lundi 19 mai 2008

A propos Mozart

J'ai beaucoup de peine avec Mozart.
Longtemps, j'ai pensé que sa musique était superficielle et rose comme les valses de Johann Strauss - certes, certes, c'est loin d'être le cas, je le sais!
Et puis j'ai découvert l'autre Strauss, celui que je vénère. Avec cet autre Strauss, le poète Hugo von Hofmannsthal (qui a écrit de nombreux livrets pour son ami Richard, notamment le génial Rosenkavalier*) et toute l'atmosphère décadente Fin de Siècle.
J'en suis revenue au Wienerwalzerkönig, à cette musique légère. superficielle. L'hypocrisie de cette noblesse et de cette bourgeoisie en décadence, et qui pourtant continue de vivre comme si de rien n'était. Il y a comme un fond de cynisme dans cette musique de prime abord insouciante. Peut-être aussi l'amertume de savoir que c'est état des choses ne durera plus, que la Götterdämmerung doit et va venir, bientôt.
Ainsi, j'ai commencé à voir autre chose dans l'œuvre de Mozart. Ou plutôt, j'ai commencé à y discerner quelque chose. Comme une seconde strate, un second niveau de compréhension de sa musique. Je ne peux évidemment formuler que de maigres hypothèses, absolument pas vérifiées: Mozart, le Wunderkind, celui qui amusait la galerie, ne glissait-il pas l'amertume, face à cette cour joyeuse, insouciante et insipide, dans ses partitions? Sa musique n'est-elle pas un paradoxe, unissant dans une même ligne la gaité frivole et la noire souffrance?
Sans doute, beaucoup de musiciens s'arrêtent à ce premier degré de musique facile. Leur sonate de Mozart devient une pièce nunuche et vide de tout intérêt autre que celui de faire passer vaguement le temps.
Sans doute aussi, la musique du Wunderkind de Salzburg est l'une des plus (la plus?) difficile à interpréter correctement, de par cette ambiguïté entre les différents niveaux de compréhension de la pièce.
Quoi qu'il en soit, un grand pianiste est un pianiste capable de me faire dire en jouant Mozart "tiens, c'est carrément assez bien pour ne pas mettre un CD de Beethoven à la place".
Pour le moment, celle qui a toute mon admiration, c'est la grande mozartienne Clara Haskil.

Pour le moment, j'évite encore soigneusement d'approcher mes doigts des sonates de Wolfgang Amadeus Mozart. Il me fait peur.

Toute cette réflexion est partie d'un passage dans les Bienveillantes de Jonathan Littell (prix Goncourt 2006) que je vous cite:

[le compositeur (fictif) von Üxküll à propos de Mozart]

"Je l'ai longtemps mésestimé. Dans ma jeunesse, il me semblait un hédoniste doué, sans profondeur. Mais c'était peut-être le jugement de mon propre puritanisme. En vieillissant, je commence à croire qu'il avait peut-être un sentiment de la vie aussi fort que celui de Nietzsche, et que sa musique ne paraît simple que parce que la vie, somme toute, est assez simple."



*à voir et écouter dans la version parue chez Deutsche Grammophon en 1994 (Kleiber, Lott, von Otter).

7 commentaires:

'tite Gogole a dit…

Au début aussi, je croyais que la musique de Mozart était "superficielle et rose". Et puis j'ai écouté Don Giovanni.

Waow.

la. a dit…

Don Giovaaaaaaaaaaaani! parlo ascolta più tempo non ho.
héhé!

BONNE NUIT!

'tite Gogole a dit…

(mince... on est déjà la nuit >_<' )

d'ailleurs, Die Zauberflöte aussi, c'est carrément génial.

la. a dit…

Boah... l'histoire est nulle. Vraiment!

Claudio Pinto a dit…

On dit souvent que Mozart est le plus inaccessible des grands maîtres de la musique. Et c'est vrai. Je l'ai découvert quand j'ai eu vingt-cinq ans (j'en ai trente-six aujourd'hui), bien que j'aie écouté sa musique depuis l'enfance sans que celle-ci m'ait réellement touchée. Certes, il m'a fallu une longue traversée dans le désert pour m'ouvrir au génie du Maître de Salzbourg. Depuis cette révélation mozartienne, tout a changé en moi et je ne vois plus la vie de la même façon.

Pour un génie aussi colossale que Mozart, il faut ne pas se presser, mais plutôt laisser la nature et la vie faire son oeuvre. Et Littell a quand même raison à propos de la simplicité de la vie, simplicité inhérente à la musique de Mozart, une simplicité inquiète et en permanente conscience du désespoir humain.

N'est-ce pas Chopin qui, sur son lit de mort, répliqua à ses amis qui voulaient exécuter sa Sonate pour violoncelle et piano : « Non, jouez moi de la grande musique. Jouez moi Mozart. »

la. a dit…

claudio: Notre Chopin qui es aux Cieux...
Ah zut, on parlait de Mozart!
Oui, Littell a raison, sans doute. Et moi, je bénis les trois filles qui m'ont offert cette place pour le concert Kissin/Kremerata Baltica, avec ce Mozart inhabituel et très convaincant.

Claudio Pinto a dit…

Bénir ces trois filles ? Oh que oui, après un si beau présent !