté en une semaine seulement. Debussy ne m'avait donc pas spécialement marqué, manquant de conviction à mes yeux.
Le quatuor Psophos quant à lui, fort d'un travail d'ensemble de plusieurs années déjà, s'est montré à la fois très uni et très décidé. Avec eux, on sait où on va et pourquoi on y va. Les musiciens possèdent une bonne écoute qui leur permet l'unité parfaite jusque dans les pianissimi les plus délicats. L'équilibre entre les registres est lui aussi très satisfaisant, il n'y a jamais un instrument qui cherche à tout prix à dominer les autres (j'ai le souvenir des pizz d'un violoncelle beaucoup trop puissant à Marin). Le seul bémol est le décalage entre les violons I et II, le premier violon un peu trop présent - non pas forcément au niveau sonore, mais dans la présence scénique - et second trop transparent. Quelque fois, la verve de Lisa Schatzmann lui donnait un son un peu criard et acide. Mais voilà, ceci juste pour trouver quelque chose à redire à un concert qui était excellent, clos par un Grieg vraiment magnifique, lyrisme éclatant et saveurs cristalline nordiques. Un Grieg au pays des fées.

Trio Dalí
Vineta Sareika, violon
Christian-Pierre La Marca, violoncelle
Amandine Savary, piano

Franz Schubert
Trio pour violon, violoncelle et piano en Mi bémol Majeur D 929, op. 100
Maurice Ravel
Trio pour violon, violoncelle et piano en la mineur

Je ne vais pas vous parler de Ravel, simplement parce il a été complètement éclipsé par la performance magistrale du trio op. 100 de Schubert.
Le groupe partait déjà sur un très bon a priori de ma part: déjà, la formation violon, violoncelle et piano est pour moi la plus belle formation de musique de chambre, qui réunit tous les éléments nécessaires à un parfait équilibre: le violon et le violoncelle pour le lyrisme, le piano pour le cadre rythmique. La sagesse du violoncelle, l'insouciance juvénile du violon. Et ensuite, parce que Schubert, c'est Schubert, et que sa musique de chambre est l'une des plus belles que je connaisse, elle est vraiment conçue pour des musiciens qui font de la Hausmusik entre amis, sans prétention. Elle garde un caractère très intimiste, très simple.
Pourtant, je ne crois pas que ce préjugé certes très favorable déforme mon jugement.
Je possède un bon enregistrement de ce trio (Stern-Rose-Istomin), j'avais donc déjà entendu le top du top, il fallait donc y aller sérieusement pour m'étonner. C'est chose faite avec le Trio Dalí. Une cohésion parfaite, une amitié que l'on perçoit entre ces trois jeunes musiciens, des regards complices, une compréhension mutuelle qui va jusqu'à une certaine forme d'anticipation. Une pianiste très énergique (et un touché perlé à vous faire pâlir d'envie!), un violoncelle décidé, une violoniste - inouï! - à peine trop effacée. La grande force de cette formation sont les traits piano, dans lesquelles ils savent descendre au seuil de l'audible, tout en finesse, délicatesse et intensité. Mais les passages d'un lyrisme déjà tout à fait romantique ne sont pas pour autant à laisser de côté, passionnés et joués avec cette sonorité si pleine et si riche qui est la leur.
Dommage que ce trio de Schubert ait une fin! Leur interprétation était si éclatante que j'ai dû m'assoir sur mes mains pour ne pas applaudir à la fin du premier mouvement déjà. Et ce n'est pas là une métaphore.
Je crois que je vais m'arrêter ici, sinon vous allez croire que je suis payée pour leur faire de la pub. Mais vraiment, vraiment: le Trio Dalí, je vous conseille vivement de vous en souvenir, et s'il se présente à vous l'occasion de l'entendre, courez, mes amis, courez!

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Photos prises ici et ici.

vendredi 15 août 2008

Im Schlaraffenland (Heinrich Mann)

Auteur: Heinrich Mann
Titre original: Im Schlaraffenland: Ein Roman unter feinen Leuten
Première parution: 1900
Traduction: -


Quatrième de couverture:

Ein Aussenseiter dringt in die Welt von Macht und Reichtum ein und lernt das Zusammenspiel von Kunstbetrieb und Kommerz kennen, die Mechanismen einer Gesellschaft, deren einziges Bindemittel das Geld mit seinen Möglichkeiten ist.



