lundi 16 mars 2009

La jeune fille au pair (Joseph Joffo)

Jeudi, je me suis évadée à la bibliothèque après mon cours de piano. Je voulais entre autre retrouver le titre et l'auteur d'un roman sur le Christ que j'avais lu il y a quelques années (La dernière tentation du Christ de Nikos Kazantzaki, qui a apparemment inspiré le film contesté de Scorsese, que je n'ai quant à lui jamais vu - beaucoup trop violent pour moi). Bref. Et je me suis retrouvée face aux romans de Joseph Joffo, l'auteur du grand classique Un sac de billes que j'avais lu dans mon enfance, ainsi que toutes les oeuvres en possessions de la bibliothèque. Toutes? Non! J'ai tiré du rayon un livre intitulé la jeune fille au pair, en me disant, ben tiens, exactement ce que je fais en ce moment! En lisant la quatrième de couverture, j'ai réalisé que c'était même exactement ce que je suis en ce moment:

Hachette, 186 pages


Quatrième de couverture:
Montmartre; à la Libération.
Jeune Allemande arrivée à Paris, Wanda devient fille au pair auprès d'une famille juive, les Finkelstein. Elle espère ainsi pémétrer dans cette communauté et comprendre ces gens que les Nazis avaient voués à l'extermination.
Peu à peu, grâce à Samuel, Hélène et leurs enfants, la jeune fille va dépouiller ses préjugés et commencer d'apprécier et de mieux comprendre ce peuple qui se découvre à elle. Pourtant, malgré l'amitié neuve qui la soutient, il lui arrive de disparaître sans raison ni objet. Qu'est-elle venue chercher là, en fait? La paix? Le pardon, la libération de sa mémoire? Et si oui, de quoi? Quel est le secret qui hante la vie de Wanda?
Ce récit bouleversant, mais tendre et drôle aussi, est l'histoire d'une expiation où le coeur mène l'esprit, où l'apprentissage de la fraternité humaine débouche sur une véritable conversion intérieure.


Mon avis: *****
Ces distribution d'étoiles sont toujours extrêmement subjectifs et imprécis. Il est évident qu'il y a des auteurs que je trouve plus "littéraires", qui ont un usage de la langue beaucoup plus raffiné et percutant. Mais Joseph Joffo a été un des auteurs qui ont bercés ma pré adolescence, et qui m'ont permis d'entrer un peu dans le destin noble et douloureux du peuple Juif. Et ce roman est un très bel acte de réconciliation envers les Allemands de cette génération - sa génération - qui a subit la guerre dans son enfance et qui s'est retrouvée avec le poids immense de la faute de ses parents. Mais le récit touche également la deuxième génération, celle des petits-enfants de ceux qui ont porté les armes. Étant moi-même Allemande de par mon père, je me suis retrouvée dans le personnage de Wanda. Que fais-je d'autre que de tenter, depuis ma prise de conscience du lourd passé de mon pays, de me réconcilier avec l'horreur nazie? Comme Wanda, je me sens coupable - le fait que je n'aie pas moi-même tué n'est pas un argument valable; j'ai eu la chance de naître quarante ans après la guerre, c'est tout. C'est rien. Et, comme Wanda, j'aimerais partir comme jeune fille au pair, officiellement pour apprendre une langue, officieusement pour vivre au sein d'une famille juive, les aimer, chercher le pardon. Joseph Joffo a su se mettre dans la peau de ceux dont les parents ont déporté ses propres parents, tué son père, ses oncles, ses tantes, ses amis, et mettre le doigts sur leurs souffrances d'enfants de bourreaux. Je salue le courage, la sagesse et l'amour de Joseph Joffo.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Sans vouloir être rabat-joie, chère Lavinie, d'autant que j'aime beaucoup votre blog - vraiment ! -, je trouve, qu'en l'espèce, votre formule " Dans cette perspective de pardon, le livre mérite bien plus de cinq étoiles " s'avère singulièrement maladroite.

la. a dit…

Oui, c'est très boiteux, mais je ne savais pas comment formuler ma phrase, sans réutiliser le terme réconciliation.

