Cérémonie de clôture du Conservatoire de Musique de Neuchâtel
19:30, Temple du Bas
Le soleil pèse lourd et étouffant sur le Temple du Bas en cette fin de journée du 2 juillet 2008. Toutes les portes sont ouvertes, parterre et galerie comble, des amas d'étudiants, de professeurs et d'amis du conservatoire aux quatre issues, les programme avec lesquels on s'évente plutôt que de les lire.
La soirée s'ouvre avec une création de Vincent Pellet pour orchestre et bande sonore, Rififi, qui se base sur des bruits urbains, décortiqués, analysés et retravaillés pour former cette œuvre ma fois très plaisante. L'ensemble à vent, dont je n'avais encore jamais entendu parlé, semble réunir une large fourchette d'âges et de niveau, de la petite flûtiste qui parvient à peine à soulever son instrument à l'étudiant professionnel chevronné. Une belle initiative qui fonctionne à merveille et qui permet au tout jeunes de donner le meilleur dans une formation d'un bon niveau.
Suivait Spanish Trumpet de Thomas, avec le jeune et frêle Florian Tschopp à la trompette. Malgré une certaine nervosité, notre tout jeune soliste a bien assuré sa partie, avec un très bon son, tant dans les extrêmes graves que dans les brillants aigus. Tous mes voeux de succès pour son avenir musical proche ou lointain.
Une pièce très plaisante, de la musique facile et entraînante, comme on peut s'y attendre à ce genre de soirée. Je ne suis pas friande de ce genre que je juge trop pauvre, mais la bonne ambiance conjuguée au plaisir de jouer des musiciens ont tôt fait de me faire sauter moi aussi à pieds joints dans l'euphorie générale.
Changement de registre complet: deux Deutsche Arien de Handel, Süsser Blumen Ambraflocken et Singe Seele, Gott zum Preise. Je voulais de la grande musique, me voici comblée. Clavecin (Linda Gysin), violon (Simon Zinsstag) et violon (Hélène Conrad) soutiennent et entourent délicatement la soprano Leana Durney (vedette de la soirée). Une belle musique tout en légèreté éthérée, à l'image de ces quatre jeunes musiciens tout de blanc vêtus.
Nouveau voyage dans le temps, quatre siècles plus tard, à Vienne, pour retrouver Schönberg dans l'un de ces Vier Lieder. C'est Erwartung que nous partageaient la soprano Gabriella Cavasino et la pianiste Chantal Taylor. Une voix un peu voilée, un piano délicat et lumineux, contraste assez inhabituel, sans doute pas voulu, mais qui n'est vraiment pas inintéressant. Le chanteur doute de la réalisation de ce qu'il attend, le piano le séduit par des promesses pleines d'espérance? Dommage que ce duo n'aie pas chanté les quatre Lieder, on aurai volontiers écouté encore plus de ce Schönberg dans sa première phase de création tonale, trop méconnue à mon sens.
Après la remise des titres de la formation professionnelle, le Choeur des étudiants professionnels sous la direction de Nicolas Farine a présenté Rejoice in The Lamb de Britten. J'aime beaucoup l'art choral anglais, avec ces sonorités pleines et chaudes qu'ils semblent savoir utiliser mieux que les autres (n'avons nous donc, sur le continent, jamais rattrapé l'avance de la Grande-Bretagne du Moyen-Âge dans l'utilisation des sonorités 'imparfaites'?). Malgré un a priori très favorable, la pièce manquait totalement de conviction, les choristes ne semblaient pas apprécier plus que cela l'œuvre qu'ils chantaient (signalons au passage que le chœur est obligatoire pour l'étudiant professionnel), et bien qu'il y ai eu par moment, notamment dans les grands tutti, une certaine émotion, l'ensemble était somme toute décevant et sans grand intérêt. On avait déjà entendu ce chœur plus engagé.
Un petit intermède de piano jazz, offert par Eliyah Reichen. Malheureusement, il était difficile de l'entendre, le choeur d'enfant étant sorti sur le parvis pour être prêt à temps, et les enfants, surexcités, faisaient beaucoup de bruit. Je ne peux donc pas juger de sa prestation, mais j'applaudis la force de concentration, et sa capacité à improviser même dans un boucan pareil!
La remise des titres de l'Ecole de Musique, et voilà les enfants qui montent sur scène. Je me trouve en haut des escaliers de la galerie: devant moi, dans la salle, les têtes coiffées de bleu remplissent déjà la moitié des gradins, et derrière moi, par la porte ouverte, je vois la file qui entre encore et toujours à flot dans le Temple pour s'engouffrer dans la salle. Quand y en a plus, y en a encore! Sur scène, c'est la foire, les gamins imitent le public et s'éventent maladroitement et frénétiquement avec leur casquette, les musiciens fourmillent, déplacent des chaises, règlent les lutrins, le chef gesticule et crie sans être entendu...
Un grand Chuuuuuut! et l'Orchestre de l'Ecole secondaire et de l'Ecole de Musique peut commencer le Choeur des Furies de l'Orphée de Gluck, sous la baguette énergique (il faut bien, avec tout ce monde!) de Steve Muriset. Un orchestre avec des très jeunes enfants et quelques renforts professionnels ou étudiants avancés, le plaisir est là, la justesse un peu moins. Mais qu'importe. Solo du ténor Sébastien Eyssette, qui, comme tout chanteur qui se respecte, semble oublier que le rythme fait aussi partie de la musique. La pauvre harpiste, dont la nervosité colore le visage poupin de rouge, tient le tempo avec une précision de métronome, mais que faire lorsque le chanteur rallonge une pause d'une mesure? Un moment de décalage, rattrapé la phrase d'après grâce aux mimiques très expressives du directeur. La chose fait sourire: si on s'attendait à un flop, c'était bien du côté de la timide harpiste, pas habituée à jouer seule devant un public aussi conséquent, et non pas de la part du ténor professionnel!
La seconde pièce fait passez le tragique Orphée dans le comique, avec l'opérette Orphée aux enfers d'Offenbach. Leana Durney, soliste, se prend au jeux et mime avec beaucoup de conviction les paroles. On est tout de suite happé dans cette pièce gaie et légère, qui convient certainement bien mieux à un chœur d'enfant que le drame de Gluck.
En finale, America la célèbre pièce tirée de la comédie musicale West Side Story de Bernstein. L'orchestre joue dans toute sa puissance, les enfants chantent à plein poumon. Seul bémol, on voit bien que Gabriella Cavasino et Leana Durney bougent les lèvres, mais elles sont totalement couverte par la sonorité des petits chanteurs et de musiciens. Leana tente bien de forcer un peu, mais le résultat n'est pas très convaincant. Il aurait donc fallu que Steve muriset calme un peu ses troupes pour nous laisser entendre les deux soprani. Malgré cela, c'est une musique qui passe toujours bien, qui donne envie de frapper dans les mains et que le public a exigé en bis. Et le travail du chef et de ses assistants pour mettre en place cette pièce rythmiquement pas évidente est à souligner! Un beau projet, à qui on souhaite bon vent!
C'est loin, évidemment, des concerts de clôture précédents, qui ne donnaient la voix qu'aux musiciens des classes professionnelles - et j'avoue que je ne suis pas sans regretter la traditionnelle prestation de l'orchestre du conservatoire et de ses concertos - mais finalement, c'est une formule qui intègre les plus jeunes, ce que je trouve très bien.