Mon avis:
Génial!
J'ai retrouvé le cynisme de Heinrich Mann, que j'avais découvert dans Der Untertan. Critique de cette société décadente, qui se débauche comme elle respire. liberté de moeurs, corruption, mensonge, soif de pouvoir et hypocrisie sont autant de thèmes qui apparaissent dans ce roman de l'aîné des frères Mann.
J'ai réalisé aussi qu'à force de lire des oeuvres de cette période, j'en viens à pouvoir tracer des parallèles entre ces œuvres, leur influence sur les contemporains, chose que je trouve très agréable. A titre d'exemple, je vous parlais il y a peu des Weber de Hauptmann, or, dans Im Schlaraffenland on assiste à une représentation qui s'inscrit parfaitement dans ce style de drame social(iste) à la Hauptmann: Un soir, le jeune Andreas Zumsee, jeune poète qui a su s'attirer les faveurs de la femme qui tient l'un des salons les plus en vogue, est invité par cette Frau Türkheimer à la première de Rache!, la pièce qu'il faut absolument avoir vu. Heinrich Mann nous rapporte l'intrigue, qui ressemble étrangement aux Weber. Coïncidence?
J'ai trouvé ce roman plus soft que Der Untertan, qui affiche un cynisme acéré, presqu'un peu trop à mon goût. Dans les dernières lignes de Im Schlaraffenland, l'ange déchu Andreas Zumsee a appris sa leçon et gagné en sagesse:
Er [Andreas] sah ihnen nach. Adelheid lehnte gemächlich, in der schönen Fülle ihrer gesättigten Existenz, neben Liebling, wie sie ehemals an seiner eigenen Seite geruht hatte. Unter dem schwarzen Spitzen Schleier schimmerte ihr Gesicht breit und mattweiss, eine üppige Verführung. Er trat vom Fenster zurück, erblasst und zitternd. 'Das habe ich davon', flüsterte es in ihm. 'Begierden, nicht zu stillen, und eine endlose Reue.' Es galt, sich zu beherrschen, die anderen verabschiedeten sich. "Viel Vergnügen!" rief Kaflisch ihm zu. Er schob sie zur Tür hinaus. "Soviel ist sicher, die Herrschaften sehen elle recht glücklich aus", sagte Köpf. "Kunststück! Im Schlaraffenland sind immer alle glücklich", sagte Kaflisch. "Dumm, ruchlos und glücklich. Meinen Segen haben sie", sagte Andreas.

{Montpellier} Soirées Ciccolini et Foster. Et l'orchestre national de Montpellier.

Pour ne pas traîner ce volet consacré au Festival Radio France de Montpellier jusqu'à la Noël, voici l'avant-dernière (l'antépénultième, comme disait, fort justement, mon professeur de mathématiques du collège) notule à ce sujet.

Orchestre national de Montpellier
Languedoc-Roussillon

DIRECTION
Lawrence Foster

Aldo Ciccolini, piano

MOZART
Stanislav Vitart, ténor

SALIERI
Konstantin Gorny, basse

Wolfgang Amadeus Mozart
Concerto pour piano et orchestre n°23 en La Majeur KV 488
Concerto pour piano et orchestre n°20 en ré mineur KV 466

Nikolaï Rimski-Korsakov
Mozart et Salieri, scène dramatique pour ténor, basse et orchestre
Livret de Alexandre Pouchkine

