mardi 22 juillet 2008

Où va-t-on?

Vendredi dernier, de retour de ma semaine aux Grisons, je déballe mon sac de montagne en écoutant Espace 2 diffuser en direct un concert du Festival Radio France de Montpellier. Vadim Repin et l'orchestre symphonique de l'Oural pour un programme assez inhabituel. Le grand virtuose de l'archet offre un bis, sans annoncer de quoi il s'agit, ce que la présentatrice déplore vivement. Cette pièce, que cette dame suppose être un air populaire russe n'est autre que le célébrissime thème du Carnaval Vénitien repris par Paganini, qui en a tiré des variations, notamment pour trompette, assez acrobatiques (tout à fait son genre, j'en conviens).
Je ne me considère de loin pas comme un puit de culture, d'où ma réaction outrée face aux lacunes de cette présentatrice d'une radio culturelle, alors que cette pièce je la chantonnais avant même d'avoir appris à lire!





Il est un vieil air populaire
Par tous les violons raclé,
Aux abois des chiens en colère
Par tous les orgues nasillé.

Les tabatières à musique
L’ont sur leur répertoire inscrit ;
Pour les serins il est classique,
Et ma grand mère, enfant, l’apprit.

Sur cet air, pistons, clarinettes,
Dans les bals aux poudreux berceaux,
Font sauter commis et grisettes,
Et de leurs nids fuir les oiseaux.

La guinguette, sous sa tonnelle
De houblon et de chèvrefeuil,
Fête, en braillant la ritournelle,
Le gai dimanche et l’argenteuil.

L’aveugle au basson qui pleurniche
L’écorche en se trompant de doigts ;
La sébile aux dents, son caniche
Près de lui le grogne à mi-voix.

Et les petits guitaristes,
Maigres sous leurs minces tartans,
Le glapissent de leurs voix tristes
Aux tables des cafés chantants.

Paganini, le fantastique,
Un soir, comme avec un crochet,
A ramassé le thème antique
Du bout de son divin archet,

Et, brodant la gaze fanée
Que l’oripeau rougit encor,
Fait sur la phrase dédaignée
Courir ses arabesques d’or.


~ Gautier, Sur le Carnaval de Venise, I - Dans la Rue ~

Moi qui croyais qu'à la radio Espace 2 tout le monde avait un savoir encyclopédique!... J'en suis tristement revenue à la désolante réalité.

lundi 21 juillet 2008

l'image du mois: Der Jude in Grün - Marc Chagall

Juillet se termine déjà presque alors que je n'ai toujours rien dit à propos de la toile choisie pour ce mois des grandes vacances.

Le Juif en vert, 1914, huile sur carton, 100,5 x 81,5 cm, Kunstmuseum Basel.

Autant le dire d'emblée: j'ignore tout de cette œuvre, et je n'ai nullement l'intention de pondre une tartine d'historien de l'art (que je ne suis pas).
Non.
Je connais très mal la peinture, j'ai tout juste un minimum de culture très superficielle de l'art pictural. Rien qui puisse vous intéresser.

Pour dire tout de même deux mots sur Chagall, un peintre qui a sa place parmi mes préférés, il est Juif d'origine russe, émigre en France et s'occupe beaucoup de ses origines sémites dans un monde chrétien. Il est très religieux, du courant hassidique (accent non plus sur l'étude du Talmud mais sur la manifestation joyeuse de la foi), et cette profonde spiritualité se retrouve dans nombre de ses oeuvres, comme par exemple ce Juif en vert.

Le Kunstmuseum Basel propose une courte étude de l'oeuvre, je ne vais donc pas m'étendre sur le sujet.

Ce qui m'intéresse dans ce portrait, c'est la main, plus précisément la main blanche du personnage. Cette main m'a fasciné au premier regard dans la salle du Kunstmuseum. Une main qui raconte à elle seule toute une histoire.
Regardez le vieux Rabbi, sale, ridé, graisseux, malodorant, sénile peut-être. Quant à sa barbe, mieux vaut ne pas regarder de trop près, ce doit être un véritable biotope pour toutes sortes de bestioles ragoûtantes.
Un vagabond tout au plus, et même un des moins présentables.

