C'était une fin de journée, je les ai attendu sur le quai, mais ils ne venaient pas. La gare de Berne, affreuse en soi, mais toujours si délicieusement bondée. Il faut zigzaguer entre les petites grand-mères, les hommes d'affaires en complet-veston, et les maman débordées par leur marmaille bruyante.
Le soleil se pose comme une nappe de miel sur la ville. Je titube, encore profondément choquée par ma lecture dans le train - Les Bienveillantes, prix Goncourt 2006.
Devant le Theaterhaus, il y a beaucoup de jeunes assis sur les marches. Des groupes de gens qui discutent, se retrouvent, plaisantent. On dirait les avant-concerts à Berlin...
A l'intérieur, beaucoup de sièges vides nous invitent à prendre place dans les premiers rangs.
Le rideau se lève, Langsam Wozzeck!
L'orchestre joue en pleine puissance, une puissance sonore certainement pas adaptée à la petitesse de la salle. Les oreilles bourdonnent et les chanteurs ont du mal à se faire entendre. On comprend l'incident fâcheux qui s'est produit lors de la première: les musiciens, dans leur fosse, ont refusé de jouer à pleine force, arguant que leurs oreilles ne sortiraient pas intactes des moults représentations de l'opéra d'Alban Berg. Le chef, excédé, à interrompu la représentation et a fait recommencer le tout comme il l'entendait, sonorité au maximum.
L'opéra est donné d'une traite, à peine quelques instants entre les tableaux pour changer les décors. Le metteur en scène crée, avec un minimum de moyens beaucoup d'effets intéressants.
Wozzeck laisse place à des applaudissements songeurs. Il y a ceux qui n'aiment pas cette musique parfois difficile d'accès, ceux qui n'ont rien compris, et ceux qui - comme moi - se sentent interpelés, giflés par cette tragédie.
Une belle soirée à l'opéra, une soirée difficile aussi.
D'abord Les bienveillantes, puis Wozzeck... je ne suis plus loin d'adhérer à la philosophie pessimiste de Schopenhauer.
"Der Mensch ist ein Abgrund, es schwindelt einem, wenn man hinab sieht."
critiques:
Res Musica
Informations supplémentaires:
Vincent le Texier (Wozzeck)
Mardi Byers (Marie)