Après avoir entendu le magnifique Impromtpu en la bémol mineur (une belle version de João Pires ici)de Schubert que Ciccolini avait donné, en bis je crois, lors de son récital au Festival, l'été passé, je misais gros sur cet habitué du Corum. Bien mal m'en a pris, car si on peut sans autre attendre d'un Brendel ou d'un Kissin qu'ils vous décrochent la lune, Ciccolini ne peut (plus?) prétendre à cela.
Certains l'ont très vertement critiqué à l'issue du concert, rappelant qu'il n'était qu'un petit pianiste, inconnu des grandes scènes. Peut-être. Mais cela ne l'a pas empêché de faire de très beaux enregistrements, notamment de Satie et Ravel. A mon humble avis, cette critique virulente ne doit pas s'appliquer à l'art en général d'Aldo Ciccolini, mais plus à cette seule performance de ce samedi 26 juillet. Ciccolini se fait vieux, il a passé le cap des 80 ans il y a deux ans déjà, et si la dextérité suit encore plus ou moins, sa mémoire commence à lui faire défaut. S'ensuit un jeu très superficiel, dû à l'effort sans doute considérable qu'il a dû fournir pour s'éviter le blanc total. Certains traits joués main droite seule, la main gauche ne sachant où se placer, et toujours ce contrôle intellectuel qui l'empêche de laisser la musique s'échapper de ses doigts.
Le seul moment d'illumination aura été un passage dans le célèbre adagio du concerto n°23. Dommage.
Comme l'a dit très justement un ami, Ciccolini a eu droit à une standing ovation car il est la grande effigie du Festival de Montpellier. S'il avait été un jeune pianiste, il aurait été sifflé.
Un point qui n'aura certes pas aidé le pianiste est l'orchestre national de Montpellier. Bien que possédant quelques belles personnalités, on ne fait pas un bon orchestre avec trois musiciens aussi excellents soient-ils, et cet ensemble en est malheureusement un bon exemple. Canards répétés dans les vents, problèmes d'intonation dans les cordes et surtout un manque de précision rythmique assez phénoménal. Chacun joue son trait au petit bonheur de la chance, si cela tombe sur le départ donné par le chef, tant mieux, sinon, tant pis. Pas d'unité, pas d'implication, pas de coordination. Il faut en rire, pour ne pas devoir en pleurer.
L'orchestre se dandine mollement entre les différents caractères du concerto n°23, que la baguette autoritaire d'abord, puis de plus en plus suppliante ne parvient guère à réveiller. Dans le troisième mouvement, Ciccolini tente désespérément d'imposer un tempo plus vif, soutenu par un Lawrence Foster totalement impuissant face à cette masse amorphe.
La scène s'est répétée pour le concerto n°20, mon préféré. Moi qui, après la version beethovenienne de Kissin, étais curieuse de voir comment Ciccolini aborderait ces pages dramatiques (je me doutais bien qu'il n'aurait pas l'approche Sturm und Drang de Kissin et Kremerata Baltica), j'ai été servie: le credo semblait être on essaie de partir tous ensemble et d'arriver plus ou moins en même temps à la fin. Et pas trop d'émotion, sinon on risque de se perdre en route.
C'est triste.

Au beau milieu du programme trônait la mise en musique du drame de Pouchkine Mozart et Salieri. Pièce qui a le malheur d'être chantée en russe, langue qui est, comme chacun le sait, la plus belle jamais parlée. J'étais donc littéralement scotchée aux lèvres des deux chanteurs, pour m'imprégner de ces sons et tenter de reconnaître le plus de mots possible. Plus concentrée en somme sur la musique de Pouchkine que sur celle de Rimski-Korsakov. Je sais, c'est mal, très mal. Et impardonnable pour une étudiante de musicologie. Vous avez toutes mes plus plates excuses.
De ce que j'ai entendu de la musique, il y a beaucoup de pastiches d'œuvres de Mozart qui s'insèrent pour refléter les propos des chanteurs, par exemple quelques mesures du Requiem alors qu'entre Mozart et Salieri, il est justement question du Requiem (qui se dit pareil en russe, comme c'est bien!).
Au niveau des chanteurs, je me souviens avoir bien aimé la basse profonde et chaleureuse de Konstantin Gorny, alors que j'avais plus de réserve pour le ténor un peu étranglé de Stanislav Vitart.
Une chose est sûre pourtant, la pièce de Pouchkine m'a paru, du peu que j'en ai compris, très intéressante, et a de ce fait rejoint ma liste de livres à lire.

mardi 12 août 2008

DVD Opera Review: Der Rosenkavalier (R. Strauss)

Lott, von Otter, Bonney, Moll, Hornik
Chor und Orchester der Wiener Staatsoper, Kleiber

Deutsche Grammophon, 1994

Auch diese Oper hatte ich vor über einem halben Jahr angefangen, nähmlich nach einer meiner Vorlesungen über die deutsche Literatur des Fin de Siècle. Pr. Würffel hatte deise Oper mehrmals erwähnt, und da fühlte ich mich dann auch verpfilichtet, als Musikwissenschaftsstudentin, diesen Rosenkavalier anzuschauen.
Gesagt, getan - oder fast. Zumindest 6 Monate nach der Prüfung (aber ich studiere ja nicht der Püfungen wegen).