Mais voyez maintenant sa main. Blancheur immaculée, finesse des articulations, noblesse de la forme: une main d'aristocrate, une main d'intellectuel. Un vieillard pauvre, marqué par une longue vie faites de privations et d'illusions perdues, au crépuscule de sa pénible existence, entre l'éveil et le sommeil, dans une sorte de méditation hébétée, mais un vieillard noble, instruit, rejeton déchu de la bonne bourgeoisie, peut-être victime de quelque pogrom, à moins qu'il n'ai volontairement pris le bâton du pèlerin pour une humble vie de prière et de méditation.

Un grand homme dissimulé sous des hardes de moujik crasseux, sa main blanche et magnifique comme un témoin de nature élevée.

Quand j'ai vu cette main, ma première pensée a été: c'est la main de Chopin! pâle, nerveuse, maladive et délicate. Une main de pianiste, sous laquelle naissent des miracles.

samedi 5 juillet 2008

La voix d'une femme sur les planches, la grâce d'une femme dans la fosse: Festival d'opéra d'Avenches 2008

Arènes d'Aventicum, 04.07.2008, 21:15

Verdi revient dans les arènes de la cité romaine d'Avenches pour la quatrième année consécutive, après Nabucco, Il trovattore, et Aïda, que le Festival d'Opéra d'Avenches a présenté en 2005, 2006 et 2007.

J'avais gagné deux places dans la catégorie à 70.- pour le Trouvère. J'y étais allée avec Noémie: sandwiches sur les gradins, discussions détendue avec une dame devant nous, soleil et bonne humeur. Une poignée de contrebassistes débarquent dans la fosse, le ciel se couvre, et il pleut. Les gens sortent parapluies et pèlerines, c'est drôle, il se forme des groupes par couleur. Ainsi les fameux Hommes jaunes. Vous remarquerez aussi le magnifiqe parapluie Pombär apparentant à un élégant monsieur en complet-veston qui a payé sa place 120.- (!)...
Il avait plu, la représentation avait été annulée, et avec nos billets gagnés, impossible de changer de soir. Le plus vexant c'était que le temps de descendre à la gare, il faisait à nouveau grand soleil. Trop tard. Pour nous consoler, nous avons regardé la Dame de Pique en DVD jusqu'au petit matin.


Cette été, point de billet gratuits, mais la dernière catégorie à la caisse du soir. Soleil, grande foule: ce soir, c'est la première. Je n'ai encore jamais assisté à une première.
Le temps reste splendide, jusqu'à la fin.

Guiseppe Verdi: La Traviata.

Distribution:
Violetta: Patrizia Ciofi
Alfredo Germont:
Roberto Saccà
Giorgio Germont: Renato Bruson
Flora: Gabriella Bosco

Camerata suisse, direction: Graziella Contratto

Pour cette première, nous avons droit à une excellente distribution. J'ai rarement trouvé aussi peu à redire, tant dans les rôles titres que dans les figures secondaires, à l'exception peut-être du Handel donné à l'Opéra de Lausanne ce printemps.
Peut-être que le vibrato dans les aigus de Renato Bruson était un peu forcé et manquait de naturel. Mais c'est bien tout ce que je trouve à reprocher aux chanteurs.
Nous avons eu un ténor magnifique, un vrai de vrai, qui a une voix profonde et pleine jusque dans les notes les plus aigües et dont les graves sortaient toutes en rondeur et facilité. Et que dire de Partizia Ciofi! Ah la belle dame! Une voix pleine de ressources, joliment timbrée dans tous les registres, du pianissimo à peine audible au forte les plus tragiques, elle monte et descend autant que vous le voulez, sans que cela ne semble lui poser le moindre problème. Bref, une technique de fer pour une voix de velours, et une belle présence scénique. (exemple ici)
Vraiment, un très beau moment musical.

Pour ce qui est du visuel, nos places, situées sur le côté, presque derrière la scène, faussaient notre perception de la mise en scène, et je ne me sens donc pas à même de donner une critique du travail du metteur en scène. La mise en scène restait dans le cadre historique, chapeaux haut-de-forme et capes pour ces messieurs, grandes robes et coiffures sophistiquées pour ces dames.

