mardi 5 août 2008

{Montpellier} Rendez-vous de 18h - Gabriele Carcano

Un récital qui réunissait des pièces sombres de Skrjabin et Liszt pour se terminer sur la transparence lumineuse de Debussy.
Deux Poèmes, suivis de la sonate n°9 Messe Noire de Scriabin, Trauergondel et Ballade n°2 de Liszt et des extraits des Images, Livre I ainsi que Masques, D'un cahier d'esquisses et L'Isle joyeuse de Debussy.

Un beau moment, en particulier la première partie. Gabriele Carcano sait nous tenir en suspens et nous mène où il en a l'envie. On sent un engagement très marqué, qui se communique au public, noyé dans les frissons glacés, parfois violents, de la Messe Noire et de la Gondole lugubre. Sa sonorité pourrait encore s'arrondir, être plus consistante, plus 'visqueuse' pour ainsi dire, surtout dans ces pièces très physiques d'un romantisme dramatique déjà très chromatique.
La légèreté du son s'adaptait par contre à merveille avec l'apesanteur de Debussy, qui s'évaporait dans l'air de la salle Pasteur comme les effluves de parfum s'évanouissent dans le ciel. Un Debussy qui n'était qu'une esquisse, une allusion, sans s'imposer, délicat, vaporeux, jamais trop insistant. Des images qui défilent doucement et s'estompent sans bruit.

Autant j'ai été comblée par la partie macabre qui prend à la gorge et nous donne presque la fièvre, avec cette musique charnelle que l'on croit distinguer dans la salle, telle une grosse bacchante qui exécute une danse démoniaque pour nous séduire et nous éconduire, autant j'ai apprécié la seconde partie, si bien rendue par le jeune pianiste qu'elle lui semble faite sur mesure. Malheureusement, Debussy n'est pas mon meilleur ami, cette indécision, cette absence de tension finit assez rapidement par m'agacer. Sans doute, j'aurais été dans le parti des décadents et disciples de Schönberg plus que du côté des impressionnistes (qu'il ne faut pas appeler comme ça, mais en attendant personne n'a trouvé mieux comme désignation), simplement parce qu'une musique sans dissonance, c'est un peu comme du pain sans sel.
Malheureusement donc, j'avais eu ma dose de Debussy pour quelques mois (on nous avait déjà servi du Debussy le jour précédant et on allait encore nous en donner avec le récital de David Violi), mais heureusement, j'ai développé une 'oreille musicologique', qui me permet d'apprécier une bonne interprétation même s'il s'agit d'une composition avec laquelle je n'ai pas forcément beaucoup d'affinités.
Skrijabin et Liszt avec le coeur, Debussy avec la tête.
Et ce récital était parfait.

Gabriele Carcano, un jeune talent que je recommande chaudement!
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Concert diffusé jeudi 14 août 2008 à 15h sur France Musique

4 commentaires:

Anonyme a dit…

J'aime bien ton appréciation sur la dissonance nécessaire à la musique. Cà me raconte pourquoi j'aime bien mettre cette petite pointe de citron dans mes commentaires : pour mettre en valeur le post principal en fait. Mais là aujourd'hui, sincérement, je ne peux pas. J'ai trop de peine pour toi. J'ai enfin compris pourquoi, sur la photo, tu sembles cacher quelque chose avec ton épaule.
Car, dis moi, cette oreille musicologique : elle a poussé au-dessus, ou à côté de l'autre ?

la. a dit…

elle a mangé l'oreille initiale! Elle est énooorme, en forme de clé d'ut, et elle vibre au moindre petit son.
Et si j'en avais deux, je pourrais voler, comme Dumbo.
(Mais j'en ai qu'une, ce n'est pas pratique, je vole à moitié de travers.)

Anonyme a dit…

On m'avait souvent dit que la musique transportait, mais je ne voyais pas ça comme ça. Les oreilles de Dumbo ! Finalement, moi qui sais à peine distinguer la clé de sol de celle de mon entresol, voilà qui me console un peu. Et peut-être même beaucoup.

la. a dit…

Il faut être prosaïque parfois.