Auteur: Milan Kundera
Titre original: Nesnesitelná lehkost bytí
Première parution: 1984
Traduction: François Kérel
Quatrième de couverture:
Qu'est-il resté des agonisants du Cambodge? Une grande photo de la star américaine tenant dans ses bras un enfant jaune. Qu'est-il resté de Tomas? Une inscription: Il voulait le royaume de Dieu sur la terre. Qu'est-il resté de Beethoven? Un homme morose à l'invraisemblable crinière, qui prononce d'une voix sombre: "Es muss sein!" Qu'est-il resté de Franz? Une inscription: Après un long égarement, le retour. Et ainsi de suite, et ainsi de suite. Avant d'être oubliés, nous serons changés en kitsch. Le kitsch, c'est la station intermédiaire entre l'être et l'oubli.
Mon avis:
Vingt-cinq milles étoiles, et encore plus!
Une révolution, une comète nucléaire, un cataclysme, une éruption volcanique que le Vésuve c'était ridicule à côté!!! (j'ai regardé le dernier volet de la trilogie marseillaise de Pagnol hier soir. D'où.)
A cheval entre un essai philosophique et un roman, cet ouvrage a trouvé le juste équilibre entre les deux: ni trop barbant, ni trop frivole. Kundera utilise une histoire qu'il ne raconte pas dans un ordre chronologique, mais dans une logique qui serve aux différentes thématiques qu'il veut aborder. Le récit est toutefois très clairement construit pour que l'on ne s'embrouille jamais dans les évènements.
Les deux grands piliers qui soutiennent cette œuvre sont la mission, la destinée, traduit par le es muss sein! beethovenien d'une part, le besoin de l'homme de créer un monde où règnerait le beau sans le laid, le divin sans la 'merde' (expression de l'auteur, hein!), qui se retrouve dans le mot kitsch.
Les personnages sont mût très tôt par un acte où une situation de leur enfance ou adolescence. Ainsi Sabina, suite à une trahison initiale, est-elle forcée de construire sa vie sur une succession de trahisons. Quant à Tereza, sa répugnance face au manque de pudeur et d'instruction de sa mère, elle cherchera sa vie durant à s'éloigner de l'image de sa mère qu'elle rencontre dans le reflet que lui renvoie le miroir, en cherchant à s'élever, à faire monter son âme à la surface de son corps.
Et finalement cette grande question: l'Histoire et elle cyclique (Nietzsche) ou linéaire? Faut-il de ce fait rechercher la gravité du es muss sein! comme Tomas, ou l'insoutenable légèreté de l'être, à la manière de Sabina?
Je n'ai rien de précis à dire au sujet du style de l'auteur, qui me paraît très neutre, il n'a pas une prose exceptionnelle ni un style très particulier, misant sans doute plus sur le contenu que sur la forme. Mais que peut-on trouver à redire lorsque le contenu est si incroyable?
A lire, absolument!
Kundera, je le pressentais déjà avant de le lire, rejoindra le mausolée de mes favoris, et certainement vais-je devoir instaurer une limitation de lecture pour les livres de l'écrivain tchèque, comme j'ai dû le faire pour les œuvres de Thomas Mann.
L'extrait:
Si chaque seconde de notre vie doit se répéter un nombre infini de fois, nous sommes cloués à l'éternité comme Jésus-Christ à la croix. Cette idée est atroce. Dans le monde de l'éternel retour, chaque geste porte le poids d'une insoutenable responsabilité. C'est ce qui faisait dire à Niezsche que l'idée de l'éternel retour est le plus lourd fardeau (das schwerste Gewicht).