Un plaisir visuel très certain, en revanche, était la direction de la chef d'orchestre suisse Graziella Contratto, jeune femme qui porte très bien son prénom. Sa direction énergique est tout à fait charmante, toute en gestes fluides et gracieux, tantôt sa baguette se fait très ferme, tantôt elle exécute une danse aérienne, dans la légèreté, toujours. Je n'avais jamais vu une femme diriger un orchestre auparavant, mais j'imagine qu'une directrice a deux possibilités: ou bien elle adopte le style de ses collègues masculin, ou bien elle développe son propre style. Graziella a apparemment choisi cette deuxième option. Sa manière de diriger n'a strictement rien de masculin, pas même lorsqu'elle doit remettre au pas un chœur qui s'est pris trop de libertés dans le tempo. Sa silhouette menue danse devant les musiciens, sans perdre pour autant de sa précision.
Une Camerata suisse sous une conduite féminine tout en grâce et en légèreté, précise et intelligente, avec une jeune Graziella Contratto qui sait s'imposer sans avoir recours à une direction masculine. (un exemple ici) J'ose croire qu'elle a encore un bel avenir devant elle.

La vraie perle rare, ce soir, pour moi, c'était elle. C'était Graziella Contratto.

A ceux qui en ont la possibilité, ce spectacle en vaut vraiment la peine. A voir absolument!


4, 5, 9, 11, 12, 16, 18, 19 juillet 2008, Arènes d'Avenches, 21:15. Ouverture des guichets à 18:00, fermeture des portes à 21:00

vendredi 4 juillet 2008

Das Alpenhorn von Riedo (Jospeh Zurkinden)

Une toute petite pièce simplissime qui dure à peine plus d'une minute. Et tant mieux, parce que ce Cor des Alpes pue vraiment la musique populaire suisse. Vous savez, ces petits hommes barbus qui chantent des Yodloyooooooooo dans Astérix chez les Helvètes et dont les voix lui font regretter celle d'Assurancetourix(!).
Cette année, en plus il y a cette Jodlerfest à Lucerne, et les organisateurs de ce calvaire n'ont rien trouvé de mieux à faire que de surmédiatiser l''évènement du siècle'. Allumez la radio, et paf! on vous balance de la youtz en pleine tête. Heureusement, Espace 2 résiste encore et toujours à l'envahisseur et continue de nous proposer Dvorak pour nous remettre de nos frayeurs jodleriennes.
[Et ma mère qui ose affirmer que le Jodel est aussi de la musique. Certes. Pour moi c'est un bruit analogue aux sirènes des pompiers et en plus une automutilation des cordes vocales (ça les fiche en l'air, et vous restez avec une affreuse Blechstimme). ]

Bref, revenons à notre 'ami' Joseph Zurkinden.
Notre homme est un organiste fribourgeois, qui exerce son art à Guin, commune dans laquelle il transmet aussi son savoir à de nombreux étudiants. Je ne peux malheureusement pas vous dire plus sur le personnage, il est inconnu sur internet, et l'idée de faire deux heures de trajets rien que pour consulter des livres à la bibliothèque de Fribourg ne m'enchante guère...

Venons-en donc à l'œuvre proprement dite. J'ai trouvé à la médiathèque de Fribourg un enregistrement de l'organiste titulaire des orgues de la cathédrale St-Nicolas à Fribourg (et accessoirement aussi mon professeur de tablatures, d'harmonie et de contrepoint à l'université), François Seydoux. Il a lui-même rédigé le texte qui figure sur la pochette du CD et déclare à propos de l'Alpenhorn von Riedo :

Une composition naïve, due probablement à l'organiste de Guin joseph Zurkinden (1925-1889), illustre la vie champêtre de l'époque. Cette composition est sans doute conçue comme un hommage à un joueur de cor des Alpes du nom de Riedo et à l'une de ses mélodies préférées. Zurkinden tenait à Guin une sorte d'école d'orgue (Organistenschule) grâce à laquelle, pour la somme d'un franc par jour, il sut transmettre son savoir pratiquement à tous les organistes de la partie alémanique du canton [de Fribourg]. Zurkinden lui-même fut élève de Jaques Vogt à Fribourg et avait été proposé par celui-ci comme possible successeur à St-Nicolas.
(François Seydoux, pochette du CD)


On reconnait dès l'abord le caractère très suisse de l'oeuvre, tant dans les intervalles de la mélodie que dans l'harmonisation, cette 'Hornharmonie', qui doit s'accommoder de ce que les cors naturels ne peuvent pas jouer toutes les notes (en simplifiant à l'extrême). On notera la grande présence de tierces et sixtes, tant dans la mélodie que dans l'écart des voix. Et bien sur les passages qui imitent le Jodel, que l'on retrouve aussi dans le Guillaume Tell de Rossini, et qui alternent comme une sorte de refrain, avec différents couplets.
Je ne suis pas spécialiste de musique populaire suisse - et ne compte pas le devenir un jour, merci bien! - mais il se peut fort bien que cet air qu'affectionnait le corniste Riedo soit une chanson populaire, d'où justement cette forme A-B-A-B-etc. dans laquelle les intervenants chantent des couplets avec paroles, à plusieurs voix, tandis que le refrain, jodlé, est à l'unisson.

