mardi 29 avril 2008

Langsam, Wozzeck!

C'était une fin de journée, je les ai attendu sur le quai, mais ils ne venaient pas. La gare de Berne, affreuse en soi, mais toujours si délicieusement bondée. Il faut zigzaguer entre les petites grand-mères, les hommes d'affaires en complet-veston, et les maman débordées par leur marmaille bruyante.
Le soleil se pose comme une nappe de miel sur la ville. Je titube, encore profondément choquée par ma lecture dans le train - Les Bienveillantes, prix Goncourt 2006.
Devant le Theaterhaus, il y a beaucoup de jeunes assis sur les marches. Des groupes de gens qui discutent, se retrouvent, plaisantent. On dirait les avant-concerts à Berlin...
A l'intérieur, beaucoup de sièges vides nous invitent à prendre place dans les premiers rangs.
Le rideau se lève, Langsam Wozzeck!
L'orchestre joue en pleine puissance, une puissance sonore certainement pas adaptée à la petitesse de la salle. Les oreilles bourdonnent et les chanteurs ont du mal à se faire entendre. On comprend l'incident fâcheux qui s'est produit lors de la première: les musiciens, dans leur fosse, ont refusé de jouer à pleine force, arguant que leurs oreilles ne sortiraient pas intactes des moults représentations de l'opéra d'Alban Berg. Le chef, excédé, à interrompu la représentation et a fait recommencer le tout comme il l'entendait, sonorité au maximum.
L'opéra est donné d'une traite, à peine quelques instants entre les tableaux pour changer les décors. Le metteur en scène crée, avec un minimum de moyens beaucoup d'effets intéressants.
Wozzeck laisse place à des applaudissements songeurs. Il y a ceux qui n'aiment pas cette musique parfois difficile d'accès, ceux qui n'ont rien compris, et ceux qui - comme moi - se sentent interpelés, giflés par cette tragédie.
Une belle soirée à l'opéra, une soirée difficile aussi.

D'abord Les bienveillantes, puis Wozzeck... je ne suis plus loin d'adhérer à la philosophie pessimiste de Schopenhauer.


"Der Mensch ist ein Abgrund, es schwindelt einem, wenn man hinab sieht."
(Wozzeck)


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critiques:
Res Musica

Informations supplémentaires:
Vincent le Texier (Wozzeck)
Mardi Byers (Marie)

dimanche 27 avril 2008

Giulio Cesare in Egitto

Mercredi soir, la gare de Lausanne fourmille de monde. Les apprentis musicologues m'attendent devant l'entrée, m'a dit Camille. Qui me rappelle peut après on ne doit pas être devant la même entrée. En effet. Je m'attendais à voir la masse de musicologues, tout l'institut. Il sont moins de 10...



Pour cause de rénovations de l'opéra, le spectacle aura lieu à la salle Métropole - une architecture d'après-guerre que je déteste. Devant le hall, notre groupe grossi à vue d'oeil, François qui ramène une troupe de jeunes filles, Bruno qui passe à côté de nous sans nous voir. D'autres aussi. Nos places sont tout au fond. Au parterre et au balcon.
Je me retrouve en-bas derrière, avec Sandro. Je remarque que les surtitres seront cachés par l'avancée du balcon. Notre petit Appenzellois (je sais, je viens de faire un pléonasme*)me résume rapidement l'intrigue, malheureusement pour moi assez complexe. Il y a Pompoée, sa femme Cornélia, leur fils, César, Ptolémée, et Cléopâtre. Il y a Ulysse aussi, que Sandro oublie d'énumérer, ce qui aura comme conséquence qu'il y a tout à coup deux rois d'Egypte, et que purée, c'est quoi ce binz?!?!

Je ne vais pas faire une critique détaillée, consultez les liens si vous avec envie d'en savoir plus.