Meine Meinung:*****
Absolute Spitze!
Top Sänger, und Orchester, Chor und Dirigent muss man auch nicht mehr vorstellen. Nein, wirklich, alles ist da: schöne Musik, Humor, wiener Esprit, Schauspielkunst, alles.
Drei wunderschöne Frauenstimmen, die sich zum schluss in einem bezauberndem Trio voller Lyrik zusammen finden, und wenn's bei den Männer nicht so um hübsches singen geht, dann haben sie genau die charmante wiener Leichtigkeit die es für diese Rollen braucht.
Der Rosenkavalier - Strausses letzte Oper - wendet sich der grosse Richard von seiner stark chromatischen Tondichtung wie wir sie z.B. in Also sprach Zarathustra kennen ab zu einem Neoklassischem Stil, den er am Ende seines Lebens bevorzugt hat. Diese amüsante 'Komödie für Musik' ist desshalb für empfindliche Ohren eine gute Eingangstür in die Opernwelt. Später geht's vielleicht aber doch noch spannender (auch im wahrsten Sinn des Wortes!) in Salome oder Elektra zu. Mir jedenfalls gefallen diese gewagten und bewegten Opern noch besser. Doch gewiss sieht mann im Rosenkavalier ganz deutlich, wie es in Wien in der Jahrhundertwende zu und her ging.
Wie gesagt: eine sehr angenehme und unterhaltsame Oper, perfekt für ein regnerischer Sonntagnachmittag.

{Montpellier} soirées Choeur de la Radio Lettone

Gioachino Rossini
Petite Messe solennelle
version originale pour solistes, 2 pianos, harmonium et choeur

Kady Plaas, soprano
Ieva Parsha, alto
Mati Turi, ténor,
Gundars Dzilums, basse

Dace Klava, piano
Agnese Eglina, piano
Ilze Reine, harmonium

Sigvards Klava, direction

vendredi 25 juillet 2008, Opéra Berlioz, le Corum

Au levé, un texto et Dodoré me demande si le concert de Rossini le soir-même m'intéresse. Bah évidemment! Ainsi, grâce à une chouette amie de ma Dodoré, qui travaille comme ouvreuse au festival, nous avons reçu des invitations pour ce concert donné par le Chœur de la Radio Lettone.

Assis à l'orchestre, au fond, à côté de deux affreuses mégères... Une parenthèse s'impose, histoire de vous faire rigoler un peu:
Deux dames, la cinquantaine, très trendy -fashion (imaginez, nous à côté, sages étudiantes!...) prennent place à côté de moi. L'une - celle qui est immédiatement à côté de moi, la 'pire' naturellement - maigre, bronzée au point qu'elle en est noire comme un morceau de charbon, tout de blanc vêtu, de l'ample jupe style bohémien jusqu'aux 3 énormes bracelets de plastic neige qui s'entrechoquent dans un boucan de tous les diables, diffuse une importante dose de parfum lourd et sucré à chaque mouvement. Elle sort ses lunettes de soleil, parce que ces lumières sur la scène, ça m'éblouit. Soit. A peine installée, la voilà qui critique à tout va ses connaissances présentes dans le public de ce soir, ce vieux monsieur avec sa veste rose flashy, l'espèce de Barbie, non mais tu as vu ses cheveux?!, et j'en passe et des meilleures. A l'entrée des chanteurs, quelques brefs toussotement se font entendre, les grattement de la gorge dont on se débarrasse encore vite avant le début du concert. Tout de suite la riposte à ma gauche, bien audible (madame, le chef est en train de se concentrer pour donner le départ...): ah ça y est! ça recommence! Et qui a chuchoté durant tout le concert? qui a fait un bruit terrible avec ses bracelets en plastique blanc? Qui a toussé pendant le concert? qui a improvisé un solo de maracas avec sa boîte à bonbons? Lady in white à ma gauche. Ces vieux, vraiment, quelle plaie!
Bref, revenons à nos Lettons.

