Auteur: Louis-Ferdinand Céline
Titre original: Voyage au bout de la nuit
Première parution: 1952
Traduction: -
Quatrième de couverture:
- Oh! Vous êtes donc tout à fait lâche, Ferdinand! Vous êtes répugnant comme un rat...
- Oui, tout à fait lâche, Lola, je refuse la guerre et tout ce qu'il y a dedans... Je ne la déplore pas moi... Je ne me résigne pas moi,,, Je ne pleurniche pas dessus moi... Je la refuse tout net, avec tous les hommes qu'elle contient, je ne veux rien avoir à faire avec eux, avec elle. Seraient-ils neuf cent quatre-vingt-quinze millions et moi tout seul, c'est eux qui ont tort, Lola, et c'est moi qui ai raison, parce que je suis le seul à savoir ce que je veux: je ne veux plus mourir.
Mon avis: **
Il m'aura fallu beaucoup de volonté pour persévérer dans la lecture du célèbre des romans de Céline. L'atmosphère extrêmement glauque et nauséabonde des récits, le style d'écriture très langage parlé à la Petit Nicolas (Même à déboucher les cabinets, elle devait souvent renoncer, la mère Cézanne tellement c'était difficile au lieu de C'était si difficile de déboucher les cabinets que la mère Cézanne devait même renoncer à faire cela et C'est tout à fait comme ça! que m'approuva Arthur (...) "J'vais voir si c'est ainsi! que je crie à Arthur), style enfantin qui fait tout le charme des histoires du Petit Nicolas (dont je suis d'ailleurs une très grande fan, soit dit en passant, et sans la moindre honte, bien que j'ai passé l'âge de lire cela), mais que je trouve décidément insupportable dans un roman noir comme l'est Voyage au bout de la nuit. Cela donne une touche de gaité juvénile à un narrateur qui est tout sauf joyeux et innocent.
Là où les romantiques usaient de pathos parfois grandiloquent en puisant dans le champ lexical de la douleur, du déchirement et de la souffrance, Céline nous submerge de moiteur, d'odeur d'entrejambe, de pulsions charnelles, de transpiration et de déjections, substituant à la noblesse de la souffrance la bassesse du dégoût. Voyage au bout de la nuit n'est pas écrit mais vomi, on répugne à le tenir dans ses mains, on se sent devenir sale à sa lecture, comme si la boue, la sueur et les excréments nous collaient à la peau à la simple vu des mots.
Cette puanteur qui hante le roman vient souiller des idées qui sont parfois finement pertinentes, mais au-dessus desquelles on passe le plus vite possible, pour éviter que la mauvaise odeur ne s'imprègne dans nos vêtements. C'est un peu dommage. Céline en fait trop à mon goût. Le roman devient une sorte de cauchemar d'un homme névrosé. Peut-être est-ce là le but de l'œuvre, toujours est-il que je n'ai pas aimé et que c'est avec un énorme soulagement que j'ai tourné la dernière page pour ouvrir la porte sur la Moscou de Boulgakov.
Il n'en demeure pas moins que le Voyage au bout de la nuit fait partie intégrante des classiques de la littérature française, et que je conseille à tout le monde de prendre sa croix et de lire au moins une œuvre de Céline.
20 commentaires:
C'est marrant que tu trouves qu'il y ait une atmosphère nauséabonde, que ça soit sale, etc.
Ça l'était aussi dans Les Bienveillantes, non ?
Justement, dans Céline, je n'avais pas trouvé le langage enfantin, mais plutôt proche de l'oral, aussi sale que le bouquin. Un truc qui colle un peu à la peau. Alors que Les Bienveillantes, ça m'avait un peu agacée, ce style ampoulé, cet étalage de culture pour parler des problèmes intestinaux et égocentrique d'un nazi.
Oui, mais un nazi cultivé quand-même, qui lit Flaubert et écoute Bach. Ferdinand, c'est à peine s'il lit une bouquin par an, quand à la musique, ce n'est pas son fort non plus.
Et puis il est mou, mou, mou! C'est insupportable.