Ce n'est pas mon style de musique, mais cela m'aura permis de découvrir un compositeur suisse et d'entendre enfin mon professeur jouer L'Orage de Vogt (sur le même CD), sa grande spécialité, pièce que l'on ne peut, si j'ai bien compris, jouer uniquement sur les orgues de St-Nicolas, et qui en faisait l'attraction musicale de la ville. Cette grande pièce pastorale se termine avec un choral bien connu dans nos temples protestants... Que vient faire ce choral dans la très catholique Fribourg?!
Monsieur Seydoux avait joué cette œuvre lors du cours d'Aufführungspraxis de l'année passée, et les étudiants avaient des yeux ronds comme des soucoupes et la bouche bée d'admiration. Et ce Seydoux-qui-joue-l'orage avait été le sujet de discussion n°1 des apprentis musicologues pendant plus d'une semaine.
S'il refait ça, je serai la première à me presser au portillon!

jeudi 3 juillet 2008

150 casquettes bleu ciel chantent West Side Story

Cérémonie de clôture du Conservatoire de Musique de Neuchâtel
19:30, Temple du Bas

Le soleil pèse lourd et étouffant sur le Temple du Bas en cette fin de journée du 2 juillet 2008. Toutes les portes sont ouvertes, parterre et galerie comble, des amas d'étudiants, de professeurs et d'amis du conservatoire aux quatre issues, les programme avec lesquels on s'évente plutôt que de les lire.

La soirée s'ouvre avec une création de Vincent Pellet pour orchestre et bande sonore, Rififi, qui se base sur des bruits urbains, décortiqués, analysés et retravaillés pour former cette œuvre ma fois très plaisante. L'ensemble à vent, dont je n'avais encore jamais entendu parlé, semble réunir une large fourchette d'âges et de niveau, de la petite flûtiste qui parvient à peine à soulever son instrument à l'étudiant professionnel chevronné. Une belle initiative qui fonctionne à merveille et qui permet au tout jeunes de donner le meilleur dans une formation d'un bon niveau.

Suivait Spanish Trumpet de Thomas, avec le jeune et frêle Florian Tschopp à la trompette. Malgré une certaine nervosité, notre tout jeune soliste a bien assuré sa partie, avec un très bon son, tant dans les extrêmes graves que dans les brillants aigus. Tous mes voeux de succès pour son avenir musical proche ou lointain.
Une pièce très plaisante, de la musique facile et entraînante, comme on peut s'y attendre à ce genre de soirée. Je ne suis pas friande de ce genre que je juge trop pauvre, mais la bonne ambiance conjuguée au plaisir de jouer des musiciens ont tôt fait de me faire sauter moi aussi à pieds joints dans l'euphorie générale.

Changement de registre complet: deux Deutsche Arien de Handel, Süsser Blumen Ambraflocken et Singe Seele, Gott zum Preise. Je voulais de la grande musique, me voici comblée. Clavecin (Linda Gysin), violon (Simon Zinsstag) et violon (Hélène Conrad) soutiennent et entourent délicatement la soprano Leana Durney (vedette de la soirée). Une belle musique tout en légèreté éthérée, à l'image de ces quatre jeunes musiciens tout de blanc vêtus.

Nouveau voyage dans le temps, quatre siècles plus tard, à Vienne, pour retrouver Schönberg dans l'un de ces Vier Lieder. C'est Erwartung que nous partageaient la soprano Gabriella Cavasino et la pianiste Chantal Taylor. Une voix un peu voilée, un piano délicat et lumineux, contraste assez inhabituel, sans doute pas voulu, mais qui n'est vraiment pas inintéressant. Le chanteur doute de la réalisation de ce qu'il attend, le piano le séduit par des promesses pleines d'espérance? Dommage que ce duo n'aie pas chanté les quatre Lieder, on aurai volontiers écouté encore plus de ce Schönberg dans sa première phase de création tonale, trop méconnue à mon sens.

