mardi 27 mai 2008

Il Babriere di Siviglia, Rossini, Stadttheater Bern

Dernière sortie des musicologues de cette année académique.
Bern, nous retrouvons l'ambiance estivale détendue de cette belle ville, les escaliers noirs de monde devant le Stadttheater.

Un an et demi après l'inoubliable Barbiere de Paisiello à l'Opéra de Lausanne (ici et ), voici un autre Barbiere, cette fois celui de Rossini, à Bern. (A quand celui de Mozart?)
Point de conte de fée ici, mais un quartier dans les sixties. Le comte d'Almaviva (Alexey Kudrya) est un beau gosse style playboy sicilien, son ami Figaro (le génial Robin Adams) un jeune en basket qui prend ses aises où qu'il se trouve. Rosina (Claude Eichenberger) est une nunuche blonde, son nounours sans cesse près d'elle et le vilain Dr.Bartolo (Lionel Peintre) est un dentiste hystérique.

Un décor de chambre au papier peint fleuri, salle d'attente de dentiste typée.
Si certaines situations que crée cette actualisation de l'intrigue provoquent beaucoup de rires, tels l'apparition d'Almaviva en Elvis Presley (avec la technique vocale rock'n roll), la plupart reste somme toute artificielle et tirée par les cheveux (Rosina qui chante son premier air en s'épilant). La (très jeune) metteur en scène semble vouloir à tout prix faire rire le public le plus possible, ce qui devient tout d'abord fatigant puis vaguement agaçant.
En ce qui concerne la prestation musicale, les chanteurs - exception faite du brillant Robin Adams - excellent mieux dans l'art de la gestuelle que dans leur technique vocale. Ainsi, on trouvera le ténor du jeune chanteur russe Kudrya quelque peu nasal et maigrichon, le soprano de Claude Eichenberger est très classique mais aussi assez fade. Quand à Lionel Peintre, il semble avoir de la peine à suivre les tempi vifs, dans son chant trop lourd et pâteux, compensé par-contre par un jeu très convaincant.
Quant à la direction, je continue à déplorer la gestuelle très moulinante de Srboljub Dinic, très large et fluide, mais qui, à mon sens, manque totalement de précision, ce que l'on a pu entendre à plusieurs reprises durant l'opéra.

Au final, un opéra très agréable, drôle et facile d'accès, une bonne soirée pour les novices qui aimeraient découvrir le monde de l'opéra, mais très qui manque de de fraîcheur et qui n'est pas très convaincant sur le plan musical.

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Critique dans Resmusica
Critique dans BlogCritics Magazine

lundi 26 mai 2008

Challenge ABC: ma liste

Depuis quelques mois, j'ai redécouvert le plaisir de lire, oublié, ignoré, mis de côté durant mes années de fin de lycée et début d'université.
De fil en aiguille, j'ai fini par atterrir sur un site qui propose un challenge ABC, soit un auteur par lettre de l'alphabet, à lire en une année.
Voici donc mon challenge:

[Comme j'ai inséré Les Bienveillantes de Littell (l'année prochaine, je choisirai Lucrèce pour la lettre L, promis!), livre que je viens de terminer, je fais commencer mon challenge le dimanche 27 avril, jour où, peu avant midi, sur la terrasse, j'avais tourné la dernière page de Tod in Venedig et ouvert Les Bienveillantes.]


A
Altenberg: Sonnenuntergang im Prater (en cours)

B
Boulgakov: Le Maître et Marguerite (lu)

C
Céline: Voyage au bout de la nuit (lu)

D
Dostoievsky: Crime et Châtiment (lu)

E
Eco: Au Nom de la Rose

F
Flaubert: L'éducation sentimentale

G
Goethe: Faust (lu)

H
Hauptmann: Die Weber (lu)

I
Ionesco: Rhinoceros

J
Jarry: Ubu roi

K
Kundera: L'étrange légerté de l'être (lu)

L
Littell: Les Bienveillantes (lu)

M
H. Mann: Im Schlaraffenland (lu)

N
Novalis: Heinrich von Ofterdingen

O
Orwell: 1984

P
Plenzdorf: Die neuen Leiden des jungen W. (lu)

Q
Queneau: Exercices de style

R
Rilke: Das Stundenbuch (lu)

S
Sartre: Huis Clos suivit de Les Mouches (lu)

T
Tieck: Der Runenberg

U
Ustinov: The old man and Mr. Smith

V
Voltaire: Candide (lu)

W
Wedekind: Lulu (lu)

X
Xinjiang Gao: La Montagne de l'âme

Y
Yourcenar: Les Mémoires d'Hadrien

Z
Zola: Au bonheur des dames

jeudi 22 mai 2008

Les Bienveillantes (Jonathan Littell) - Prix Goncourt 2006

Un pavé considérable, terminé hier, dans le train, en allant au cours de littérature française.