'tite Gogole a dit…

C'est bizarre de se sentir coupable pour des actes que l'on n'a pas fait. Tu n'as pas "la chance" d'être née cinquante ans après : tu es différente, tu as une mentalité différente, un contexte différent : les Allemands d'aujourd'hui ne sont plus ceux d'hier. En plus, l'antisémitisme n'a pas de rapport avec la nationalité.

la. a dit…

Bon, pour moi, le fait que ce soit arrivé aux Allemands n'est ni un hasard, ni juste la conséquence du traité de Versailles. Tout comme le fait que le siècle des Lumières appartient aux Français et celui du romantisme aux Allemands.
C'est un peu long d'expliquer tout mon point de vue ici, mais en bref, je pense que c'est justement ce romantisme allemand, qui a évolué jusque dans l'extrême, un peu comme la musique, qui est devenue de plus en plus déchirée dans ses chromatisme chez Wagner, avant d'éclater totalement chez Schönberg. L'idéalisme romantique a gonflé, et comme la grenouille chez La Fontaine, il a explosé: l'obsession du pur, du vrai et du beau s'est incarnée dans l'aryen, et tout ce qui s'en écarte à été supprimé par le sang.
Et là où le bât blesse, c'est que j'ai moi aussi cette tendance à l'idéalisme et la préoccupation de la pureté, de l'intégrité et de toutes ses vertus, qui ont été détournées par les nazis. Tant que je ne peux pas dire avec certitude que je n'aurais non seulement pas collaboré avec le Reich, mais agi contre lui, malgré le danger de la torture et de la mort, je suis coupable.
Parce que si je m'absous simplement en supputant que je n'ai rien fait, l'histoire recommencera encore, et le passé ne m'aura rien appris.

'tite Gogole a dit…

Hmmm... Moi aussi, j'ai ces tendances (idéalisme, pureté, etc.), pourtant je ne suis pas Allemande, et je suis d'ailleurs presque sûre que soixante ans plus tôt, je n'aurais pas collaboré (j'aurais eu du mal...).

Donc je n'ai pas de culpabilité à propos de cela. Pourtant, l'histoire m'a appris quelque chose : à me méfier de moi-même, à savoir que l'humain peut aller très loin et que toute théorie est potentiellement dangereuse. D'autres petites choses, comme la méfiance des foules et de l'émotion sans recul.

C'est pour cela que je suis surprise par la culpabilité de certains Allemands, aujourd'hui : tout le monde est concerné.
Par exemple, chez pas mal de Juifs, ça a créé un sentiment très bizarre, très fort (et très pesant, parfois... Et à mon avis aussi bizarre que le traumatisme Allemand, quoique légèrement plus compréhensible, dans la mesure où l'on n'a pas à se reprocher les actes de ses ancêtres, par contre les attaques portées à ces ancêtres, de plus à cause d'une identité qui est toujours la nôtre...).
Ce n'est pas de la culpabilité, puisqu'il s'agit des victimes. Pourtant, ça donne aussi un prisme pour analyser la situation (en gros, tout est ramené et discuté par rapport à cela) : on le voit par exemple dans le film Waltz With Bashir d'Ari Folman : la prise de conscience du type se fait en lien avec la Shoah).

Donc, en gros, pour résumer ce long com', je comprends que la seconde guerre mondiale ait créé un traumatisme, et changé les regards, qu'elle ait encore un très fort impact sur les mentalités, mais ça me semble bizarre que tout cela passe par autant de culpabilité pour certains uniquement à cause d'une question de nationalité.

Enfin, après je dis ça, je manifeste juste mon étonnement.

la. a dit…

Certainement je suis un peu extrême, c'est un trait de caractère chez moi. Mais.

Pour le nazisme, je n'aurais sans doute pas collaboré par conviction. Non. Mais par lâcheté peut-être, ce qui est certes moins abominable, mais ne change rien - ou très peu - au résultat final.

Il y a des gens qui ont un noble courage, et qui savent rester fidèles à leurs convictions quoi qu'il (leur) arrive. Je ne suis pas de ceux-là. Mais je crois qu'il y a une solution pour les lâches potentiels comme moi: prendre sa décision à l'avance. Décider qu'on n'agira jamais contre sa conscience, quelle que soit la souffrance à laquelle on s'expose. Et c'est pour cela que ce sujet me préoccupe tant.