mercredi 18 juin 2008

Soutine expose ses couleurs à Bâle

Chaïm Soutine, un peintre dont je connaissais tout au plus le nom, deux paysages et une nature morte.

Le Kunstmuseum Basel dédie son printemps 2008 au peintre de viande et de visages colorés et déformés.
De mon côté, les examens ne sont plus qu'un pâle souvenir, et les jours ont pris la saveur de l'été (plus que la météo, d'ailleurs).
Les "grandes vacances" estivales riment pour ma part bien souvent avec ennui et oisiveté déprimante. Or l'été, ce sont les festivals musicaux à foison (rien qu'en Suisse, on citera Verbier, Lucerne, Avenches, Zurich, St-Ursanne...), les longs jours propices à la visite de villes proches ou lointaines, les expositions temporaires ou permanentes pour lesquelles enfin le temps semble suffire, les excursions spontanées avec nuits sous tente...
Une foule de choses.
Et lorsque l'on a la chance d'avoir une voisine qui partage notre intérêt pour la peinture, la musique, la culture et l'architecture, qui, en plus d'avoir le même âge, est aussi une personne que l'on apprécie depuis toujours (comptez mon âge moins trois ans: 18 ans), eh bien on fait une liste interminable de choses à faire, et on saute dans le premier train pour inaugurer le programme.

Première étape donc, Basel Basel, Basel a mim Rhy! Kunstmuseum. Sortir du tramway vert, traverser des routes, découvrir St-Alban et ses rives du Rhin, l'endroit est par trop désert, revenir en arrière, monter des escaliers, se retrouver exactement à l'arrêt de tramway quitté quelques minutes auparavant et constater dans un éclat de rire que le musée se trouvait juste de l'autre côté de l'arrêt.

L'intérieur lumineux des musées d'art, les grands maîtres qui se tiennent compagnie. Renoir, Courbet, Manet, Braque, Munch, Pissaro, Monet, Kandinsky, Picasso, Miró, Robert, Giacometti, Dalí, Klee, Modigliani, Géricault, Chagall et tant d'autres. Le temps file comme une feuille morte entraînée par le vent.
Et Soutine, enfin.

Chaïm Soutine (1893-1943) est un artiste juif né en Ukraine et mort à Paris, où s'est concentré l'essentiel de son travail. Issu d'une famille pauvre, il fera ses études de beaux-arts à Vilnius, avant d'émigrer à Paris, en 1913. Il s'installera à la Ruche, où il aura notamment pour voisins Modigliani et Chagall.

Sa technique ne s'apparente à aucun des mouvements dominants de l'époque, tel que le cubisme ou le dadaïsme. Tout au plus Soutine reprend-t-il quelques éléments du fauvisme. Les couleurs sont vives, les traits généreux, l'émotion est à fleur de peau et les toiles dégagent une intensité presque palpable.

Soutine, c'est les visages aux regards livides et anxieux, les canards et les bœufs écorchés aux entrailles comme un feu d'artifice, les villages aux rues sinueuses et oppressantes, les maisons aux perspectives faussées qui nous font perdre nos repères.

Soutine, c'est un homme angoissé, timide, solitaire, affamé, pauvre, introverti. Son œuvre semble être pleine de ses peurs, ses espoirs et ses souffrances au point de suinter cette émotion et dire tout ce que cet homme si sensible et si secret ne confiait à personne d'autre qu'à ses toiles. La Russe à Paris l'exprime en d'autres termes:

Les peintures de Soutine vous transpercent autant que l'histoire de sa vie, ensuite, à chacun de trouver son approche pour apprécier son oeuvre. Soutine remonte sur la surface de ses tableaux quelque chose de si profond, quelque chose de la bête humaine qui nous dérange et fascine à la fois. Tout comme ce personnage passionné, tourmenté, reconnu mais si seul, qui meurt si tôt, ne pouvant être soigné pendant l'occupation.
Il y a comme une urgence de vivre, un besoin pressant de peindre, de colorier le monde, et toujours cette angoisse et cette incertitude.

Courez, courez, mes amis.
Soutine est un grand maître, il mérite d'être apprécié et connu à sa juste valeur: "Derrière son cercueil ne marchait qu'une seule personne. C'était Picasso." (toujours Daria)

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Les reproductions:
  1. L'affiche du Kunstmuseum
  2. Vue de Céret
  3. Clocher à Céret
  4. Le Bœuf écorché
  5. L'Enfant au jouet
  6. Chaïm Soutine
  7. Grotesque (autoportait)

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Pour aller plus loin:

Anecdotes chez le lorgnon mélancolique
Article sur Wikipédia


5 commentaires:

Anonyme a dit…

Il a peint beaucoup de toiles et en a détruit presque autant. Quelques jours avant sa mort, il a usé ses dernières forces à brûler les tableaux qui lui restaient. Il planquait ce qu'il était en train de peindre, comme s'il s'était agi du plus intime de lui-même.
Il a ainsi révélé le paradoxe le plus douloureux de l'artite : mettre sur le marché, livrer à la critique et aux commentaires spécieux sa chair, son sang, et les clés même de son passé.L'artiste est vraiment un "arbre couché" ; titre d'un de ses tableaux les plus célèbres.

la. a dit…

Il était très sensible et névrosé, en effet. Il a eu plusieurs ulcères, et c'est sans doute de ça qu'il est mort pendant l'occupation. Il avait tellement peur de la solitude et de la misère qu'il a tenté de se pendre.

Brahms aussi avait cette triste manie de triturer et détruire sans cesse ses compositions...

Anonyme a dit…

Si j'ai bien tout compris, c'est des nuits sous tente, et des jours Soutine ?

la. a dit…

Presque: des nuits sous tente et des jours sous tine. ;o)

Anonyme a dit…

Dans les deux cas, ce n'est finalement qu'une question de toile.