Tonhalle Zürich, 01.06.2008, 19:30
Ça y est enfin. C'est arrivé vite, et j'ai dû patienter si longtemps. Mais ce soir, ça y est, j'entre dans la Tonhalle, je monte à la galerie, trouve ma place, la respiration qui s'accélère en apercevant le grand piano noir, si proche.
Les jeunes musiciens de la Kremerata Baltica prennent place sous les applaudissements chaleureux du public.
Silence.
* Ca y est, cela devait arriver: il aura eu un problème de dernière minute, le directeur de la Tonhalle va monter sur scène nous annoncer que. *
Soudain, un frémissement, et, sous un tonnerre d'applaudissements, le grand virtuose russe se fraye un chemin jusqu'à son instrument.
* ouf! *
Mozart: Klavierkonzert Nr 20 in d-moll
L'orchestre, dont les deux premiers violons alternent dans la fonction de chef d'attaque, se lance dans un Mozart surprenant. Sombre, dubitatif, passionné, fougueux. Evgeny Kissin suit le ton donné, allant jusqu'à jouer un Mozart déjà très profondément romantique, un Mozart diamétralement opposé à celui, très Wienerklassik d'Alfred Brendel, le soir d'avant. Ce soir, c'est un Mozart dont la luminosité gaie et insouciante est voilée par une sorte de questionnement intérieur mélancolique, et même, lors de la première cadenza notamment, un Mozart énergique, têtu, exaspéré, qui tape du pied et s'énerve. Cette première cadenza, c'est Beethoven plays Mozart - à tel point que je me demande qui a écrit la cadence: Mozart lui-même? Ou Kissin?
Le finale est vif, pétillant, spontané, à l'image de ce tout jeune orchestre qui sait lui conférer une fraîcheur rarement égalée.
Un Mozart qui a du corps, un Mozart quasi beethovenien, que Simon et moi, pourtant vraiment pas fervents amateurs du compositeur autrichien, apprécions plus qu'il n'est possible de le dire.
Britten: Variationen über ein Thema von Frank Bridge, Op. 10
Je n'avais jamais entendu parler de ces Variations Op. 10 - il faut dire que je connais très mal Britten, mis à part la présentation d'orchestre pour une jeune personne (que nous avons tous entendus, enfants) et des extraits de son opéra The Turn of the Screw (que j'adore: il faudra que j'en parle une fois) - c'était donc une découverte.
Une très très bonne surprise. Le jeune Britten a écrit ses 10 variations sur un thème de Frank Bridge, qui n'est autre que son premier professeur de composition. Il compose en choisissant les influences dans une très large palette de styles et de formes (Romance, Aria italiana - que les violons II + altos jouent comme de la guitare! - Wiener Walzer, Moto perpetuo, Funeral March et Fugue), ce qui confère à cet opus 10 un caractère très plaisant, avec beaucoup de tableaux différents.
Kremerata Baltica affichait un plaisir évident et beaucoup d'humour en jouant ce Britten, ce dont la pièce a profiter de manière très favorable. Ce jeune Britten gagne apparemment à être interprété par un orchestre jeune lui aussi.
Une très belle découverte, le titre a aterri sur ma liste de CDs à acheter le jour où je serai moins pauvre, et Simon n'a, ni une. ni deux, acheté le CD proposé dans le hall de la Tonhalle, que nous avons ensuite écouté le lendemain matin.
Prokofiev: Symphonie classique, Op. 25, Nr 1
Je n'ai pas noté beaucoup dans mon carnet Moleskine à propos de ce Prokofiev. Simon l'attendait avec impatience, pour ma part, j'étais curieuse de me souvenir comment est cette 1ère symphonie. Kremerata baltica l'a interprété avec brio, beaucoup de fougue, beaucoup de plaisir, beaucoup de sourires. Décidément, les œuvres de jeunesse leur vont admirablement, comme sur mesure! Cette symphonie est elle aussi venu rallonger ma liste d'achat.
Mozart: Klavierkonzert Nr 27, B-Dur
Le deuxième concerto du soir, cette fois en majeur: sera-t-il aussi surprenant que le premier, en mineur?
Yes, he is. Il est espiègle, vif, mais doux pourtant, et reste quelque peu songeur. Le mouvement lent merveilleusement construit, une ligne mélodique très pure, à la fois cristalline et profonde, de beaux dialogues entre le pianiste et l'orchestre. Et le rondo, construit sur la vieille mélodie populaire allemande Komm' lieber Mai und mache die Wiesen wieder grün est un agréable retour en enfance, aussi léger et frais que les joues rouges barbouillées de jus de fraise du petit enfant qui le chantonne dans le jardin.
Malgré cette très brillante performance, la salle est restée relativement froide, n'a réclamé que deux rappels: une Türkischer Marsch enfin bien jouée (!) et une valse lente de Chopin. Alors que Simon est moi battions encore énergiquement des mains, les auditeurs ont commencé à quitter la salle. Et nous avons été fâché contre eux tous!
En conclusion de cette soirée, je dirais que j'ai découvert Britten vraiment et appris - en deux heures ! - à aimer Mozart. (Bien que je ne sois pas sûre que le Mozart de ce soir aie été très "académique".) Anyway.
Carl LOEWE – Gutenberg et le chœur des imprimeurs assassins
Il y a 1 semaine
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