Avec Giulio Cesare in Egitto, opéra de Georg Friedrich Handel, l'Opéra de Lausanne signe l'une de ses plus remarquables productions. Une rumeur - non vérifiée - stipule que la Scala, ayant le projet de monter Giulio Cesare, aurait reporté l'évènement de deux ans, après avoir vu la distribution du Giulio du l'Opéra de Lausanne. Distribution brillante s'il en est: le très grand Andreas Scholl (countertenor) dans le rôle de Cesare, la lyrique Elena de la Merced (soprano) dans la peau de Cleopatra, la tragique Charlotte Hellekant (mezzo) dans Cornelia.
La mise en scène de Emilio Sagi joue sur les contrastes noir et blanc, respectivement les Romains et les Egyptiens. Un noir et blanc qui se décline du bleu nuit et or au pourpre et orange, un vrai festin pour les yeux. J'ai surtout été subjuguée par les apparitions de Cléopâtre, tout en voilages de tulle blanc, avec ses dames de cour, et qui créait avec ses traînes transparentes des tableaux d'une beauté à couper le souffle.
Un plaisir pour les yeux, mais aussi - et avant tout - un plaisir pour les oreilles: la salle, assez petite, du Métropole convient très bien à ce genre d'opéra baroque, avec un orchestre réduit. La balance entre l'orchestre et les voix était excellente, vraiment. Et la qualité des chanteurs, la pureté du timbre et la virtuosité de chant était d'un niveau que je n'ai eu que rarement l'occasion d'entendre jusqu'à présent. Et puis évidemment la qualité de la musique de Handel, qui permet un opéra aussi long sans que le spectateur ne sente le temps passer.
Un moment particulièrement intense était l'air de Cléopâtre Se pietà. Tout était là pour que la scène devienne kitsch au possible: Cléopâtre, prostrée, prisonnière, la nuit, les étoiles qui scintillent et la musique. Et pourtant. Heureusement qu'il faisait noir au fond de la salle...

Vraiment, c'est long, mais qu'est-ce que c'est beau!

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Critiques:
Le Temps
Res Musica
Opera today
Opera Tattler
Chronique Dare-dare (Espace2) (audio)

Vidéo:
Se in fioritto (Andreas Scholl)
Elena de la Merced (Puccini)
Dans les coulisses de l'opéra avec Andreas Scholl
Se pietà


*Petite blague pas drôle, pour les pas Suisses (les autres devraient la connaître):
comment fait un Appenzellois pour se suicider?

Il se jette en bas du trottoir.

mercredi 23 avril 2008

Pictures of an Exhibition: Evgeny Kissin versus Ivo Pogorelich

Oyé oyé brave gens!
Ce soir, je me lance un (très) grand défi: ce soir, je vais tenter d'être objective en parlant de musique. Et même plus: objective en comparant deux versions des Tableaux d'une exposition de Mussorgsky, soit la version culte d'Ivo Pogorelich et ma version de référence de Evgeny Kissin.

*Concentration maximale*
Y a pas photo, l'enregistrement réalisé par Evgeny Kissin en 2001 est le nec plus ultra.
Lavinie! objective on a dit...

...
Bon. Soit.
*tu peux le, tu peux le faire*

pogorelich

J'ai écouté les deux enregistrements, celui d'Ivo Pogorelich chez Deutsche Grammophon (1997) et celui d'Evgeny Kissin chez RCA (2001). Deux qualités sonores différentes, en faveur de Kissin - cela va être encore plus difficile d'être objective. En entier d'abord, l'un après l'autre, puis chaque pièce séparément.

  • En entier
    Le résultat est très différent et me plaît tant pour l'un que pour l'autre.
    Pogorelich a globalement opté pour des tempi plus lents - ou moins rapides - que Kissin.
    Le sentiment d'unité est peut-être plus marquant chez Pogorelich, peut-être du fait de ses Promenades qui se ressemblent plus entre elles que celles de Kissin. Mais j'aime aussi les grands contrastes de Kissin.

  • Les promenades
    Globalement plus lentes chez Pogorelich. Musicalement, je ne pourrais pas donner ma préférence à l'un plutôt qu'à l'autre. Par-contre, s'il s'agissait d'aller voir une exposition, j'accompagnerais plus volontiers Pogorelich, qui se laisse le temps de passer d'un tableau à l'autre. Parce que, comme certains le savent peut-être, je suis d'une lenteur exaspérante lorsqu'il s'agit d'expositions. J'aime prendre mon temps pour apprécier pleinement!

  • Gnomus
    J'aime beaucoup la version de Pogorelich, qui montre un gnome hideux, violent, un nain qui déborde de haine et de rage. On imagine très bien le rictus affreux, les yeux injectés de sang et son attitude menaçante. Une version très osée, avec un son rauque, dur et brutal. Kissin reste trop sage, trop soucieux de la beauté du son. Ce gnome est laid, sa musique doit l'être aussi!