J'avoue que j'ai eu un peu de peine avec la formation très inhabituelle de cette messe, du moins dans un premier temps. Mais finalement, on s'y fait vite et bien. Quelques flops du côté des pianistes, qui ont tout de même fait un grand travail de coordination puisque les deux pianos se passent les motifs comme les joueurs de tennis se passe la balle, et gare à celui qui la laissera passer.
Du côté des solistes, c'est vite fait: je n'ai pas aimé les hommes, basse et ténor qui forçaient dans les graves et les aigus, les femmes n'étaient pas exceptionnelles non plus, ma préférence allant à l'alto qui avait un beau timbre et se détachait bien du chœur, tandis que la soprano, qui semblait avoir une belle voix claire, se fondait trop dans la masse. Qu'elle cesse de se cacher derrière sa mèche blonde, qu'elle relève la tête et qu'elle chante à pleine voix, et ce sera parfait, les capacités sont là.
Le clou de la soirée, c'était le chœur, qui passe pour être l'un des meilleurs d'Europe. Et de fait, il possède de belles voix, une unité et un équilibre parfait entre les registres, de l'aisance, de la précision et de la passion. Les choristes savent partager une belle émotion, et malgré l'absence d'orchestre - on me dira ce que l'on veut, mais deux pianos et un harmonium ne remplacent pas un orchestre - ils ont su capter notre attention tout au long de ce concert, qui n'était pas aussi petit que le titre de petite Messe solennelle le faisait croire. Petite par sa distribution, grande par sa richesse et sa longueur. Et puis belle aussi.
Et ce chœur!...

[Vous avez vu les noms bizarres qu'ils ont? Peut-être que je suis Lettone, en fait.]

lundi 11 août 2008

DVD Opera review: Samson & Dalila (Saint-Saëns)

Domingo, Borodina, Leiferkurs
The Metropolitain Opera Orchestra and Chorus, Levine
Deutsche Grammophon, 1998


Une nouvelle rubrique, dans laquelle je me propose de visionner - le plus régulièrement possible, je l'espère! - des DVD d'opéras et de noter en quelques mots mon avis sur ledit DVD.

Ce soir, après une journée à l'image de la météo gris monotone, j'ai décidé qu'il était temps de terminer enfin l'écoute de Samson et Dalila, de Camille Saint-Saëns, dont j'avais visionné l'act I et le début de l'acte II il y a plus de deux mois - what a shame.
Chose faite. Dans le jour humide qui baisse doucement, en tailleurs sur mon lit, un bol de thé des écrivains allemands, avec le casque pour un son meilleur.

Mon avis: *****
Vu la flamboyante distribution - le luxe de se payer René Pape dans un petit rôle secondaire! - je ne risquais certes pas une grande déception. Je n'ai donc rien à redire à cette production du Metropolitain Opera, mais j'aimerais tout de même souligner les belles choses.
Tout d'abord la mise en scène. Une scène assez dépouillée, épurée, jouant avec les couleurs, les ombres et les lumières, avec un petit côté symboliste que j'apprécie toujours. De beaux contrastes entre les tableaux de masse et ceux où les personnages sont seuls, en réussissant à bien séparer les caractères importants de la foule, respectivement à faire vivre l'espace vide.
Avec toujours le bleu pur et austère des Juifs, de la Loi et de la rigueur, et le rouge sensuel et érotique des Philistins, de leurs orgies et leur débauche aussi sucrée que leur hydromel.
Olga Borodina au lyrisme époustouflant, Sergei Leiferkurs âcre et machiavélique, et enfin Plácido Domingo dans sa top forme, passionné, déchiré, sa voix se faisant le miroir de son personnage dramatique, avec aisance, naturel et conviction.
Venait un orchestre dirigé par la main experte et précise du grand James Levine, qui n'a pas son pareil niveau charisme, pour coordonner autant de monde à la fois.
Quant à la musique de Saint-Saëns, elle est très riche par sa diversité, avec des accents orientaux qui donnent envie de danser, des dialogues intenses et des airs d'un lyrisme à faire pleurer jusqu'à votre poisson rouge. Saint-Saëns, dans toute sa diversité et sa liberté que lui confère son absence de style propre.
Vraiment, vraiment: une magnifique interprétation de l'opéra de Saint-Saëns.

