KKL, 17.11.2008, 19:30
Si Evgeny Kissin se pliait docilement aux volontés de son public, rien de tel pour le pianiste français Pierre-Laurent Aimard. Tout d'abord dans le choix du programme, assez audacieux avec un accent sur les compositeurs du XXe siècle:
- Robert Schumann (1810–1856) Gesänge der Frühe. Fünf Stücke für das Pianoforte op. 133
- Frédéric Chopin (1810–1849) Berceuse Des-Dur op. 57
- Claude Debussy (1862–1918) Suite bergamasque
- Olivier Messiaen (1908–1992) Aus Catalogue d’Oiseaux: La chouette hulotte und
- L’alouette lulu
- Aleksandr Skrjabin (1872–1915) Poème-Nocturne op. 61
- Béla Bartók (1881–1945) Im Freien. Fünf Klavierstücke Sz 81
Enfin, le pianiste reviendra saluer cinq ou six fois, mais ne donnera pas de bis. Je suis frustrée.
Le récital s'ouvre sur cinq pièces de Schumann, dont la première éblouit tout particulièrement par la profonde ferveur de cette écriture en choral. Comme il le montrera plus tard dans un Messiaen sublime, Aimard sait habiter les silences et les longues tenues, qui deviennent les pièces maîtresses de l'intensité du discours. Malheureusement, le gang des tousseurs impose toujours sa loi dans l'acoustique incomparable du KKL, et l'un d'eux ponctuera tout Schumann de ses toussotements. Un beau moment qui supporterait néanmoins un peu plus de poésie et de passion.
Aimard garde les mains sur le clavier, la tension monte dans ce silence qui se prolonge à la limite du supportable, et le pianiste enchaine avec la Berceuse de Chopin, juste avant que ce ne soit trop tard. Ce n'est pas tellement une berceuse que nous entendons, plutôt une romance, aux nuances trop prononcées à mon goût. J'aime mieux quelque chose de très piano, tout dans des demies-teintes.
Immédiatement, un Debussy très bien mené, pas trop flottant, au contraire, avec du corps, de la matière, un Debussy que j'ai eu plaisir d'entendre - ce qui n'allait pas de soi: cet été, au festival de Montpellier, j'ai eu ma dose annuelle de musique impressionniste; Debussy et moi, on est copain juste ce qu'il faut, on évite de se croisier trop souvent - peut-être justement parce qu'il était moins éthéré que celui que j'ai l'habitude d'entendre. Je pense que Pierre-Laurent Aimard aurait pu jouer Debussy toute la soirée, je n'y aurais pas vu d'inconvénient.
Après l'entracte, Messiaen, avec ses longue notes pleines de vie, ses oiseaux qui piaillent, qui gazouillent, et toute sa bassecour. C'est une balade en forêt, comme du temps de l'école primaire. La maîtresse ordonnait de fermer les yeux et de tendre l'oreille. Et, captivés, les enfants guettaient le moindre bruit. Ici, nous sommes des adultes, la maîtresse est un pianiste, et la forêt, c'est Messiaen.
Un Scriabin assez tardif, assez audacieux, voilé, dans lequel les oiseaux continuent de chanter. Des oiseaux de nuit, perché dans le feuillage qui bruisse doucement sous la lune, qui, à l'image des Gesänge, manque peut-être un peu de romantisme.
Et nous terminons notre promenade dans la nature avec Im Freien de Bartók. Précis, incisif, concentré, les jeux de rythmes sont envoyés dans la salle avec une clarté étonnante, c'est prenant au point qu'on aurait envie de marquer les temps avec le corps. Le programme se termine avec un grand bouquet final, la salle est chaud-bouillant. Et pas un bis. Malgré le troisième balcon que j'avais réussi à 'chauffer'. On criait à qui mieux mieux, le seul résultat était un salut chaque fois un peu plus profond. Grmpf. radin.
2 commentaires:
Je lis avec plaisir cette critique sensible et fine. Merci!
Merci! Il faudrait vraiment que je songe à me relire pour corriger l'orthographe et les fautes de frappe...
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