Dans Céline, tout est fange, les hommes, le décor, les actes. Uniforme si tu veux. Dans Litell, il y a cette terrible dualité entre l'homme finement cultivé et ses actes d'une horreur bestiale. C'est beaucoup plus violent. Et cela me fait plus réfléchir.
Chez Littel, l'auteur étale sa science, et ennuie son lecteur, en se la jouant rebelle parce qu'il a écrit caca et qu'il a donné la parole à un méchant. Le thème "les nazis étaient des hommes" est un peu éculé (et puis franchement... on s'en doute que c'était pas des loups à moitié à poils avec des massues dans les mains), et d'autant plus maladroit que le personnage principal est tout sauf crédible.
Alors que Céline, en 1932 fiche un énorme coup de pied dans la fourmilière en renversant toutes les valeurs (autant sur la forme que sur les idées).
(les valeurs de son époque)
Certes, il renverse des valeurs... mais pour les remplacer par quoi? Par de la haine. Bravo, la belle invention!
Non, Doudou, Céline ne sera jamais mon auteur. Je n'ai que faire des nihilistes fachos. Ce sont des lâches et des égoïstes, et en ce qui me concerne, les gens comme ça, je puis m'en passer fort aisément.
Je ressens la même chose que toi, d'une certaine façon. Nihiliste facho, lâche et égoïste, c'est Céline tout craché, incontestablement.
Seulement il a inventé un style, la fameuse "petite musique" à la fois brutal et dépouillé qui peut donner beaucoup de force à sa voix lorsqu'il n'exprime pas la haine, justement. Par exemple, j'ai relu à plusieurs reprises les 80 premières pages du Voyage : c'est à mon sens le plus fabuleux texte que l'on puisse concevoir sur la détestation de la guerre.
C'est pas faux.
Mais tout de même: quelle immonde crapule opportuniste, ce Céline! Pouah!
Certains disent qu'il faut de toute façon être pas mal fêlé pour être un grand artiste, pas mal égocentrique, et tout et tout.
Toi par exemple, tu n'as vraiment aucune chance : tu es bien trop parfaite !
Si tu lis que les auteurs moralement parfaits, et qui ont eu une vie exemplaire, ça limite sérieusement...
delest: fêlé, peut-être. Surtout radical je crois. Et un petit peu imbu de soi-même, mais juste assez pour ne pas avoir honte de ses créations. (quoique, Brahms...)
doudou: on trouve quand-même des gens qui sont généreux et nobles, pas que des fachos opportunistes et lâches. Tellement lâches. Regarde Pouchkine (notre père qui es au cieux), mort en pleine ébullition de passion! C'est un tout autre calibre que ce vieux rat malsain de Céline.
@lavinie:
Céline "nihiliste facho , lâche et égoïste, crapule opportuniste, imbu de soi-même, rat malsain"...
Mais Céline n'a fait que montrer la noirceur des hommes, c'est à dire de vous et moi. Fasciste il ne l'était pas, lâche en quoi, opportuniste quand ça (ses pamphlets sont écrit avant guerre), rat malsain? Céline médecin hygiéniste...
Si mes souvenirs sont bons, il a quand-même voulu se tirer au Danemark rejoindre son argent, faute de pouvoir s'y rendre s'installe dans l'Allemagne d'Hitler, a collaboré dès l'occupation avec les nazis, et aura par la suite le culot de solliciter l'intégration à l'Ordre des médecins, juste pour avoir une retraite.
Si avec tout cela, il n'est ni facho ni opportuniste!...
(Le terme 'imbu de lui-même' ne s'appliquait en l'occurrence pas à Céline, mais à l'artiste en général.)
Je n'aime pas Céline non plus (argh, homonyme !), et je n'ai pas lu le même livre, j'ai lu le dernier.
Sa jolie première page m'a particulièrement plue : " metissage ! oppression de l'homme blanc par les jaunes, les rouges, les noirs ! Nous sommes faits pour disparaître, nous sommes dominés ! etc etc" et ça continue, tout le livre durant.