samedi 9 août 2008

Questo silenzio ombroso qui m'est resté si indifférent pendant plus d'un an

Une petite note rapide pour vous dire que j'ai enfin trouvé la motivation de m'atteler à la mise par écrit de la présentation de mon analyse de la cantate de Scarlatti (Alessandro, l'Italien, pas son pote espagnol Domenico avec son petit clavecin bling-bling).
Le miracle est le suivant:

La voix magnifique de Sandrine Piau, découverte dans Handel et Vivaldi, et immédiatement associée à la pureté baroque.

Je parle de miracle, car c'est effectivement de cela qu'il s'agit: lors de ma présentation, en avril de l'année passée, je m'énervais tant sur la partition manuscrite, écrite en clés de fa, d'ut première et d'ut troisième, afin de déterminer les tonalités, que cette cantate ne faisait rien de plus que de m'exaspérer au plus haut point. En plus, ladite présentation avait lieu la semaine après les vacances de Pâques, une semaine avec des températures très douces et du soleil du matin au soir, que j'avais dû sacrifier pour mon bureau austère et cette idiote de Phyllis qui s'imaginait que je n'avais rien de mieux à faire que d'écouter ses jérémiades sur son Philène.

Grâce à un fichier sonore que mon amour d'ordinateur ne veut plus lire et à Sandrine Piau, me voici donc frétillante et papillonnante, prête à me replonger dans cette cantate.

Peut-être que je vous ferai découvrir la pièce au fur et à mesure de l'avancement de mes recherches. Peut-être pas.
Wait and see.
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A. Scarlatti, Questo silenzio ombroso, Piau / Lesne, part I
Ibidem, part II
Ibidem, part III
Sandrine Piau, photo trouvée ici

mardi 5 août 2008

{Montpellier} Rendez-vous de 18h - Gabriele Carcano

Un récital qui réunissait des pièces sombres de Skrjabin et Liszt pour se terminer sur la transparence lumineuse de Debussy.
Deux Poèmes, suivis de la sonate n°9 Messe Noire de Scriabin, Trauergondel et Ballade n°2 de Liszt et des extraits des Images, Livre I ainsi que Masques, D'un cahier d'esquisses et L'Isle joyeuse de Debussy.

Un beau moment, en particulier la première partie. Gabriele Carcano sait nous tenir en suspens et nous mène où il en a l'envie. On sent un engagement très marqué, qui se communique au public, noyé dans les frissons glacés, parfois violents, de la Messe Noire et de la Gondole lugubre. Sa sonorité pourrait encore s'arrondir, être plus consistante, plus 'visqueuse' pour ainsi dire, surtout dans ces pièces très physiques d'un romantisme dramatique déjà très chromatique.
La légèreté du son s'adaptait par contre à merveille avec l'apesanteur de Debussy, qui s'évaporait dans l'air de la salle Pasteur comme les effluves de parfum s'évanouissent dans le ciel. Un Debussy qui n'était qu'une esquisse, une allusion, sans s'imposer, délicat, vaporeux, jamais trop insistant. Des images qui défilent doucement et s'estompent sans bruit.

Autant j'ai été comblée par la partie macabre qui prend à la gorge et nous donne presque la fièvre, avec cette musique charnelle que l'on croit distinguer dans la salle, telle une grosse bacchante qui exécute une danse démoniaque pour nous séduire et nous éconduire, autant j'ai apprécié la seconde partie, si bien rendue par le jeune pianiste qu'elle lui semble faite sur mesure. Malheureusement, Debussy n'est pas mon meilleur ami, cette indécision, cette absence de tension finit assez rapidement par m'agacer. Sans doute, j'aurais été dans le parti des décadents et disciples de Schönberg plus que du côté des impressionnistes (qu'il ne faut pas appeler comme ça, mais en attendant personne n'a trouvé mieux comme désignation), simplement parce qu'une musique sans dissonance, c'est un peu comme du pain sans sel.
Malheureusement donc, j'avais eu ma dose de Debussy pour quelques mois (on nous avait déjà servi du Debussy le jour précédant et on allait encore nous en donner avec le récital de David Violi), mais heureusement, j'ai développé une 'oreille musicologique', qui me permet d'apprécier une bonne interprétation même s'il s'agit d'une composition avec laquelle je n'ai pas forcément beaucoup d'affinités.
Skrijabin et Liszt avec le coeur, Debussy avec la tête.
Et ce récital était parfait.