L'achat remonte à quelques mois déjà: je rentrais un jour avant les autres d'un week-end de ski dans les Alpes valaisannes. Trois heures de train en perspective, et pas de livre. A la gare de Sion, dans un petit kiosque, j'ai trouvé ce gros volume, meilleur rapport qualité-quantité-prix*. C'est à dire le Prix Goncourt 2006 pour la qualité, 1390 pages pour la quantité, 24,90.- pour le prix. Imbattable.
J'avais lu les 100 première pages dans le train. Puis j'avais dû momentanément abandonner Les Bienveillantes pour continuer mes lectures assidues (et passionnées) des Buddenbrooks et du Untertan - respectivement Thomas et Heinrich Mann.
Ont suivi les lectures obligatoires du cours de littérature française du XIXe-XXe (Hugo, Breton, Proust, Beckett, Flaubert et Baudelaire), puis un retours à mon Thomas Mann adoré (Tonio Kröger et Tod in Venedig).
Avant que, le dernier dimanche d'avril, je n'ouvre à nouveau l'épais livre de poche à la couverture rouge sang.

Les Bienveillantes, que l'auteur américain Jonathan Littell a choisi de rédiger en français, est un livre très dense, très complet, très lourd. Je dois avouer que les seules raisons qui font que je n'aie pas abandonné le livre dans les premiers récits du second chapitre, ont été d'une part mon incapacité de laisser un livre inachevé, et de l'autre le sentiment d'une nécessité de lire les mots difficiles et brutaux des actes impardonnables de cet officier SS, Allemand tout comme moi.

L'histoire est celle du Sturmbannführer Maximilan Aue, jeune intellectuel épris de littérature, de musique, de grec. Jeune homme érudit, idéaliste, au tempérament allemand profondément romantique, qui est une sorte d'Oreste actuel.
Aue servira tout d'abord en Ukraine, où il sera impliqué dans l'exécution des Juifs, fusillés systématiquement puisque considérés comme traîtres et partisans bolchéviques potentiels. Son état de santé se détériore, il supporte mal ces exécutions massives qui s'étendent maintenant aussi aux femmes et aux enfants, on l'envoie se reposer en Crimée. Un échec de son supérieur Bierkamp face à la Wehrmacht sur une question ethnique d'un peuple du Caucase et Aue se verra expédié au front, dans le Kessel de Stalingrad. Blessé par un sniper russe, il sera rapatrié dans le Reich et servira Himmler à Berlin. Il aura a charge de faire monter l'effectif de la main d'œuvre, soit concrètement d'augmenter le nombre des prisonniers aptes au travail, d'améliorer les conditions de vie des détenus aptes et sera amené à visiter différents camps de concentrations, dont Auschwitz-Birkenau.
Sa santé psychique se dégrade de pair avec la lente chute du Reich, il finit par ne plus être maître de ses actes et n'est définitivement plus capable de faire la séparation entre le vécu et le rêve.

Les Bienveillantes pose la question du mal, de l'inceste (relation entre Max et sa sœur jumelle Una), de la responsabilité face aux massacres, de l'homosexualité.

Un très bon livre, pas facile à lire de part son langage très cru, très froid, très neutre (les crânes qui explosent, la cervelle mêlée à des bout d'os et des cheveux, cette partisane russe pendue qui gît dans la neige, le sein rongé par les chiens, le meurtre de Yakov, le petit pianiste juif de Jitomir qui adorait Bach et qui jouait pour les officiers de la SS (et dont je suis évidemment tombée amoureuse)).

Un récit et une problématique qui aideront tous ceux qui cherchent à se positionner, non seulement face à ces évènements de la Seconde guerre mondiale, mais aussi face à toutes les atrocités avant et après, hier, aujourd'hui, et malheureusement sans doute aussi demain.