    1+ pour Ivo Pogorelich

  • Il vecchio castello
    Pogorelich prend un tempo assez rapide, qu'il tempère avec des rubati plus ou moins heureux. Je n'arrive pas à me retrouver dans cette vision, j'ai presque l'impression qu'il la passe un peu vite, parce qu'il faut bien jouer cette pièce qui fait partie de l'œuvre...
    J'aime en revanche beaucoup l'interprétation de Kissin. Cette fois, la qualité du son se colle parfaitement à cette peinture un peu nostalgique du vieux château. Le temps est suspendu comme la vieille demeure qui semble flotter au-dessus du brouillard. C'est figé, c'est mélancolique, c'est poétique, c'est raffiné. Et c'est le seul Vecchio castello que je ne trouve pas ennuyant.

    1+ pour Evgeny Kissin

  • Les tuileries
    Ici, je doute qu'un pianiste réussisse un jour à surpasser la version de Kissin. Ce qu'il fait est incroyable: un tempo très rapide et une clarté de l'articulation... Ses staccati me donnent la chair de poule à chaque écoute. Autant Evgeny Kissin nous peignait un château immobile et solitaire, autant il peuple ses Tuileries d'un ribambelle de gamins criards. La puissance évocatrice est telle qu'on les entend rire, crier, se chamailler, se taquiner. L'interprétation de Pogorelich est molle et lourde à côté.

    1+ pour Evgeny Kissin

  • Bydlo
    Chez Pogorelich, le char est lourd, très très lourd, et les bœufs très fatigués, exténuées, tirent avec peine leur charge sur la route embourbée. Le dur labeur de ces bœufs rappelle le travail de Sisyphe, cette pierre si énorme, si lourde, cette pente si raide. Et cela semble ne jamais vouloir avoir de fin. Kissin nous montre plutôt un simple attelage qui rentre des d'une journée aux champs. Les bœufs sont fatigués, mais pas encore à bout de force. Pogorelich donne une dimension quasi symbolique à son Bydlo, qui me plaît beaucoup. Je viens de voir une hypothèse selon laquelle le joug des bœufs serait aussi le symbole de l'oppression polonaise, ce qui vient renforcer la justesse de l'interprétation de Pogorelich.

    1+ pour Ivo Pogorelich

  • Ballet des poussins dans leur coque
    Une nouvelle différence dans le choix du tempo qui se révèle décisive. Les poussins de Pogorelich sont encore à moitié endormis et titubent un peu. Ceux de Kissin sont en revanche en pleine forme et piaillent à tout va. Ici encore, comme dans les Tuileries, un touché très fin, une articulation époustouflante pour un Ballet léger comme ces petits poussins jaunes qui tourbillonnent de manière totalement désordonnée et crient à qui mieux mieux. Une excellente version.

    1+ pour Evgeny Kissin

  • Samuel Goldenberg und Schmuyle
    J'ai un peu de peine avec la seconde partie de Pogorelich, que je trouve décidément trop maniérée, du moins d'un point de vue musical. Après, pour ce qui est du sens, l'idée de ces rubati, de cette sorte d'hésitation permanente est tout à fait défendable. Soit qu'il s'agisse dans cette seconde partie du juif riche (d'où le caractère très maniéré), ou du juif pauvre qui regarde avec convoitise, aimerait mais n'ose pas vraiment (d'où le caractère hésitant). J'ai un avis partagé entre la version de Pogorelich que je trouve très intéressante, et celle de Kissin que mes oreilles préfèrent

  • Le marché de Limoges
    Ici je m'avoue perplexe. Les deux, Pogorelich et Kissin, présente un marché plus ou moins identique! Je les aime donc les deux. Une très grande virtuosité pour rendre en musique ces femmes qui qui vendent leurs légumes dans un joyeux brouhaha, l'oreille distinguant parfois un bout de phrase avant de le perdre à nouveau dans cette confusion de mots lancés de tous côtés.

  • Catacombes (sepulchrum romanum)
    Pour ces deux pièces, ma préférence va aux versions de Kissin, avec une sonorité fragile mais pas creuse, comme quelque chose d'incertain, un songe plus qu'une réalité. Une main droite extrêmement légère pour Con mortuis in ligua mortua pour souligner le caractère presque surnaturel de la pièce, peut-être déjà dans l'eau-delà. Avec Kissin, les Catacombes ont un côté effrayant, mais elles exercent aussi une sorte d'attirance irrésistible. Et dans la seconde pièce, le spectateur converse avec des spectres vaporeux qui traversent l'air immobile. Pogorelich reste à mon sens trop terre à terre.