Gabriele Carcano, un jeune talent que je recommande chaudement!
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Concert diffusé jeudi 14 août 2008 à 15h sur France Musique

samedi 2 août 2008

{Montpellier} les Jeunes Solistes de 12:30

Le crépuscule d'une journée bien remplie, le ménage en buvant des litres d'eau, deux bols de thé noir avec les sucres roux rescapés du Pré Vert, un nocturne de Chopin et une lettre.
La motivation de coucher sur la toile une longue note sur les concerts du Festival Radio France à Montpellier laisse à désirer.
Je m'occupe donc des deux récitals auxquels Dodoré et moi avons assistés, les samedi 26, respectivement lundi 28 juillet, à 12:30, salle Pasteur, Montpellier.

David Violi, piano
Schubert - Sonate in B-Dur, D960
Bruneau-Boulmier (*1982) - La Traversée des apparences
Debussy - Etudes, livre II, extraits

J'étais très sceptique quant au choix de ce jeune pianiste, de jouer, à 26 ans, une œuvre aussi monumentale que la sonate D960. Et je ne peux malheureusement pas vous annoncer que j'aurais eu tort de me méfier: c'était ennuyant à mourir. Pas une once d'humour (Schubert!), pas de couleurs, statique, manque assez flagrant de propreté, allant jusqu'à un blanc au beau milieu du premier mouvement. Bref, il ne se passait rien, tout comme dans les pièces suivantes, les trois pièces que Bruneau-Boulmier lui a dédié et les trois études de Debussy.
Dans mon journal, je me suis bornée à noter en trois mot es war langweilig. Et de fait, on ne peut guère ajouter grand chose à cela.


Malwina Sosnowski, violon
Nikos Kyriosogolou, piano
Brahms - scherzo FAE
Chausson - Poème pour violon et piano op.25
Ysaÿe - Sonate n°5 pour violon seul
Chiang (*1974) - Dance II
Wieniawski - Fantaisie brillante sur des thèmes de Faust de Gounod

Pour leur décharge, il faut mentionner que le pianiste Nikos Kyriosogolou remplaçait Riccardo Bovino, qui s'est blessé, et a de ce fait dû monter ces pièces en deux semaines.
Toutefois, c'était presque encore pire que le récital soporifique de David Violi.
Cela commence déjà par une entrée sur scène d'une mollesse qui défie toute concurrence. Brahms, ce scherzo vif et pétillant comme un feu, poli, lénifié, les forte deviennent des mezzo piano et les staccati traînent paresseusement. Aucune fougue, certainement pas du côté du pianiste, et comme la violoniste a un son maigrichon qui devient vaguement criard dans les registres forts et aigus, on préfère qu'elle évite de s'emballer... Moi qui me réjouissais d'entendre ce scherzo et de le faire découvrir à Dodoré, c'est râté ma petite dame.
Venait un début prometteur pour Chausson, une belle tenue des phrases musicales, Malwina Sosnowski parvient à capter notre attention et à suspendre notre souffle au bout de son archet. Malheureusement, ce n'était que le début, et le vent a bien vite tourné. Piano et violon s'alternent, d'une manière désordonnée et décousue, sans logique aucune, c'en est agaçant.
J'espérais que la violoniste pourrait rattraper le coup avec la sonate pour violon seule d'Ysaÿe. Après tout, peut-être que tout aurait été totalement différent si elle avait pu jouer avec son pianiste initial. Que nenni! Les passages virtuoses se succèdent, avec des problèmes flagrant de justesse, et toujours ce son vide et terne. Plusieurs arrivée dans les aigus vraiment très faux, qui me font tressaillir de malaise sur mon siège. Suivait une composition contemporaine, très rythmée, avec un passage central durant lequel la violoniste laisse son instrument de côté pour taper des mains. On aime ou on aime pas, pour ma part, je ne vois pas l'utilité de faire faire de la percussion à une violoniste. Un percussionniste ou un danseur ferait cela mieux. Mais bon, c'est à la mode de faire faire des tas de choses aux instrumentistes pour épater la galerie des néophytes... Pour revenir à cette pièce, un passage à contretemps si foireux que cela me démangeait de battre la mesure, et rien de spécial.
Le gros morceau, c'était la dernière pièce, la fantaisie brillante de Wieniawski, pour laquelle Dodoré et moi avions hâte de voir comment nos deux mollusques allaient faire quelque chose de brillant. Pour faire court, dans la marge de mon programme, j'ai noté brillant?! Insipide!
Et à nouveau, les salutations si gênées que s'en est désagréable. La violoniste danse d'un pied sur l'autre, comme un enfant mal à l'aise après avoir récité sa poésie.
Un bis, un caprice ou une czardas ou quelque chose dans ces eaux-là, sans doute la pièce qui manquait le moins de conviction.
En résumé: manque de justesse, manque d'énergie, manque de conviction et manque de confiance.