*Lorsque je dois acheter de la lecture pour le train, je choisis invariablement le livre le plus gros et le moins cher que je peux trouver. Et comme je mise toujours sur un grand classique de la littérature - Madame Bovary, Les Frères Karamazov, Le Premier Homme, je ne regrette jamais mon achat.

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Fiche de lecture détaillée sur Wikipédia
Notes de Pierre Assouline sur l'attribution du prix Goncourt et sur l'œuvre (mise en garde: photographies très violentes)
Analyse de Lyonel Baum

mercredi 21 mai 2008

Feuer in der Philharmonie

Vous saviez, vous?
Je viens d'apprendre la nouvelle en déboulant à la hâte chez un chef d'orchestre: Le toit de la Philharmonie a pris feu aujourd'hui, vers 13:00.
Ici pour en savoir plus.
(Jesus Maria und Josef, imaginez un peu la catastrophe si le bâtiment entier avait brûlé, avec tous les instruments, ceux de l'orchestre, les pianos, et puis surtout ceux du musée (pianoforte, cornets divers, violes et violons, orgues, clavecins...))(Je ne veux pas imaginer si. En plein concert.)
J'en suis encore toute secouée. Espérons que les dommages seront mineurs et que la grande maison jaune pourra rapidement reprendre son activité musicale de haut vol.

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Edit du 22.05.08:
Comme me l'a fait remarquer Bra, l'incendie s'est déclaré non pas mercredi, mais mardi 20 mai...
Les dégâts sont moindres, et les prochains concerts seront donnés dans d'autres salles, notamment à la Waldbühne. (Abbado/Pollini, Berliner Philharmoniker; Berlioz & Beethoven)

lundi 19 mai 2008

A propos Mozart

J'ai beaucoup de peine avec Mozart.
Longtemps, j'ai pensé que sa musique était superficielle et rose comme les valses de Johann Strauss - certes, certes, c'est loin d'être le cas, je le sais!
Et puis j'ai découvert l'autre Strauss, celui que je vénère. Avec cet autre Strauss, le poète Hugo von Hofmannsthal (qui a écrit de nombreux livrets pour son ami Richard, notamment le génial Rosenkavalier*) et toute l'atmosphère décadente Fin de Siècle.
J'en suis revenue au Wienerwalzerkönig, à cette musique légère. superficielle. L'hypocrisie de cette noblesse et de cette bourgeoisie en décadence, et qui pourtant continue de vivre comme si de rien n'était. Il y a comme un fond de cynisme dans cette musique de prime abord insouciante. Peut-être aussi l'amertume de savoir que c'est état des choses ne durera plus, que la Götterdämmerung doit et va venir, bientôt.
Ainsi, j'ai commencé à voir autre chose dans l'œuvre de Mozart. Ou plutôt, j'ai commencé à y discerner quelque chose. Comme une seconde strate, un second niveau de compréhension de sa musique. Je ne peux évidemment formuler que de maigres hypothèses, absolument pas vérifiées: Mozart, le Wunderkind, celui qui amusait la galerie, ne glissait-il pas l'amertume, face à cette cour joyeuse, insouciante et insipide, dans ses partitions? Sa musique n'est-elle pas un paradoxe, unissant dans une même ligne la gaité frivole et la noire souffrance?
Sans doute, beaucoup de musiciens s'arrêtent à ce premier degré de musique facile. Leur sonate de Mozart devient une pièce nunuche et vide de tout intérêt autre que celui de faire passer vaguement le temps.
Sans doute aussi, la musique du Wunderkind de Salzburg est l'une des plus (la plus?) difficile à interpréter correctement, de par cette ambiguïté entre les différents niveaux de compréhension de la pièce.
Quoi qu'il en soit, un grand pianiste est un pianiste capable de me faire dire en jouant Mozart "tiens, c'est carrément assez bien pour ne pas mettre un CD de Beethoven à la place".
Pour le moment, celle qui a toute mon admiration, c'est la grande mozartienne Clara Haskil.

Pour le moment, j'évite encore soigneusement d'approcher mes doigts des sonates de Wolfgang Amadeus Mozart. Il me fait peur.

