Quatrième de couverture :
«– Il ne faut pas chercher à m'en faire accroire, voyez-vous. D'abord parce que ça serait très lâche de chercher à tromper une aveugle... Et puis parce que ça ne prendrait pas, ajouta-t-elle en riant. Dites-moi pasteur, vous n'êtes pas malheureux, n'est-ce pas ?
Je portai sa main à mes lèvres, comme pour lui faire sentir sans le lui avouer que partie de mon bonheur venait d'elle, tout en répondant :
– non, Gertrude, non, je ne suis pas malheureux. Comment serais-je malheureux ?»
Mon avis :
Je ne suis pas une grande adepte de Rousseau, dont j'avais avalé avec beaucoup de peine les six premiers livres des Confessions au lycée. L'homme bon, généreux et droit, et vivant en parfaite symbiose avec la nature, je trouvait ça un peu basique (j'étais dans ma période Tolstoï à ce moment-là).
Or Gertrude, l'héroïne de la nouvelle de Gide, est un condensé de Rousseau. Enfant aveugle, est recueillie par un pasteur de la Brévine, elle n'a jamais été socialisée ou éduquée. Le pasteur se charge donc de l'instruire. L'être humain étant bon par définition et Gertrude n'ayant pas été pervertie par la société, elle a évidemment une conduite morale irréprochable. En plus de cela elle est très belle et vive d'esprit. Bref, elle a tout pour plaire, et elle plait de fait bientôt au bon pasteur – et à son fils. Gide se crée là une situation intéressante (conflit moral du père, compétition entre le père et le fils, abus d'autorité, etc.) qu'il n'explore malheureusement que du bout de la plume, puisque Gertrude reste le centre de sa nouvelle. Gertrude qui se croit amoureuse du père et qui, lorsqu'elle recouvre la vue suite à une opération, réalise qu'elle imaginait le pasteur sous les traits du fils de celui-ci et que c'était lui, ce fils éloigné d'elle par le pasteur jaloux, qui s'est converti et est entré dans les ordres par dépit, qu'elle aimait en réalité. Aveuglement du coeur, aveuglement des yeux, on ne sait plus trop. Les thématiques de Gide sont intéressantes, mais je trouve dommage qu'il se borne à les effleurer sans développer plus.
4 commentaires:
Je crois que le charme de ce texte tient aussi dans son caractère naïf. Le fait que ce soit raconté aussi benoîtement, et sans introspection fine, le rend plus attachant que si on nous gratifiait d'une leçon de choses hugolienne où chaque impulsion serait explicitée.
D'où le double coup de théâtre final, qui laisse le lecteur rééclairer ce qu'il a lu, sa propre crédulité, etc.
Il ne faut pas non plus y voir un ouvrage très ambitieux, à mon avis.
En effet, c'est très naïf.
Mais je reste malgré tout frustrée que Gide n'utilise pas mieux les pistes de réflexions qu'il se donne.
Oh lis Les Faux Monnayeurs...
Oui.
Et toi, il faut écouter ça : http://www.franceculture.fr/emission-fictions-le-feuilleton-le-temps-du-coeur-correspondance-paul-celan-%E2%80%93ingeborg-bachmann-14-20
– merci pour ta lettre.
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