Voilà, deux récitals fades de 12:30.
Heureusement, les autres concerts avaient une autre saveur, voir étaient franchement goûtus!

Cela me fait quand-même un peu de la peine de démolir ainsi deux jeunes musiciens... En espérant qu'ils se trouvaient les deux dans un mauvais jour, je leur souhaite bon vent, et surtout de s'affermir, de gagner en conviction et en confiance.

vendredi 1 août 2008

poème d'août: Regenlied - Klaus Groth

Réveil dans une lumière ocre menaçante, l'orage gronde au loin et se rapproche. Bientôt la pluie bat mes pieds nus dans le jardin, et la grêle tambourine dans un vacarme assourdissant sur les toits.
J'aime les orages au petit matin. Allumer la lampe pour préparer le café, et mettre un peu de musique, au hasard.
Ce matin, Brahms, Violinsonate Nr.1 in G-Dur, celle qui porte le doux nom de Regenliedsonate.
Regenlied - chant de la pluie - c'est le lied que Brahms a écrit sur un poème de son compatriote d'Allemagne du Nord Klaus Groth, et dont il a repris le thème pour le troisième mouvement de sa sonate en Sol Majeur.
Regenlied, c'est la joie bienfaisante d'une pluie estivale, teintée d'une légère mélancolie.
Cette pluie rafraichissante d'un jour d'été est à Groth ce que 'ces gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines qui semblent avoir été moulés dans la valve rainurée d'une coquille de Saint-Jacques' sont à Proust: la porte pour accéder à des souvenirs lointains.

Regenlied
- Klaus Groth -

Walle, Regen, walle nieder,
Wecke mir die Träume wieder,
Die ich in der Kindheit träumte,
Wenn das Naß im Sande schäumte!

Wenn die matte Sommerschwüle
Lässig stritt mit frischer Kühle,
Und die blanken Blätter tauten,
Und die Saaten dunkler blauten.

Welche Wonne, in dem Fließen
Dann zu stehn mit nackten Füßen,
An dem Grase hin zu streifen
Und den Schaum mit Händen greifen.

Oder mit den heißen Wangen
Kalte Tropfen aufzufangen,
Und den neuerwachten Düften
Seine Kinderbrust zu lüften!

Wie die Kelche, die da troffen,
Stand die Seele atmend offen,
Wie die Blumen, düftertrunken,
In dem Himmelstau versunken.

Schauernd kühlte jeder Tropfen
Tief bis an des Herzens Klopfen,
Und der Schöpfung heilig Weben
Drang bis ins verborgne Leben.

Walle, Regen, walle nieder,
Wecke meine alten Lieder,
Die wir in der Türe sangen,
Wenn die Tropfen draußen klangen!

Möchte ihnen wieder lauschen,
Ihrem süßen, feuchten Rauschen,
Meine Seele sanft betauen
Mit dem frommen Kindergrauen.

toile: Caillebotte
La Place de L'Europe, temps de pluie