Toute cette réflexion est partie d'un passage dans les Bienveillantes de Jonathan Littell (prix Goncourt 2006) que je vous cite:

[le compositeur (fictif) von Üxküll à propos de Mozart]

"Je l'ai longtemps mésestimé. Dans ma jeunesse, il me semblait un hédoniste doué, sans profondeur. Mais c'était peut-être le jugement de mon propre puritanisme. En vieillissant, je commence à croire qu'il avait peut-être un sentiment de la vie aussi fort que celui de Nietzsche, et que sa musique ne paraît simple que parce que la vie, somme toute, est assez simple."



*à voir et écouter dans la version parue chez Deutsche Grammophon en 1994 (Kleiber, Lott, von Otter).

jeudi 15 mai 2008

Le musicien respire

Si vous écoutez l'Arabesque de Schumann sous les doigts de Evgeny Kissin (promis, je ne vais pas le mentionner dans chaque article. Mais.), vous remarquerez que l'on entend beaucoup les inspirations du pianiste. Les respirations "musicales" si je puis dire, celles qui ne sont pas naturelles et inconscientes - du moins au départ - mais qui sont dictées en quelque sorte par la phrase musicale.
Etant pianiste, la respiration a longtemps été pour moi quelque chose d'aussi secondaire que les battements du coeur ou le clignement des yeux. Jusqu'à ce qu'un jour, devant le public genevois, j'ai joué deux pages de Liszt en apnée, sous l'influence du stress. J'en suis par ailleurs presque tombée de mon tabouret; le clavier gondolait dangereusement, les touches blanches m'aveuglaient, et, pire que tout, le clavier s'est transformé en une alternance à l'infini de touches noires et blanches, une perte de repère totale et terrifiante. Heureusement, un unisono de mi avec point d'orgue m'a permis d'inspirer profondément et de retrouver mes esprits.
Depuis ce jour, j'essaie de respirer de manière plus ou moins consciente. Dur dur.
Je n'avais jamais entendu un pianiste respirer. Par-contre, mon professeur de violoncelle respire fort et beaucoup avec la musique. Certains de ses élèves avancés le copient, ce qui me semblait être affecté et une peu je-me-la-pète. Donc pas pour moi.

Sous le pont Mirabeau coule la Seine. Beaucoup de nuit sont venues, beaucoup d'heures ont sonné, beaucoup de jours s'en sont allés.

Et j'étais dans le train cheminant dans le soleil de midi, les yeux errant à travers champs et les oreilles souriant à la troisième Ballade de Chopin - ma préférée en ce moment. Là, je suis surprise d'entendre les inspiration d'Evgeny Kissin, bruit qui se perdait lorsque je l'écoutais chez moi, dans le lecteur CD. Force m'a été d'admettre que le souffle de l'artiste, loin d'être ridicule, affecté ou déplacé, contribue au ressenti de la musique. Entendre le musicien respirer, c'est une manière de respirer avec lui, d'entrer en symbiose avec son jeu. Personnellement, j'irais jusqu'à affirmer que le bruit de la respiration me procure un plaisir aussi intense qu'une note aiguë fine, cristalline et perlée qui tombe légère comme une goutte de pluie.

Vivent les musiciens que l'on entend respirer avec la musique!
Sans mentionner qu'un musicien qui respire est un musicien qui joue plus librement, avec d'un côté un son plus ample, donc plus rond, et de l'autre sera beaucoup moins enclin à des tendinites et autres douleurs dans le dos et la nuque.
Alors...
A vos marques, prêts.... Respirez!

samedi 3 mai 2008

Medici.tv, la source de tous vos bonheurs!

