Temple du Bas, Neuchâtel, dimanche 22 février 2009, 17:00
C'était dimanche. C'était les vacances. J'avais oublié ce léger détail, qui s'est avéré être de première importance lorsque j'ai consulté l'horaire des bus à l'arrêt: rien avant une demie heure. Sauf que dans une demie-heure, mon concert aurait déjà commencé. Il a fallu aller à la gare, attendre, attendre, puis sortir en courant, traverser la ville au triple galop, glissant dans la neige collante, et entrer à la dernière minute dans le Temple du bas. Ouf!
Deux pièces contemporaines dont une création, un concerto et une symphonie. De quoi rester bien réveillé. L'ESN - Ensemble Symphonique de Neuchâtel (fusion entre l'OCN et l'OSN (orchestre de chambre, respectivement symphonique de Neuchâtel) jouait sous la baguette de l'excellent chef invité Noam Sheriff et avait l'honneur d'accompagner le grand clarinettiste Pascal Moraguès dans le concerto pour clarinette de Weber.
En préambule au concert, Noam Sheriff a pris le micro, pour expliquer, dans un anglais à l'accent chaleureux et plein d'humour, les deux pièces contemporaines, la création de Vincent Pellet, et sa propre composition, Prayers. Une initiative encore trop peu prise, alors qu'on sait à quel point la connaissance aide à la compréhension, qui elle est un élément clé dans l'appréciation d'une œuvre. Donc - commentez, ou faites commenter les œuvres, parce que le nombre d'auditeurs qui lisent le programme est très restreint.
La soirée s'ouvrait sur ESN 253, commande de l'ESN à Vincent Pellet, présentée en création mondiale. J'avais déjà eu l'occasion d'entendre l'une de ses oeuvres lors du concert de clôture du conservatoire neuchâtelois, si ma mémoire est bonne, et je crois pouvoir affirmer que j'ai du plaisir à ses compositions. Cette nouvelle partition entendue ce soir n'a pas changé mon opinion. Je n'ose pas trop m'aventurer à une présentation de l'oeuvre, car les notes prises dans mon petit carnets s'enchevêtrent d'une telle manière qu'il me paraît impossible de ne pas mélanger les éléments des deux compositions contemporaines de cette soirée. Mais, si je ne m'abuse, c'est bien chez Pellet que le thème ne fait curieusement son apparition qu'à l'extrême fin. Et pour éviter de trop m'embrouiller, voici le court - trop court! - descriptif tiré du programme:
Commande de l’Ensemble Symphonique de Neuchâtel, ESN 253 fait référence au métal radioactif découvert pour la première fois sous la forme de son isotope 253, récupéré dans les débris résultant d’une explosion thermonucléaire (bombe H) : l’einsteinium (Es). En physique nucléaire et en chimie, deux atomes sont dits isotopes s’ils ont le même nombre de protons en leurs noyaux mais un nombre de neutrons différent. On obtient de l’einsteinium (Es) en bombardant les atomes de plutonium avec des neutrons lents (n), ce qui aboutit aux initiales Esn. Dans la pièce « Esn 253 », les différents éléments chimiques de l’einsteinium sont représentés par des sons clefs : H = si, Es = mib, etc… L’oeuvre est construite en une suite de réactions en chaînes. Deux séries de notes distinctes se confrontent, ce qui aboutit à de nombreuses explosions sonores et de flux rythmiques. Les différentes unités rythmiques et harmoniques vont peu à peu s’organiser, fusionner pour se transformer en une ligne homogène puis une seule note, le mib.
Vincent Pellet.
Noam Sheriff expliquait également la symbiose des Juifs allemands de la fin du XIXe siècle, dans leur combination entre culture, intellect, etc. On citera évidemment Einstein, mais également Freud et Schönberg, qui ont changé le monde, volontairement ou involontairement, progrès ou catastrophe.
Une oeuvre que l'orchestre et le chef semblaient avoir à coeur, et qui a été jouée avec beaucoup d'engagement.
Venait le concerto pour clarinette de Weber, lequel nous a permis d'admirer la musicalité et la virtuosité du soliste. Dans cette pièce, on sentait malheureusement également un orchestre quelque peu déstabilisé par la présence d'un soliste et d'un chef invité, et à plusieurs reprises, chacun a du y mettre du sien pour que soliste et orchestre jouent la même musique, avec un conflit évident dans le troisième mouvement, entre l'orchestre qui s'accrochait au tempo pris par leur chef et un Pascal Moraguès qui tentait de prendre de la vitesse à la moindre occasion. (Ce qu'il a d'ailleurs confirmé au moment de donner son bis, qu'il a annoncé comme La même chose, mais plus vite.)(Mais l'orchestre a gardé son tempo avec une précision de métronome.)
Pascal Moaraguès a un son absolument époustouflant dans les sonorité piano, noble et plein, tout ce que la clarinette sait offrir de meilleur, et une virtuosité facile, presqu'en passant, avec une joie quasi enfantine à être sur scène. Par contre, j'aime moins ses forte, mais cela, c'est sans doute plus dû à mon rapport avec l'instrument qu'aux capacités du soliste; la clarinette ne cessera jamais de m'intriguer pour la noblesse de son son dans les faibles puissances d'une part - quel plus beau dolce que celui produit par une clarinette? - et la coleur criarde à la limite du vulgaire dès qu'il faut donner de la puissance.
Prayers de Noam Sheriff, c'est la chaleur écrasante du midi, dans les rues vides et immobiles, avant que tout cela ne s'anime en discussions virulentes, like an disput in a synagogue. Les arguments fusent, le ton monte, la tension également, avant de retrouver ce Es synonyme de paix, comme si tout le monde s'était mis d'accord. Vous pouvez le lire, une oeuvre et une interpretation très imagée, presque un théâtre.
En final, la 8ème de Beethoven, pour laquelle l'acoustique du Temple du Bas ne semble pas adaptée. Elle m'a paru beaucoup trop sèche pour cette pièce chaleureuse et passionnée. C'était bien pour les œuvres contemporaines, et puis Weber, pourquoi pas. Mais pas pour ce Beethoven. Cela manquait également de fusion entre les vents et les cordes, qui sonnaient comme deux clans distincts, les Montagues et les Capulets de l'orchestre (Le chef et le percussionniste étant les neutres, ou Roméo et Juliette). Mais malgré cela, les musiciens se sont jetés sur ce Beethoven comme des affamés, tout à leur affaire, heureux de jouer cette musique grandiose - un peu trop pour les cuivres, excessivement forts et mal accordés (Les cors!!!) - qui fuse de partout, tourbillonne et vous laisse complètement abruti après l'évanouissement de la dernière note.
3 commentaires:
Moraguès... aucune occasion n'est bonne à rater avec lui. Désolé : je suis fan ! Il devait être très bon dans Weber (1er ou 2nd concerto au passage ?).
En tous cas je suis jaloux du concert !
Oui, pas mal, pas mal, en effet! Bon, tout devant, il y a bien sûr Sabine Meyer ;o)
Ah! et au passage - Weber a écrit 2 concerti? - il s'agissait du premier, op. 73.
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