Auteur: Jean-Paul Sartre
Titre original: Huis Clos / Les mouches
Première parution: 1947
Traduction: -
Quatrième de couverture:
GARCIN: - Le bronze... (Il le caresse.) Eh bien, voici le moment, le bronze est là, je le contemple et je comprends que je suis en enfer. Je vous dis que tout était prévu. Ils avaient prévu que je me tiendrais devant cette cheminée, pressant ma main sur ce bronze, avec tous ces regards sur moi. Tous ces regards me mangent... (Il se retourne brusquement.) Ha! vous n'êtes que deux? Je vous croyais beaucoup plus nombreuses. (Il rit.) Alors, c'est ça, l'enfer. Je n'aurais jamais cru... Vous vous rappelez: le souffre, le bûcher, le gril... Ah! quelle plaisanterie. Pas besoin de gril: l'enfer, c'est les Autres.
Mon avis:
J'ai lu Vian avant de lire Sartre, pour le coup, j'étais très méfiante face celui qui se nomme Jean-Sol Partre dans l'Ecume des jours.
Mais... mais!
Je me suis plongée dans Huis clos, en ayant le sentiment de lire une pièce absurde de Ionesco, avant de comprendre que le décor se situait dans l'imaginaire de l'enfer: un chambre close, une ampoule toujours allumée, une sonnette qui ne marche pas, 3 divans, un bronze, une cheminée, un homme et deux femmes.
Huis clos met au grand jour les ruses de chacun pour s'approprier le dessus face à l'autre. Une lutte de pouvoir, que gagnera celui qui fera les meilleurs coups bas. Sartre évoque le poid de l'Autre, la violence de son regard, la brutalité de ses mots. "L'enfer c'est les Autres". Et cet enfer moral est bien pire que la souffrance physique du feu et du souffre:
L'extrait:
GARCIN: Ouvrez! Ouvrez donc! J'accepte tout: les brodequins, les tenailles, le plomb fondu, les pincettes, le garrot, tout ce qui brûle, tout ce qui déchire, je veux souffrir pour de bon. Plutôt cent morsures, plutôt le fouet, le vitriol, que cette souffrance de tête, ce fantôme de souffrance, qui frôle, qui caresse et qui ne fait jamais assez mal.
[Les mouches]
Mon avis:
Si j'ai beaucoup apprécié Huis clos, j'ai encore plus aimé Les Mouches. Un remake du meurtre d'Egisthe par Oreste. Tout d'abord il y avait la joie inattendue de retrouver l'univers des tragédies grecques, cet univers d'idéal, de destinée fatale, de grandeur, de dieux, de dignité. Cette Grèce antique à la fois brutale et belle.
Sartre évoque la liberté de l'homme, et le prix à payer pour posséder cette liberté. Oreste, par son érudition et son innocence est libre. Libre de tuer Egisthe et Clytemnestre pour venger son père Agamemnon, libre des remords. Mais sa liberté le rend apatride et l'isole du monde comme la lèpre isole le lépreux. Possédé par personne, il ne peut posséder quelque chose... sinon les remords d'être libre.
On pourrait certainement voir dans le parcours d'Oreste une sorte de rite initiatique: l'enfant au visage de fille fait son acte qui le mène dans le monde adulte.
J'ai lu cette pièce d'une traite, trop vite, et j'ai sans doute passé au-dessus d'une foule de symboles et d'éléments très intéressants, d'où cette critique très pauvre et maigrichonne. Il faudra le relire. Mais en attendant, je laisse mûrir la chose et vous quitte avec un extrait:
L'extrait:
ORESTE: Hier, j'étais près d'Electre; tout ta nature se pressait autour de moi; elle chantait ton Bien, la sirène, et me prodiguait les conseils. Pour m'inciter à la douceur, le jour brûlant s'adoucissait comme un regard se voile; pour me prêcher l'oubli des offenses, le ciel s'était fait suave comme un pardon. Ma jeunesse, obéissant à tes ordres, s'était levée, elle se tenait devant mon regard, suppliante comme une fiancée qu'on va délaisser: je voyais ma jeunesse pour la dernière fois. Mais, tout à coup, la liberté a fondu sur moi et m'a transi, la nature a sauté en arrière, et je n'ai plu eu d'âge, et je me suis senti tout seul, au milieu de ton petit monde bénin, comme quelqu'un qui a perdu son ombre! et il n'y a plus rien eu au ciel, ni Bien, ni Mal, ni personne pour me donner des ordres.
6 commentaires:
Sartre va être notre première lecture de 3ème, on a pu choisir entre Les Mouches et La Nausée.
Pour finir, le deuxième l'a emporté, au plus grand dam des "petits lecteurs" : 300 pages ? autant que ça ? comment on va faire pour survivre, nous ?
Dans tous les cas, ça a l'air bien cool :)
Dans le langage des blogs, les Autres, on les appelle des commentateurs.
Cà me va assez bien d'être ton Enfer, j'ai un caractère aussi épouvantable que celui d'Inès Serrano. :-)
Ouais, Les Mouches, j'aime bien aussi.
Mais les ailes, à force, ça irrite le fond de la gorge.
céline: cool, profite!
mikado: ah bah, tant que tu n'es pas cette nunuche larmoyante d'Estelle, l'enfer peut être supportable.
delest: Sans parler du bruit excédant.
Hummmm... j'avais adoré il y a quelques années, maintenant, je ne sais pas pourquoi, je n'accroche plus. Il me semble avoir préféré les Mouches.
Moi z'aussi, ma belle dame!
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