Et effectivement, mOssieur ne s'est pas privé d'être du côté allemand, surtout histoire de ne pas se faire massacrer. En gros, je me mets du côté du vainqueur, peu importe les idées, même si je ne suis pas tout à fait contre leur idéologie ( ça aussi, il l'a écrit noir sur blanc (bon, peut-être pas la même phrase, j'ai pas le livre dans la tête non plus)).
Bref bref bref, je m'arrête ici.
Céline n'a pas collaboré avec l'occupant allemand.
Il a rejoint le Danemark en passant par l'Allemagne après avoir reçu des menaces de mort...
Il est médecin, a pratiqué en dispensaire... en quoi n'aurait-il pas les mêmes droits que les autres médecins ?
Dans ce cas, je ne sais pas d'où vous tenez vos informations: j'ai toujours lu et entendu dire qu'il avait été un collabo, par ailleurs disgracié à l'issue de la guerre, puis réhabilité. Et que son 'passage par l'Allemagne' comme vous dites, était drôlement long.
Quant à ses propos antisémites, ils me paraissent indéniables.
Si mes souvenirs sont bons, les médecins de l'Ordre doivent payer une contribution, mensuelle ou annuelle, je ne sais plus. Et monsieur Céline s'est arrangé pour en être dispensé, tout en recevant sa retraite. C'est ça que je nomme opportunisme. Entre autre.
Ceci dit, je crains que nous ne tombions d'accord un jour: vous semblez fervent célinien alors que je suis tout le contraire...
On peut aussi admettre que le type était un abruti mais que son écriture est géniale...
C'est plus ou moins mon avis, bien que je ne qualifierais pas son style de 'génial', mais plutôt de nouveau. Céline, il faut bien lui rendre cela, a su trouver une nouvelle forme d'écriture. Il a inventé un style, ça, je suis d'accord, même si je n'aime pas particulièrement le style en question. (Mais c'est là un avis personnel et subjectif.)
"Ceci dit, je crains que nous ne tombions d'accord un jour: vous semblez fervent célinien alors que je suis tout le contraire..."
Effectivement, mais nous serons d'accord sur au moins une chose, l'antisémitisme de Céline...
Je suis contente que vous ne niiez pas cela.
"mais un nazi cultivé quand-même, qui lit Flaubert et écoute Bach"
Alors c'est pire...
Vous êtes injuste avec Céline car vous ne le comprenez pas. Et ce d'autant moins que vous ne le connaissez pas. C'est flagrant au vu de vos messages ci-dessus.
Parlant de lâcheté/courage, avouez qu'à notre époque, ce n'est pas faire montre d'une grande noblesse de coeur que de se lâcher sur un "antisémite" ou réputé tel.
Le pire, c'est qu'à la réflexion (et en toute impartialité), votre caractérisation de l'oeuvre rappelle le traitement infligé par les nazis aux expressionnistes allemands, vous savez, les tenants de cet art dit "dégénéré". Céline, n'est-ce pas en quelque sorte l'expressionnisme en littérature?
Je pense que vous êtes une fille douée d'une certain intelligence morale. Aussi je vous dis les choses en toute franchise pour vous inciter à réfléchir. Je n'ai aucun intérêt à la chose, notez le bien. Naturellement, il est possible que vous m'ayez d'ores et déjà relégué mentalement dans une sorte de goulag ou de Konzentrationslager. Je dois dire que dans ce fil (qui remonte à plus d'un an il est vrai), vous avez un peu les accents d'un personnage tout droit tiré du meilleur des mondes ou de fahrenheit 451 (je pense à l'épouse de Montag et à ses amies, il y a une adaptation de Truffaut, vous connaissez peut-être?)
Je préciserais que si je connais suffisamment LFC et le caractère de son époque pour me garder de le condamner de façon aussi péremptoire, je ne cautionne nullement l'esthétique de la merde. De fait, je partage entièrement le point de vue de Tarkovski (et d'un certain nombre de penseurs russes) sur la responsabilité de l'artiste.
PS: La médiocrité morale n'est pas toujours là où on croit...
«M'avez-vous assez prié et fait prier par Dullin, par Denoël, supplié "sous la botte" de bien vouloir descendre vous applaudir!»
http://dndf.over-blog.com/article-2365298.html
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