C'est chez Bruno que j'ai appris la bonne nouvelle: Medici-arts, le site qui avait diffusé - gratuitement et dans une très bonne qualité - l'intégrale des concerts donnés dans le cadre du Verbier Festival, Medici-arts, grâce à qui j'ai fait la découverte la plus post-mégalo-dantesque de tous mes vingt ans* , Medici-arts raccourci son nom et agrandi son offre!
Medici.tv que ça s'appelle maintenant. Et le site fourmille de milles vidéos. Chefs d'orchestre, concerts historiques, les plus grandes figures du violon et les géants du piano, tout y est.
Il faut aller voir. Vraiment.
Medici! vieni, vieni, vieni! (<- j'ai une longue journée derrière moi, et puis la fièvre me fait un peu délirer. Scusa mi.) Rien à voir mais lundi, j'étais à la Hochschule der Künste Bern ( kurz: HKB) pour écouter un cours du professeur Tomasz Herbut (on prononce Tomache, si comme moi, vous ne le saviez pas), et un petit Polonais jouait du Brahms. Quelque chose d'ultra connu, que ça m'a fait enrager de ne pas retrouver les références. [Note personnelle: ma tête est un vrai capharnaüm chaotique, il faudrait ranger un peu cet été.]
Bref. Je viens de tomber nez à nez avec Evgeny Kissin qui joue exactement ce Brahms. En passant: Simon, est-ce que c'est cette balade que tu joueras lundi soir? (Si oui, je te tape très fort en pensée.) Et puis, dites, les gens, pourquoi les doigts de Kissin ne tremblent pas quand il joue? Parce que moi, mes mains, c'est comme si j'avais le Parkinson, et le seul avantage que j'ai trouvé à ce jour, c'est pour le vibrato au violon ou au violoncelle: ça sort tout seul, c'est incredibeule but trou.

Toujours dans la youtioubophonie, j'ai vu qu'il y avait "mon" concert, ma première confrontation avec Kissin. Je ne peux que vous le mettre:


*L'article que j'avais écrit suite à ce choc:

samedi 4 août 2007

Евгений Кисин

Je cherche mes mots. Je cherche, sans trouver, depuis bientôt une semaine. A en croire que j'ai touché aux limites du langage verbal.

"La Musique comme moyen d'exprimer l'inexprimable" - Richard Wagner

C'était un hasard, dimanche soir dernier. En cherchant je ne sais plus quoi sur le ouèbe, j'ai atteri sur le site du Verbier Festival. Retransmission en live ici. Et subitement, je vois le grand maître avancer sur scène, se frayant un chemin entre les musiciens de l'orchestre. Kissin en direct, ça ne se loupe pas. Je branche les écouteurs pour une meilleure qualité sonore (oui, en effet, je trouve que la qualité des hauts-parleurs de mon portable est pitoyable). Silence. Quelle sera la pièce? Le chef regarde ses musiciens, lève la baguette. Les quatre accords de Do Majeur annoncent le 1er concerto de Beethoven. Mon concerto à moi (si vous ne vous souvenez pas, regardez ici). Je descends en coup de vent prendre la partition restée sur le piano. A mon retour devant l'écran, l'orchestre a quasi fini l'introduction, les mains du pianiste viennent prendre place au-dessus du clavier.

Et là c'est le coup de foudre.

Chaque note est travaillée avec soin, attaquée et quittée différemment de la note précédente. Un toucher incroyable, une sensibilité, un suivi de la ligne mélodique et une dextérité remarquable.

kissin

Malgré des critiques très peu flatteuses, reprochant notamment à Evgeny Kissin un tempo trop rapide, pas assez de respirations, trop de technique et pas assez de musicalité, ce concerto a été pour moi une expérience des plus marquantes dans ma vie.
Je suis tombée amoureuse de la musique, du piano, de Beethoven, du concerto, de Kissin. Pas juste un amour pudique comme avant. Avant, j'"aimais bien" la musique. Depuis ce concert donné dimanche soir dans la salle Médran à Verbier, c'est une relation passionnelle que j'ai avec la musique. La musique occupe ma pensée jour et nuit. Je l'aime jusqu'à en avoir mal. Mal parce que, comme le disait Rachmaninov, que je comprends enfin: "La musique suffit à toute une vie, mais toute une vie ne suffit pas à la musique". Ma vie sera trop courte pour la musique. D'autant plus que j'ai déjà gaspillé 20 ans de cette courte vie.
Cette passion a eu des effets secondaires très positifs. En plus de passer la moitié de mes journées à me promener dans l'univers noir et blanc du clavier, je me suis lancée avec un très vif plaisir dans les études affreuses, horriblement ennuyeuses de Hanon, et je ne vois pas passer l'heure d'arpèges, de gammes en tierces et octaves. (Pour ça, je sais que plus d'un apprenti pianiste deviendra vert de jalousie!). Et puis, comme le monde de la musique classique est un monde très élitiste, il faut d'urgence que je me remette un peu à compléter ma culture générale. Recommencer à lire les grands auteurs. Traîner un peu plus souvent dans les musées, expositions et autres manifestations culturelles.
Les vacances vont être très courtes!

[cliquez ici si vous voulez voir l'article dans son contexte initial]