mercredi 15 avril 2009

Trois solistes de choc, un grand chef et un excellent orchestre pour Mahler

Après une course folle dans la forêt, une douche, et, en tailleurs sur mon lit, le pull à capuche est douillet, le hot milk mug sur la table de nuit - my one weakness, j'écoute Mahler. Un enregistrement qui décoiffe, qui... qui.


Mahler Lieder
Quasthoff / Urmana / von Otter
Wiener Philarmoniker / Boulez
  1. Lieder eines Fahrenden Gesellen
  2. Rückert Lieder
  3. Kindertotenlieder
Je me surprends de n'avoir encore jamais parlé de Thomas Quasthoff, baryton hors pair, que j'ai eu la joie immense de découvrir pour la première fois, en live à Verbier, lors d'une répétition générale. Thomas Quasthoff, la voix et l'homme, tous deux admirables. Cet enregistrement me le fait découvrir dans un répertoire différent de celui que je lui connaissais (majoritairement les cantates de Bach et les Lieder de Schubert), mais dans lequel il excelle également.
Violetta Urmana est une découverte absolue - et belle.
Anne Sofie von Otter m'était déjà connue de par le Rosenkavalier de R. Strauss et divers autres productions, et figure, au même titre que Quasthoff, sur ma liste des top ten. Et mon opinion de Pierre Boulez, vous vous en souvenez peut-être.

Les Lieder eines fahrenden Gesellen sont légers, avec une note pastorale et des accents de chanson populaire, mais Thomas Quasthoff ne tombe pas dans le piège d'une interprétation facile, mais sa compréhension du texte et l'importance qu'il lui donne rendent ces Lieder très émouvants. Il y a également une symbiose avec l'orchestre, qui traduit littéralement les affects de Quasthoff, les reflète et les complète. Je pense notamment aux flûtes si âcres dans le 3ème numéro Ich hab ein glühend Messer, qui imagent si bien les déchirement de ce coeur transpercé par un couteau. De loin l'une des meilleures interprétations.

Violetta Urmana s'avère être une soprano très aérienne, légère et lumineuse, par opposition au soprano mûr et consistant d'Anne Sofie von Otter. En cela, la première convient parfaitement au 5 Rückert Lieder tandis que von Otter excelle dans le dramatisme douloureux des Kindertotenlieder. Urmana a une aisance qui s'étend jusque dans les sauts les plus périlleux, et confère un côté juvénile et ungestüm à ces 5 Lieder. Elle se fond avec le hautbois solo dans ce magnifique contrechant dans Ich atmet einen linden Duft dont elle arrive à imiter vocalement la couleur claire et innocente.

Le dernier cycle que nous offre cet excellent disque est celui des Kindertotenlieder, déjà presque un VIP sur ce blog. Comme j'ai entendu ces Kindertotenlieder il y a peu à Pleyel, je peux encore comparer le trio Stutzmann / Eschenbach / Orchestre de Paris avec celui von Otter / Boulez / Wiener Philarmoniker. Heureusement pour les premiers, je n'avais pas encore pris connaissance de cet enregistrement lors du concert à Pleyel. La qualité de l'interprétation d'Anne Sofie von Otter et la précision de Boulez sont remarquables, et ici, l'orchestre ne mange pas la chanteuse et la chanteuse ne mange pas ses mots. Von Otter chante avec les tripes, mais sans vulgarité, sa souffrance n'est pas un artifice surfait, c'est la simplicité de la douleur, illuminée par la tendresse des souvenirs.
C'est très, très beau.

Un dernier paragraphe pour sautiller de plaisir pour le travail de l'orchestre - les vents absolument superbes, cela faisait longtemps! - et la baguette rigoureuse mais non insensible du petit Français.

A acheter, là, maintenant, tout de suite.

5 commentaires:

Céline a dit…

Rien à voir (ou plutôt si), mais la couverture du CD est jolie :)

Ah, et j'oubliais: "imagent si bien les déchirement de ce coeur transpercé par un couteau" <--- Charmant, très charmant, vraiment !!

delest a dit…

bon, ben Deutsche Gramophon, tu leur a gagné un client, là.
Tu n'as pas honte, de me faire dépenser mon bel argent, si durement gagné - avec tes envoûtantes descriptions ? :)

Anonyme a dit…

Je me suis un peu lassé de Quasthoff, qui a la faculté assez exceptionnelle de varier son timbre, mais l'utilise peu. Etrangement, je finis par trouver la voix très laide, peut-être parce que je sens plus les limites techniques dedans ?

Ca reste un très bon liedersänger, mais je préfère des voix peut-être plus banales, mais des interprètes plus fins. Si on aime les voix graves, Stephan Genz ou Stephan Loges, ça a une tout autre profondeur pour l'un et un tout autre impact pour l'autre.

Ce n'est pas pour médire de Quasthoff, n'est-ce pas, juste pour signaler qu'il y a encore mieux, et qu'on peut ajouter l'écoute d'autres avec tout autant de profit.

Quant à l'homme, il a son petit caractère, comme le père Harnoncourt, avec ses propos méprisants sur la musique française, qui ne seront pas oubliés de nos services.

Qu'il aille écouter Decaux avant de croire que les allemands ont tout inventé !

--

Sinon, ben oui, j'avoue, je suis d'accord, un beau disque, y compris pour Quasthoff d'ailleurs. :-)

DavidLeMarrec a dit…

Je crie au scandale, à la censure, on m'a anonymifié !

la. a dit…

Céline,
oui, mais je trouve qu'elle ne correspond pas très bien au contenu. Mahler, c'est très épuré comme musique.

Delest,
... si seulement ils (DG) m'offraient un CD pour chacun de leurs disques dont j'ai causé l'achat.
Va mon enfant, tu ne regretteras pas!

David,
Bah, de toute façon je t'avais reconnu malgré ton camouflage! Bon, peut-être, mais moi aimer Quasthoff très très beaucoup.
Quant à l'homme, je pensais à sa joie et sa simplicité lors de cette générale. Il faisait le pitre pour détendre l'orchestre et demandait l'avis du public à plusieurs reprises. Je l'ai trouvé très à l'aise et j'ai trouvé qu'il était un bel exemple d'acceptation de soi, lui, pour qui ça a dû être encore tellement plus dur d'oser monter sur scène et de s'exposer au regard des autres. C'est en cela que je disais admirer l'homme qu'il est, pour cette leçon de vie qu'il m'a donné - et pas qu'à moi.
Bon et sinon, la musique allemande, c'est quand-même vachement plus mieux bien que la musique française, non? ;o)