Après la remise des titres de la formation professionnelle, le Choeur des étudiants professionnels sous la direction de Nicolas Farine a présenté Rejoice in The Lamb de Britten. J'aime beaucoup l'art choral anglais, avec ces sonorités pleines et chaudes qu'ils semblent savoir utiliser mieux que les autres (n'avons nous donc, sur le continent, jamais rattrapé l'avance de la Grande-Bretagne du Moyen-Âge dans l'utilisation des sonorités 'imparfaites'?). Malgré un a priori très favorable, la pièce manquait totalement de conviction, les choristes ne semblaient pas apprécier plus que cela l'œuvre qu'ils chantaient (signalons au passage que le chœur est obligatoire pour l'étudiant professionnel), et bien qu'il y ai eu par moment, notamment dans les grands tutti, une certaine émotion, l'ensemble était somme toute décevant et sans grand intérêt. On avait déjà entendu ce chœur plus engagé.

Un petit intermède de piano jazz, offert par Eliyah Reichen. Malheureusement, il était difficile de l'entendre, le choeur d'enfant étant sorti sur le parvis pour être prêt à temps, et les enfants, surexcités, faisaient beaucoup de bruit. Je ne peux donc pas juger de sa prestation, mais j'applaudis la force de concentration, et sa capacité à improviser même dans un boucan pareil!

La remise des titres de l'Ecole de Musique, et voilà les enfants qui montent sur scène. Je me trouve en haut des escaliers de la galerie: devant moi, dans la salle, les têtes coiffées de bleu remplissent déjà la moitié des gradins, et derrière moi, par la porte ouverte, je vois la file qui entre encore et toujours à flot dans le Temple pour s'engouffrer dans la salle. Quand y en a plus, y en a encore! Sur scène, c'est la foire, les gamins imitent le public et s'éventent maladroitement et frénétiquement avec leur casquette, les musiciens fourmillent, déplacent des chaises, règlent les lutrins, le chef gesticule et crie sans être entendu...
Un grand Chuuuuuut! et l'Orchestre de l'Ecole secondaire et de l'Ecole de Musique peut commencer le Choeur des Furies de l'Orphée de Gluck, sous la baguette énergique (il faut bien, avec tout ce monde!) de Steve Muriset. Un orchestre avec des très jeunes enfants et quelques renforts professionnels ou étudiants avancés, le plaisir est là, la justesse un peu moins. Mais qu'importe. Solo du ténor Sébastien Eyssette, qui, comme tout chanteur qui se respecte, semble oublier que le rythme fait aussi partie de la musique. La pauvre harpiste, dont la nervosité colore le visage poupin de rouge, tient le tempo avec une précision de métronome, mais que faire lorsque le chanteur rallonge une pause d'une mesure? Un moment de décalage, rattrapé la phrase d'après grâce aux mimiques très expressives du directeur. La chose fait sourire: si on s'attendait à un flop, c'était bien du côté de la timide harpiste, pas habituée à jouer seule devant un public aussi conséquent, et non pas de la part du ténor professionnel!
La seconde pièce fait passez le tragique Orphée dans le comique, avec l'opérette Orphée aux enfers d'Offenbach. Leana Durney, soliste, se prend au jeux et mime avec beaucoup de conviction les paroles. On est tout de suite happé dans cette pièce gaie et légère, qui convient certainement bien mieux à un chœur d'enfant que le drame de Gluck.
En finale, America la célèbre pièce tirée de la comédie musicale West Side Story de Bernstein. L'orchestre joue dans toute sa puissance, les enfants chantent à plein poumon. Seul bémol, on voit bien que Gabriella Cavasino et Leana Durney bougent les lèvres, mais elles sont totalement couverte par la sonorité des petits chanteurs et de musiciens. Leana tente bien de forcer un peu, mais le résultat n'est pas très convaincant. Il aurait donc fallu que Steve muriset calme un peu ses troupes pour nous laisser entendre les deux soprani. Malgré cela, c'est une musique qui passe toujours bien, qui donne envie de frapper dans les mains et que le public a exigé en bis. Et le travail du chef et de ses assistants pour mettre en place cette pièce rythmiquement pas évidente est à souligner! Un beau projet, à qui on souhaite bon vent!

C'est loin, évidemment, des concerts de clôture précédents, qui ne donnaient la voix qu'aux musiciens des classes professionnelles - et j'avoue que je ne suis pas sans regretter la traditionnelle prestation de l'orchestre du conservatoire et de ses concertos - mais finalement, c'est une formule qui intègre les plus jeunes, ce que je trouve très bien.