Après une course folle dans la forêt, une douche, et, en tailleurs sur mon lit, le pull à capuche est douillet, le hot milk mug sur la table de nuit - my one weakness, j'écoute Mahler. Un enregistrement qui décoiffe, qui... qui.
Mahler Lieder
Quasthoff / Urmana / von Otter
Wiener Philarmoniker / Boulez
Je me surprends de n'avoir encore jamais parlé de Thomas Quasthoff, baryton hors pair, que j'ai eu la joie immense de découvrir pour la première fois, en live à Verbier, lors d'une répétition générale. Thomas Quasthoff, la voix et l'homme, tous deux admirables. Cet enregistrement me le fait découvrir dans un répertoire différent de celui que je lui connaissais (majoritairement les cantates de Bach et les
Lieder de Schubert), mais dans lequel il excelle également.
Violetta Urmana est une découverte absolue - et belle.
Anne Sofie von Otter m'était déjà connue de par le
Rosenkavalier de R. Strauss et divers autres productions, et figure, au même titre que Quasthoff, sur ma liste des
top ten. Et mon opinion de Pierre Boulez, vous vous en
souvenez peut-être.
Les
Lieder eines fahrenden Gesellen sont légers, avec une note pastorale et des accents de chanson populaire, mais Thomas Quasthoff ne tombe pas dans le piège d'une interprétation facile, mais sa compréhension du texte et l'importance qu'il lui donne rendent ces
Lieder très émouvants. Il y a également une symbiose avec l'orchestre, qui traduit littéralement les affects de Quasthoff, les reflète et les complète. Je pense notamment aux flûtes si âcres dans le 3ème numéro
Ich hab ein glühend Messer, qui imagent si bien les déchirement de ce coeur transpercé par un couteau. De loin l'une des meilleures interprétations.
Violetta Urmana s'avère être une soprano très aérienne, légère et lumineuse, par opposition au soprano mûr et consistant d'Anne Sofie von Otter. En cela, la première convient parfaitement au 5
Rückert Lieder tandis que von Otter excelle dans le dramatisme douloureux des
Kindertotenlieder. Urmana a une aisance qui s'étend jusque dans les sauts les plus périlleux, et confère un côté juvénile et
ungestüm à ces 5
Lieder. Elle se fond avec le hautbois solo dans ce magnifique contrechant dans
Ich atmet einen linden Duft dont elle arrive à imiter vocalement la couleur claire et innocente.
Le dernier cycle que nous offre cet excellent disque est celui des
Kindertotenlieder, déjà presque un VIP sur ce blog. Comme j'ai entendu ces
Kindertotenlieder il y a peu à
Pleyel, je peux encore comparer le trio Stutzmann / Eschenbach / Orchestre de Paris avec celui von Otter / Boulez / Wiener Philarmoniker. Heureusement pour les premiers, je n'avais pas encore pris connaissance de cet enregistrement lors du concert à Pleyel. La qualité de l'interprétation d'Anne Sofie von Otter et la précision de Boulez sont remarquables, et ici, l'orchestre ne mange pas la chanteuse et la chanteuse ne mange pas ses mots. Von Otter chante avec les tripes, mais sans vulgarité, sa souffrance n'est pas un artifice surfait, c'est la simplicité de la douleur, illuminée par la tendresse des souvenirs.
C'est très, très beau.
Un dernier paragraphe pour sautiller de plaisir pour le travail de l'orchestre - les vents absolument superbes, cela faisait longtemps! - et la baguette rigoureuse mais non insensible du petit Français.
A acheter, là, maintenant, tout de suite.