    1+ pour Evgeny Kissin

  • Baba yaga
    Ici, c'est à nouveau Pogorelich qui a ma préférence. Sa Cabane sur des pattes de poule est une grosse machine terrifiante et infernale. Ses changements incessants de tempo accentue le caractère imprévisible de cette apparition diabolique dont le mécanisme nous échappe totalement (et rend le tout autrement plus inquiétant). Comme pour Gnomus, Pogorelich nous offre quelque chose de très peu conventionnel qui correspond tout à fait à cette chose étrange qu'est la cabane sur des pattes de poule. Et Kissin reste trop obsédé par la beauté du son pour oser une interprétation aussi convaincante que celle de Pogorelich.

    1+ pour Ivo Pogorelich

  • La grande porte de Kiev
    J'ai un faible très certain pour les cloches que Evgeny Kissin fait sonner à toute volée à la fin de la pièce. Pogorelich, malgré une très belle version, n'arrive pas à rivaliser avec ce son de cloches que Kissin arrive à produire et qui confère à sa grande porte un caractère grandiose et une richesse d'imagination supplémentaire. Le son est grand, rond, plein, vibrant comme des lourdes cloches.

    1+ pour Evgeny Kissin


evgeny_kissin

    5-3 pour Evgeny Kissin... (Ouf!)
    Mais je ne pense pas que ce soit utile de raisonner comme ça. Il ne s'agit pas d'un match de foot, mais de musique!

    Pour ma part, je préfère encore et toujours la version de Kissin,simplement déjà pour ses Tuileries que je n'échangerait contre rien au monde, et aussi parce que les deux pièces dans lesquelles Pogorelich cartonne - Gnomus et Bydlo - sont, avec Il vecchio castello les trois pièces que j'écoute le moins.

    La version d'Ivo Pogorelich reste sans doute une référence, en tout cas je le trouve vraiment excellente et, selon moi, elle mérite les éloges dont on la couvre. Foncez donc sans crainte chez votre disquaire (ha, je lui fait un bon coup de publicité là, à Pogorelich. Pour ma peine, il pourrait se pointer une fois en Suisse, non?), et achetez l'une ou l'autre de ces Expositions!

samedi 12 avril 2008

PAL - Pile A Lire

A
Altenberg: Sonnenuntergang im Prater

B
Boulgakov: Le Maître et Marguerite
Beltrando-Patier : Histoire de la Musique
Brunel : Histoire de la littérature française XIXe-XXe

C
Céline: Voyage au bout de la nuit

D
Dostoïevski: Crime et Châtiment
Dahlhaus : Ludwig van Beethoven und seine Zeit

Dahlhaus: Wagners musikalisches Drama
Dahlhaus: Wagners Musikdramen

E
Eco: Au Nom de la Rose

F
Flaubert: Salammbô

G
Goethe: Faust

H
Hauptmann: Die Weber
Hoffmansthal : Der Tor und der Tod
Hoffmansthal : Der Brief des Lord Chandos
Holz: Phantasus


I
Ionesco: Rhinoceros

J
Jarry: Ubu roi

K
Kundera: L'insoutenable légèreté de l'être
Kiem (Hg.): Richard Wagner und seine Zeit

L
Littell: Les Bienveillantes

M
H. Mann: Im Schlaraffenland
Maeterlinck : Devant Dieu
Th. Mann : Tristan
Th. Mann : Mario und der Zauberer
Th. Mann: Königliche Hoheit
Millington: Richard Wagner

N
Novalis: Heinrich von Ofterdingen
Nattiez: Wagner androgyne


O
Orwell: 1984

P
Pennac: Chagrin d'Ecole

Q
Queneau: Les Fleurs Bleues

R
Rilke: Das Stundenbuch
Rostand: Johannes Brahms


S
Sartre: Huis Clos
Schnitzler: Anatol
Schnitzler: Anatols Grössenwahn
Schnitzler: Der grüne Kakadu

T
Tieck: Der Runenberg
Turchetti: Tyrannie et tyrannicide de l’Antiquité à nos jours


U
Ustinov : The old man and Mr. Smith

V
Voltaire: Candide

W
Wedekind: Lulu

X
Xinjiang Gao: La Montagne de l'âme

Y
Yourcenar: Les Mémoires d'Hadrien

Z
Zola: Au bonheur des dames