C'est désormais une évidence, je me suis entichée de cet écrivain hongrois du XXe siècle. De son oeuvre qui s'insère dans le cadre d'une bourgeoisie humaniste qui est morte avec la Seconde Guerre mondiale, à laquelle j'aurais voulu appartenir aussi, sans doute. Troisième ouvrage de Márai, découvert à travers ses Confessions d'un bourgeois, approfondi à travers ses Braises (lu en allemand). Maintenant, j'en suis revenue à ses récits autobiographiques, que je préfère, à ses Mémoires de Hongrie, avec cette magnifique photo de Budapest, de Pest plutôt, pour être précis, prise depuis les hauteurs de Buda, quelque part durant l'entre-deux guerre.
Livre de Poche, 443 pages
Quatrième de couverture:
Antifasciste avant la guerre, "ennemi de classe" sous l'ère soviétique, témoin d'un monde qui se délite, Sandor Marai connut avant son exil officiel vers les États-Unis un tragique exil intérieur. Rédigés vingt ans après les événements évoqués, ces Mémoires composent une fresque saisissante de la Hongrie à une époque cruciale de son histoire et mettent en lumière le trajet bouleversant de l'auteur des Braises. Avec verve et sensibilité, Marai raconte l'entrée victorieuse des chars soviétiques en Hongrie en 1944 et l'instauration du régime communiste. L'écrivain doit se résigner à l'évidence : l'humanisme est assassiné, on assiste au triomphe d'une nouvelle barbarie à laquelle, une fois de plus, le peuple se soumet. Isolé et impuissant, Marai décide de quitter son pays : "Pour la première fois de ma vie, j'éprouvai un terrible sentiment d'angoisse. Je venais de comprendre que j'étais libre. Je fus saisi de peur", écrit-il la nuit de son départ, en 1948.
Mon avis: *****
J'ai adoré. Bon bien sûr, du moment que j'admire profondément Márai, que j'ai une fascination particulière pour l'Europe torturée du XXe siècle et une attirance pour l'Europe de l'Est, et depuis que j'y ai remis les pieds ce printemps, pour la nostalgique Budapest, le contraire eut été surprenant.
Ce livre est une mine d'or pour tous ceux qui s'intéressent à la Hongrie, aux "colonisations soviétiques" des années 50, à la situation de Budapest durant cette période cruciale de 1945-1948. L'auteur narre la cohabitation avec les soldats russes, l'appartement de fortune, la solitude des Hongrois, ce peuple étrange, à cheval entre Orient et Occident, coincé entre les peuples germains et les Slaves, à la recherche fébrile et désespérée de son identité. C'est une histoire de la littérature hongroise aussi, Jókai, Babits, Kosztolányi, Krudy, Vörösmarty, et tant d'autres, chacun est honoré, par quelques vers cités, par des anecdotes, par un chapitre plein d'admiration.
C'est avant tout le cri d'un écrivain, revenu au pays après une visite en occident, parce que sa seule raison d'être, c'est le hongrois, si solitaire dans sa différence avec les autres langues. Cet écrivain qui décide de parler dans sa langue maternelle, de se taire dans sa langue maternelle. Avant d'arriver à la conclusion que rester, c'est courir le danger de succomber aux lavages de cerveaux de la propagande communiste.
Et pour moi, c'est le début d'une découverte: celle de la richesse de la littérature hongroise, de son essence aussi, un peu.